« La Constitution de 1793 est, d'abord et avant tout, une contre Constitution de 1793 (…) elle espère la jeter par dessus bord pour en faire une autre tout à fait différente ». C'est ainsi que le professeur Jean Jacques Chevalier définissait, dans l'un de ses ouvrages traitant de l'Histoire institutionnelle française, la Constitution de l'an du 5 fructidor an III établie sous la Convention thermidorienne après la chute de Robespierre le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794) en soulignant l'une de ses caractéristiques profondes, le rejet du régime précédent ainsi que du modèle de 1793. Le modèle de régime rejeté fut dominé, durant ces derniers instants, par la grande Terreur à laquelle Robespierre avait pourtant tenté de redonner un nouveau souffle de rigueur, à l'image de l'accélération de la procédure judiciaire qui avait été entrepris. La déchristianisation engagée par la destruction des symboles anciens au profit d'une nouvelle religion civique basée sur la raison, avait conduit Robespierre, dans ce que le professeur Pfister décrit comme un élan « illuminé », à instituer un culte de l'être qui allait, en peu de temps, le conduire à sa chute. Ainsi, c'est cette atmosphère d'emballement de cette « machine infernale » et de méfiance à l'égard de cette dérive confessionnelle, mais également peu de temps après la victoire de l'armée à Fleurus, qui porteront atteinte la légitimité même de l'existence du Gouvernement révolutionnaire, et qui conduisirent à ce que ceux qui étaient hier aux cotés de Robespierre à la Convention, par peur d'en être eux-mêmes les victimes, décrètent son arrestation ainsi que celle d'une vingtaine de ses collaborateurs. Leur sentence fut, sans délai, celle qu'ils avaient, eux-mêmes, pris coutume d'administrer à tous leurs opposants.
Dès lors, le Gouvernement révolutionnaire est désorganisé, le comité de Salut Public est remanié et sa compétence est limitée à la guerre et aux affaires étrangères, des garanties judiciaires sont instaurées, les « suspects » d'hier sont libérés et la liberté de culte est rétablie. Cette période, marquée par une grave crise économique qui fait suite à l'instauration du libéralisme, ponctuée notamment de mouvements populaires tels que les chouanneries vendéennes, ou ceux du 12 germinal ou du 1er plairial an III durant lesquels la Convention fut envahie sous les cris des ouvriers demandant « du pain et la Constitution », est également celle de la dissolution de la commune de Paris, de la fermeture de club des jacobins et de leur répression ou terreur blanche.
Dans ce contexte, il apparaît déterminant pour les Thermidoriens, qui forment la nouvelle majorité politique à la Convention par l'alliance de la plaine, des revenants girondins et des repentis de la terreur, de réagir, c'est-à-dire de rejeter le régime précédent qu'est celui de la Terreur pour former un nouveau projet politique. L'instauration d'une telle organisation institutionnelle et sociale, du fait du rejet de la Constitution de 1793 jugée trop « démocratique », passant par la rédaction d'une nouvelle Constitution, une commission de onze membres composée de survivants girondins comme Daunou ou de républicains modérés à l'image de Thibaudeau ou Boissy d'Anglas, fut chargée de la rédiger.
Le dernier de ses membres dont nous citions le nom, Boissy d'Anglas, qui avait été élu Président de la Convention après le 9 thermidor an II, fut chargé le 23 juin 1795 de présenter, aux représentants des citoyens, en tant que rapporteur et dans un discours préliminaire, dont un extrait nous est présenté, le projet de Constitution préparé par la commission.
Par l'étude de ce discours de Boissy d'Anglas, il apparaît donc déterminant de tenter d'apprécier quelle fut la conception des institutions et de la société qui régira la future République, présentée à la convention nationale.
Ainsi, l'étude du rejet du régime précédent passant par le recul de la démocratie formulée dès le début du discours de Boissy d'Anglas, (I) nous conduira à apprécier qu'il propose, dans un second temps, une nouvelle organisation des pouvoirs et des institutions qui tend à empêcher l'instabilité et l'instauration d'une nouvelle dictature (II).
[...] Discours préliminaire au projet de Constitution, Boissy d'Anglas, le 23 juin 1795 à la Convention nationale La Constitution de 1793 est, d'abord et avant tout, une contre Constitution de 1793 ( ) elle espère la jeter par-dessus bord pour en faire une autre tout à fait différente C'est ainsi que le professeur Jean Jacques Chevalier définissait, dans l'un de ses ouvrages traitant de l'Histoire institutionnelle française, la Constitution de l'an du 5 fructidor an III établie sous la Convention thermidorienne après la chute de Robespierre le 9 Thermidor an II (27 juillet 1794) en soulignant l'une de ses caractéristiques profondes, le rejet du régime précédent ainsi que du modèle de 1793. [...]
[...] C'est à ce titre que la conception de l'exercice du pouvoir politique présenté par Boissy d'Anglas apparaît comme un net recul de la démocratie qui sera définie bien plus tard par Lincoln comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple puisqu'elle retire à l'essentiel de la population le pouvoir politique pour le confier à une minorité bourgeoise d'environ 30000 personnes. Ce recul de la démocratie est également marqué par la présentation de modifications de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1793 qu'il importe de souligner. [...]
[...] Une réduction de la nature démocratique du pouvoir politique exposé par Boissy d'Anglas Boissy d'Anglas, en rappelant les bases de sa conception du pouvoir politique qui se distingue de celle de 1793, dénonce les principes illusoires d'une démocratie absolue Prévu par la Constitution de 1793, le suffrage universel est d'emblée écarté. Il s'agit ici de retirer le pouvoir d'élire à ceux qui sont considérés comme le soutien du gouvernement révolutionnaire, le petit peuple parisien, les sans-culottes et donc d'éviter toute possibilité de soulèvement populaire. Rompant avec la souveraineté populaire Rousseauiste qui avait inspiré la Constitution de l'an Boissy d'Anglas présente ici le retour vers la souveraineté nationale chère à Sieyès, qui fait d'ailleurs partie de la commission de constituant, et consacre le retour du suffrage censitaire (indirect) de 1791. [...]
[...] Cette période, marquée par une grave crise économique qui fait suite à l'instauration du libéralisme, ponctuée notamment de mouvements populaires tels que les chouanneries vendéennes, ou ceux du 12 germinal ou du 1er plairial an III durant lesquels la Convention fut envahie sous les cris des ouvriers demandant du pain et la Constitution est également celle de la dissolution de la commune de Paris, de la fermeture de club des jacobins et de leur répression ou terreur blanche. Dans ce contexte, il apparaît déterminant pour les Thermidoriens, qui forment la nouvelle majorité politique à la Convention par l'alliance de la plaine, des revenants girondins et des repentis de la terreur, de réagir, c'est-à-dire de rejeter le régime précédent qu'est celui de la Terreur pour former un nouveau projet politique. [...]
[...] Par l'étude de ce discours de Boissy d'Anglas, il apparaît donc déterminant de tenter d'apprécier quelle fut la conception des institutions et de la société qui régira la future République, présentée à la convention nationale. Ainsi, l'étude du rejet du régime précédent passant par le recul de la démocratie formulée dès le début du discours de Boissy d'Anglas, nous conduira à apprécier qu'il propose, dans un second temps, une nouvelle organisation des pouvoirs et des institutions qui tend à empêcher l'instabilité et l'instauration d'une nouvelle dictature (II). [...]
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