Tenter de définir ce qu'est le bloc de constitutionnalité s'avère relativement audacieux. En effet, cette définition ne serait sans doute que temporaire puisqu'il s'agit d'un concept largement évolutif qui a accueilli depuis 1958 de nombreuses extensions. Ainsi, le terme même de « bloc » contient toute l'ambivalence de cette notion et marque une volonté de compromis car il apparaît relativement compliqué de qualifier un ensemble si hétérogène qu'il regroupe à la fois des droits, des libertés et des principes. Des composantes auxquelles le Conseil Constitutionnel a progressivement accordé une « valeur constitutionnelle » à l'occasion de décisions rendues, il s'agit donc d'une extension « prétorienne » du bloc de constitutionnalité. L'évolution de cette notion est intimement liée à celle de l'institution qui en est la garante à savoir le Conseil Constitutionnel qui est passé d'un rôle de conservateur de la Constitution et de contrôleur de la constitutionnalité des lois et traités (selon les articles 54 et 61 de la Constitution), à celui de créateur par l'énumération, la redéfinition et finalement l'incorporation de nouveaux principes dans ce bloc de constitutionnalité. Il s'agit d'un véritable travail de codification des principes ou textes occupant le sommet de la hiérarchie telle qu'elle fut décrite par Hans Kelsen (avec la réserve que l'on doit accorder au droit communautaire).
Si l'on considère l'évolution du bloc de constitutionnalité, il importe également de se pencher sur son rôle en matière législative. En effet, il peut se définir comme l'ensemble des normes qui s'imposent au Parlement dans l'exercice de son pouvoir législatif. A travers ce bloc, c'est bel et bien le Conseil Constitutionnel, dont le rôle initial est de faire respecter la hiérarchie des normes, fondement de la légalité démocratique, via le contrôle de constitutionnalité en prenant pour référant (norme suprême) le bloc de constitutionnalité. L'idée de confier cette mission à un organe relativement indépendant des pouvoirs exécutifs et législatifs et surtout externe au Parlement s'est imposée difficilement en France du fait de la crainte du « gouvernement des juges » (qu'il nous importera d'infirmer) et de la volonté des assemblées d'exercer une certaine souveraineté en matière législative. Or, dans ce cas précis, elles se trouvent inféodées à l'appréciation de plus en plus libre du juge constitutionnel. Par répercussion, le pouvoir exécutif en ressort renforcé ce qu'il nous faudra nuancer (d'où un impact sur la nature du régime de la Vème République).
Le paradoxe réside dans l'idée que ce bloc, devant servir de référence à toutes les institutions, devant garantir les héritages révolutionnaires (ex :Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen) tout en assurant la continuité de l'Etat de droit, soit un concept en perpétuelle évolution et dont les composantes sont parfois formulées de manière relativement vague. Ce qu'il nous importe de déterminer, c'est avant tout la structure actuelle de ce bloc, son organisation ainsi que son utilisation par le Conseil Constitutionnel en vue d'une extension de ses prérogatives.
Ainsi nous tenterons de répondre à la problématique suivante :
« En quoi le caractère hétérogène et extensible du bloc de constitutionnalité a-t-il permis au Conseil Constitutionnel d'accroître sa marge d'appréciation et d'affirmer son rôle de contre-pouvoir d'une part, et de garant des libertés des citoyens d'autre part ? »
Pour se faire, dans un premier temps, nous aborderons la description du contenu « actuel » du bloc de constitutionnalité (I) en insistant sur la cohabitation d'éléments variés parfois antagonistes (A) d'autant plus qu'ils ne sont soumis à aucune hiérarchie interne au bloc (B). Puis, nous considérerons les conséquences de l'extension du bloc de constitutionnalité (II) sur les pouvoirs exécutifs et législatifs (A), et enfin sur le « peuple » a qui l'article 3 de la Constitution attribue la « souveraineté » (B).
[...] De plus la mission du Conseil réside également dans la garantie d'une certaine stabilité juridique incarnée par la solidité de ce bloc de constitutionnalité (mais pas par son caractère définitif ce qui est paradoxal). Le travail de codification qui en résulte néanmoins marque une volonté de clarification de ce qui a ou non une valeur constitutionnelle afin que le peuple souverain puisse s'y référer au même titre qu'à la Constitution pour faire valoir ses droits (c'est une exigence d'intelligibilité de la loi qui a été elle aussi consacrée comme ayant une valeur constitutionnelle dans une décision du 16 décembre 1999). [...]
[...] Depuis les années 70, on parle même de révolution juridique puisque le Conseil Constitutionnel a considérablement dépassé le cadre de ses prérogatives initiales de contrôle mécanique de la conformité des lois et traités à la simple Constitution stricto sensu. Or un élément peut expliquer la crainte d'un trop grand flottement dans la composition du bloc de constitutionnalité : l'absence de règles établissant la subordination de certains de ces principes aux autres afin de pouvoir anticiper la censure du Conseil Constitutionnel. [...]
[...] B)Une extension favorisant la défense des libertés des citoyens et la réactualisation de la Constitution de 1958. Avec la décision du 16 juillet 1971, le Conseil Constitutionnel s'inscrit dans une tradition, celle de 1789 et qui a été reprise par toutes les constitutions républicaines, qui favorise avant toute chose la protection des droits en lui reconnaissant une valeur égale au corps même de la Constitution de 1958. Selon Jean Rivero, le contrôle de constitutionnalité exercé par le Conseil Constitutionnel est devenu un moyen de défendre les citoyens lorsque la loi se fait oppressive En effet ce qui est mis en avant est que la légitimité de ce contrôle et de l'extension du bloc de constitutionnalité tient dans l'idée que le peuple reste souverain et qu'il reste le constituant supérieur. [...]
[...] D'autre part, dans une décision de 1985 appelée Etat d'urgence en Nouvelle Calédonie le Conseil Constitutionnel énonce que la loi n' est l'expression de la volonté générale que dans le respect de la Constitution cet ajout de la référence à la Constitution a pour conséquence de renforcer l'indépendance du pouvoir judiciaire mais surtout du Conseil Constitutionnel en tant qu'organe, des pouvoirs exécutifs et législatifs en se considérant comme le garant de l'Etat de droit et en se positionnant comme un arbitre ayant le dernier mot, dans les querelles opposant les deux pouvoirs. L ‘expression gouvernement des juges renvoie quant à elle davantage à la notion d'un pouvoir arbitraire qui s'exercerait au détriment des institutions et de l'intérêt général. Or, le Conseil Constitutionnel se veut avant tout le défenseur des libertés des citoyens, il instaure, par cette affirmation de 1985, un lien beaucoup plus étroit et direct entre les besoins législatifs du peuple qu'il se propose de satisfaire et son rôle de contrôle in abstracto des lois du Parlement. [...]
[...] Or, dans ce cas précis, elles se trouvent inféodées à l'appréciation de plus en plus libre du juge constitutionnel. Par répercussion, le pouvoir exécutif en ressort renforcé ce qu'il nous faudra nuancer (d'où un impact sur la nature du régime de la Vème République). Le paradoxe réside dans l'idée que ce bloc, devant servir de référence à toutes les institutions, devant garantir les héritages révolutionnaires (ex : Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen) tout en assurant la continuité de l'Etat de droit, soit un concept en perpétuelle évolution et dont les composantes sont parfois formulées de manière relativement vague. [...]
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