« Ce qui va être fait, c'est, en somme, ce que l'on a appelé la Constitution Bayeux, parce que là, le 16 juin 1946, j'ai tracé celle qu'il faut à la France ». Par cette phrase, énoncée dans Mémoires d'espoir en 1970, Charles de Gaulle résume en peu de mots ce qui constitue la thèse généralement admise selon laquelle le général aurait tracé dans un discours les grandes lignes de la Constitution de la Ve République.
Il convient néanmoins de resituer l'événement dans son contexte pour en comprendre la portée. Il intervient ainsi alors que le général a donné sa démission de la présidence du gouvernement provisoire le 20 janvier 1946, en désaccord avec la commission chargée de la rédaction de la nouvelle constitution, et alors que le premier projet soumis à la population fut rejeté le 5 mai 1946. Le général rompt ainsi son silence de plusieurs mois pour faire connaître sa position. Il s'agit selon ses dires de « mettre les constituants en face de leurs responsabilités » et de « cristalliser l'opinion publique autour d'idées simples et sages » dont chacun saurait désormais qu'elles sont les siennes. Le contexte montre ainsi que la réflexion du général est exposée alors même que la Constitution de la IVe République dans sa deuxième version n'a pas été présentée au grand public. Elle s'inscrit donc en référence aux Constitutions de la France antérieures à celle du 13 octobre 1946 et notamment au projet rejeté. Mais la vie politique sous la IVe République ne put que renforcer les convictions du général De Gaulle, dans les années qui suivirent et explique donc en quelque sorte qu'elles n'aient que peu changé en juin 1958. De Gaulle est alors en mesure d'imposer ses vues, en présidant le Comité interministériel chargé de la rédaction de la nouvelle Constitution.
Quels sont dès lors les grands principes énoncés dans le discours de Bayeux qui préfigurent la Constitution de 1958 ? Nous verrons que le discours donne un rôle restreint à la représentation national tandis que le pouvoir exécutif est renforcé à travers la place dévolue au Président de la République.
[...] La combinaison des deux formes de consultations, directe et indirecte rejoint en quelque sorte une des théories constitutionnelles de Carré de Malberg. De même, la séparation des pouvoirs reste la règle absolue : Se pose ainsi pour lui la question de savoir comment garantir les intérêts supérieurs du pays En effet, dans une formule alambiquée il donne une réponse : Il est nécessaire que nos institutions démocratiques nouvelles compensent, par elles mêmes, les effets de notre perpétuelle effervescence politique Il s'agit ainsi pour lui de séparer le législatif c'est-à-dire le régime des partis (qu'il désigne par cette effervescence politique de l'exécutif qui doit mener la politique de l'intérêt général au-delà des divisions et connivences politiques. [...]
[...] pp92-113 et pp224-232. - CARCASSONNE, DUHAMEL, CHEVALLIER. La Ve République 1958-2004. Armand Colin Paris. Chapitre 1. - Le Discours de Bayeux. [...]
[...] On le voit donc, De Gaulle dessine par son discours une Constitution où les principes de la démocratie sont réaffirmés mais où le pouvoir législatif est fortement équilibré par l'exécutif. Cela va de pair avec un renforcement des prérogatives de l'exécutif et notamment du chef de l'Etat. II) Un pouvoir exécutif renforcé à travers le rôle du chef de l'Etat Un chef de l'Etat garant de l'unité nationale et de la continuité de l'Etat Le chef de l'Etat est placé au-dessus des partis. [...]
[...] A lui de promulguer les lois (art de prendre des décrets (art de présider les Conseils de Gouvernement, c'est-à-dire le Conseil des ministres (art et le Conseil de la Défense Nationale (art 15). Pour reprendre l'expression d'Olivier Guichard, à propos de l'esprit de la Constitution du 4 Octobre 1958, il y a tout dans Bayeux. En effet, s'il ne faut point négliger les influences diverses de juristes dans sa rédaction, il paraît évident que les principes essentiels de la Constitution, tout comme des dispositions plus précises, semblent avoir été énoncés dans le discours de Bayeux. [...]
[...] Mais il préfigure aussi les moyens accordés pour assumer ces lourdes responsabilités : l'article 16 de la constitution qui accorde tous les pouvoirs en cas de danger grave ou de crise exceptionnelle. Un chef de l'Etat, chef de l'exécutif aux prérogatives élargies Le Président de la République est renforcé au détriment du Premier ministre : Selon De Gaulle, c'est du Président de la République que doit procéder l'exécutif. Il le définit donc comme le chef de l'exécutif et cela se retrouve dans la rédaction de la Constitution : le chef de l'Etat devient véritablement la clef de voûte des institutions, le titre consacré au Président de la République dans la Constitution apparaissant immédiatement après le titre I consacré à la souveraineté nationale. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture