Aux yeux d'un publiciste d'antan qui, fidèle à la théorie, maîtriserait parfaitement les concepts de régimes présidentiel et parlementaire, il pourrait paraître étrange de parler de « responsabilité » d'un chef de l'Etat. Elle est annulée par l'essence même du premier, à savoir par la séparation stricte des pouvoirs, et quand bien même elle est présente dans le second, elle n'incombe qu'au gouvernement. Seulement, il importe de ne jamais oublier que la France, après une bonne quinzaine de constitutions plus ou moins éphémères, n'a su se contenter de l'un et de l'autre, et a opté pour un système mixte dont le terme officiel même a eu du mal à se dégager ; publicistes et politologues ont parlé de principat (au sens romain), de monocratie plébiscitaire, de démocratie république plébiscitaire, de monarchie dualiste ou de dyarchie moniste, de parlementarisme présidentiel ou de présidentialisme parlementaire, et enfin, termes plus connus, de régime semi-parlementaire ou semi-présidentiel - même si quelques (rares) juristes vilipendent encore la Constitution, établissant selon eux un régime qu'ils appellent « bâtard ». Une indécision, somme toute, du fait du refus de basculer ni dans un régime parlementaire (présupposant la prépondérance du premier ministre, ce qui est incompatible avec l'élection du chef de l'Etat), ni dans un régime présidentiel à l'états-unienne qui serait contraire à la tradition républicaine nationale.
Puisque la France est donc dotée d'un régime mixte en désaccord avec la théorie constitutionnelle classique, la responsabilité de son chef d'Etat voit de même son sens se modifier.
[...] A défaut de clarté constitutionnelle, il fallut s'appuyer sur l'interprétation jurisprudentielle, dont le premier pas fut donné par la décision du Conseil des 9 sages (présidé alors par Roland Dumas) du 22 janvier 1999 relative à la cour pénale internationale, qui interprète l'article 68 en rendant sa deuxième phrase autonome, et qui considère que le président ne bénéficie pas d'une immunité pénale totale, mais simplement d'un privilège de juridiction, car sa responsabilité ne pouvait être engagée que devant la haute cour de justice. (...)
[...] On voit donc que le Président était jusqu'à peu de temps encore irresponsable juridiquement pendant l'exercice de ses fonctions d'une part, et doté d'une responsabilité politique faible héritée des régimes antérieurs, et se présentant sous une forme directe et une forme indirecte. On s'aperçoit alors que l'analyse ne peut s'arrêter là, car il faut dès à présent souligner le besoin de responsabilisation (expression de P. Pactet) du Président, et les efforts générés à cette fin jusqu'à présent. II. LA CONSTRUCTION RECENTE ET NECESSAIRE D'UNE RESPONSABILISATION DU PRESIDENT DE LA VE REPUBLIQUE. Il s'agit d'analyser les caractéristiques de la remise en cause de l'irresponsabilité du Président par rapport aux trois pouvoirs puis par rapport au peuple (B.). A. [...]
[...] Si on les considère comme étant attachées, alors on en conclut que le président n'est responsable que du crime de haute trahison, uniquement pendant ses fonctions et seulement devant la haute cour de justice. Mais si on les considère de manière isolée, le sens est tout autre : on croit que le l'ex-président peut être accusé de n'importe quelle infraction commise pendant son mandat, que ce soit d'ailleurs pour un crime de haute trahison ou non. Il en résultait donc un grave problème de sécurité juridique, d'autant plus grave qu'il était issu d'un texte normatif hiérarchiquement suprême La modification jurisprudentielle des modalités de l'irresponsabilité pénale du Président. [...]
[...] Pour ce faire, elle agit de deux manières sur les pouvoirs présidentiels : Elle les limite, par la réduction à deux du nombre de mandats successifs, la perte du droit de grâce et la perte de la présidence du Conseil Supérieur de Magistrature ; Elle les encadre, en limitant la durée des pouvoirs exceptionnels de l'article 16 et en contrôlant la nomination des hauts fonctionnaires. Sur ce point, voir R. Ghevontian, La Révision de la Constitution et le Président de la république : l'hyperprésidentialisation n'a pas lieu, Revue Française de Droit Constitutionnel, G. Pompidou, Entretiens et discours, Paris, Plon p Intervention télévisée du 14 juillet 2001. B. LA LUTTE CONTRE LE PARADOXE DE L'IRRESPONSABILITE DEVANT LE PEUPLE FRANÇAIS. [...]
[...] Sarkozy (choisissant de délaisser dans un élan de sagesse inattendu sa volonté d'hyper-présidentialisation de ses fonctions pour être à l'origine des révisions de 2007 et 2008) s'attribua toute la responsabilité dans la verve d'un discours trempé d'une franchise dont l'effectivité tiendra au jugement de chacun à Epinal prononcé en juillet 2007. Il ne peut y avoir de pouvoir fort sans responsabilité forte [ . ] Je ne peux pas faire semblant d'être responsable alors que les Français ont fait de moi le premier des responsables [ . ] Au nom de quoi le chef de l'État, qui devrait être le premier des Français, serait donc le seul à devoir s'organiser pour ne pas avoir à assumer (ses responsabilités). [...]
[...] Rappelons qu'il disposait : Le président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice. Guy Carcassonne, l'un des grands noms de l'analyse constitutionnelle contemporaine, soulignait dans sa Constitution commentée (Constitution. Introduite et commentée par Guy Carcassonne, préfacée par Georges Vedel ed. [...]
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