« La loi est un organisme vivant, tantôt une personne, tantôt l'un de ses organes atteints par une maladie à laquelle bientôt elle finit par s'identifier »
Ces mots de Michel Couderc permettent parfaitement de saisir la situation dans laquelle se trouve la loi aujourd'hui. Jusqu'en 1958 prévalait la conception traditionnelle de la loi consistant à envisager celle-ci selon l'organe et la procédure : la loi est alors l'acte voté par le Parlement français selon la procédure législative. Ainsi, pour reprendre l'expression de Michel Couderc, la loi s'identifie à son organe principal, le Parlement français.
Mais une révolution théorique s'opère alors pour plusieurs raisons. Premièrement, l'article 34 de la Constitution sépare le domaine de la loi et du règlement. Deuxièmement, la loi n'exprime plus la volonté générale que dans le respect de la Constitution, entraînant l'émergence de la justice constitutionnelle. Troisièmement, le Parlement français est dessaisi et contraint à la fois par le haut, via l'Europe, mais aussi par le bas, via la décentralisation. La loi devient ainsi l'acte adopté parfois par le Parlement, dans les domaines de compétences définis dans la Constitution, dans le respect de la Constitution et des traités, sous la contrainte de l'Europe et de la décentralisation. On ne peut donc plus envisager la loi selon un unique organe. Ainsi, la théorie de la loi est révolutionnée par la concurrence faite à son auteur traditionnel, le Parlement français.
[...] Mais ces nouveaux acteurs, comme nous allons le voir, semblent être à l'origine du déclin de la loi. acteurs qui semblent être à l'origine du déclin de la loi Tout d'abord, si l'on parle de déclin, cela doit être nécessairement par rapport à une image que l'on se fait de ce que doit être une loi et sur laquelle il faut revenir. Les rédacteurs du Code civil, et principalement Portalis, ont ainsi édicté des règles pour la science législative : les lois doivent être rares, claires, utiles et non changeantes tout en n'entrant pas dans le détail, se contentant de fixer les principes généraux en s'adressant aux hommes en général. [...]
[...] En effet, le Conseil a opéré un infléchissement de sa jurisprudence relative aux incompétences négatives. De plus, celui-ci a choisi en 2005 non pas de censurer les dispositions réglementaires contenues dans une loi, mais de les déclasser, reconnaissant ainsi l'empiètement de la loi sur le domaine réglementaire. Une interprétation très souple de la séparation des domaines de la loi et du règlement permettant, nous l'avons vu, de pérenniser la baisse de la qualité de la loi, ces changements vont donc dans le bon sens, si bien que le Conseil Constitutionnel semble réellement parti en guerre pour atténuer le déclin de la loi. [...]
[...] Le régime législatif de l'outremer n'est pas à négliger. En effet, les lois constitutionnelles de 1998 ont institué des régimes législatifs à part pour la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, Mayotte et Saint-Pierre-et- Miquelon. Or, cela a eu pour effet de rendre la législation beaucoup plus complexe et technique : chaque loi comporte aujourd'hui un nombre variable d'articles ayant pour but de préciser les adaptations nécessaires à leur mise en application outre-mer. Ceci peut avoir une influence considérable : par exemple, sur les 62 articles de la loi sur l'avenir de l'école avaient pour but de préciser les modalités d'application aux anciens territoires d'outre-mer. [...]
[...] Ainsi, la récente révision constitutionnelle, dont l'article 7 prévoit qu'il est joint aux projets de loi déposés un ou plusieurs documents rendant compte des travaux d'évaluation préalable qui ont été réalisés avant la présentation des projets au Parlement va assurément dans le bon sens et témoigne d'une prise de conscience généralisée des risques entraînés par un déclin prolongé de la loi. [...]
[...] La possibilité d'être saisi par 60 députés ou sénateurs en 1974 parachève son envol. La révolution théorique a donc entraîné l'émergence d'un nouvel acteur, le Conseil Constitutionnel. D'autres juges sont également venus concurrencer le Parlement français. En effet, si les juges administratifs et judiciaires ont toujours admis qu'un traité prévalait sur une loi antérieure contraire, cela n'était pas le cas pour une loi postérieure. Or, dans la hiérarchie des normes, les traités se trouvent à un niveau intermédiaire entre la Constitution et la loi. [...]
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