Malgré son caractère sacré, la loi, source principale du droit français, traverse une crise importante et croissante. Selon de nombreux juristes, dont le président du conseil constitutionnel Pierre Mazeaud, la loi serait en effet devenue « un rite incantatoire, surchargée de détails, trop fréquente, imprécise, bavarde…et donc inefficace ». Elle semble de plus en plus difficile d'accès pour le citoyen et toujours plus difficilement interprétable pour les juges. De plus, elle perd peu à peu son rôle protecteur des droits au profit d'un rôle « d'empêcheur ». Cette crise, qui est donc à même d'augmenter l'insécurité juridique des citoyens, semble trouver ses racines dans la Constitution de la Ve République, qui limite le domaine d'intervention la loi par l'article 34, dans l'avènement de la hiérarchie des normes et du droit européen, mais aussi dans « l'inflation législative galopante ».
Quels sont donc les causes et les symptômes exacts de cette crise ? Peut-on l'assimiler à une crise du Parlement, ou pire à une crise de l'Etat de droit français ? Nous tenterons de répondre à ces questions en étudiant la crise interne de la loi, puis la crise « externe » de celle-ci.
[...] En outre, la loi connaît une forte dévalorisation, elle s'émiette, perd sa cohérence et la sève de quelques principes libérateurs d'après Cabrillac. En effet, de plus en plus de lois sont vides de tout contenu normatif, à tel point que le Conseil d'Etat, toujours dans son rapport public de 1991 parlait du développement d'un droit à l'état gazeux, mou et flou. Ce droit flou comporte différents types de lois, parmi lesquelles nous pouvons citer les lois molles (également appelées neutrons législatifs par J.Foyer), qui sont des lois sans contenu obligatoire et donc sans effet en pratique ; les lois fourre-tout qui contiennent diverses dispositions d'ordre (DDO) et diverses mesures d'ordre (DMO) s'enchaînant sans liens logiques ; mais aussi les lois émotives qui sont adoptées dans l'urgence d'une situation, avant même que les causes du problème soient connues et sont souvent mal écrites. [...]
[...] Le constat est évident : nous sommes bien loin du petit nombre de lois recommandé par le philosophe Rousseau. Les causes de cette inflation sont diverses et variées, et les thèses sont nombreuses : certains l'imputent au renforcement de l'intervention de l'Etat dans tous les domaines d'autres aux députés, qui ne sont pas des juristes, et compensent donc la mauvaise qualité de leurs lois par une multiplication de celles-ci, d'autres encore aux ministres qui veulent tous leur petite loi Citons également la thèse dite de la loi paravent selon laquelle une loi est devenue le meilleur moyen de régler un problème de société, en donnant l'impression que le problème est résolu, et ce, même si la loi se révèle inefficiente. [...]
[...] La hiérarchie des normes, systématisée par Hans Kelsen, est une articulation des normes qui assure la cohérence de l'ordre juridique, c'est- à-dire du droit national et communautaire : selon celle-ci, toute règle doit respecter la règle qui lui est supérieure Elle a été introduite en France par la Constitution du 27 octobre 1946 et renforcée par celle du 4 octobre 1958, puisque c'est à partir de cette date que la Constitution devient la norme suprême et donc que la hiérarchie moderne du droit français se met en place : la Constitution est supérieure aux traités internationaux, qui sont supérieurs à la loi organique (c'est-à-dire la loi au sens formel), qui est supérieure au règlement (loi au sens matériel) La mise en place d'un contrôle de constitutionnalité des lois (avec la création du Conseil Constitutionnel) par l'article 61 al.1 notamment, confirme la domination de la Constitution, puisque la loi se retrouve sous surveillance : elle ne peut plus enfreindre la constitution et il ne lui est plus possible de la modifier de manière implicite et sans respecter les formes prescrites La hiérarchie des normes postule aussi que les traités internationaux et le droit communautaire (celui de l'Union Européenne) sont supérieurs aux lois nationales : ils sont donc intégrés dans l'ordre juridique interne, soit directement de manière hiérarchisée, soit par le biais des Cours internationales, et deviennent applicables par le système judiciaire national. Ainsi, depuis l'arrêt Costa (1963) de la Cour de Justice des Communautés européennes, le droit communautaire est un ordre juridique autonome et est directement intégré dans le droit français. Ce droit communautaire et l'extension des domaines de compétences de l'Union européenne et de ses instances peuvent donc affaiblir le parlement français et donc la loi nationale. [...]
[...] Peut- on l'assimiler à une crise du Parlement, ou pire à une crise de l'Etat de droit français ? Nous tenterons de répondre à ces questions en étudiant la crise interne de la loi, puis la crise externe de celle-ci. La loi traverse actuellement une grave crise interne liée à la fois à la dégradation de sa qualité, son instabilité et sa perte de sens, et à la multiplication frénétique de lois, communément nommée inflation législative Malgré les contraintes rédactionnelles qui dictent sa forme, la loi perd peu à peu sa lisibilité face à l'instabilité des règles et à la dévalorisation de la norme. [...]
[...] La loi, norme supérieure incontestée jusqu'en 1958, a peu à peu abandonné sa domination devant l'évolution du droit Français, mais aussi du droit international. Ainsi, elle s'est heurtée à une restriction de son domaine et une hiérarchisation des normes, et doit aujourd'hui faire face à une concurrence et une évolution institutionnelle défavorables. La Constitution du 4Octobre 1958 semble marquer clairement la fin de la toute-puissance de la loi, à la fois car elle limite son domaine d'intervention et, car elle renforce la hiérarchie des normes. [...]
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