Aristote a entrevu les différentes fonctions du pouvoir au sein de l'Etat. Locke a compris qu'elles pouvaient être exercées par des organes distincts. Montesquieu a élaboré un système de gouvernement ayant pour objectif d'éviter que le pouvoir ne soit despotique.
La théorie de la séparation des pouvoirs repose sur cette volonté de bannir tout absolutisme attentatoire aux libertés individuelles. Le fonctionnement harmonieux des institutions n'est possible que si le pouvoir n'est pas concentré dans les mêmes mains. En effet, « c'est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser : il va jusqu'à ce qu'il trouve des limites ». Par conséquent, « pour qu'on ne puisse pas abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir » (L'esprit des lois 1748).
Tels sont les principes qui sous-tendent le contrôle de l'exécutif dans les régimes libéraux. La mise en œuvre de la séparation des pouvoirs, si elle est commune à ces régimes, est également le fondement de leur différenciation. La séparation constitutionnelle des pouvoirs est souple dans les régimes parlementaires tandis qu'elle est stricte dans les régimes présidentiels.
La constitution espagnole de 1978 (parce qu'elle est le produit de juristes formés à Cambridge ?) rattache l'Espagne aux premiers. La constitution argentine de 1853 (parce qu'elle est inspirée du régime qui a soutenu diplomatiquement le processus d'indépendance ?) place l'Argentine dans la catégorie des seconds. Les régimes espagnols et argentins, qui durant leurs phases autoritaires ont connu des chefs tout puissants et incontestés, disposent aujourd'hui de normes constitutionnelles sur lesquelles peut s'appuyer le contrôle de l'exécutif. Les modalités ainsi que l'étendue de ce contrôle ne sont cependant pas les mêmes dans le régime parlementaire espagnol fondé sur la responsabilité politique du gouvernement et dans le régime présidentiel argentin qui lui repose sur un système de freins et contre- poids.
S'il convient d'étudier les formes constitutionnelles du contrôle de l'exécutif et s'il est intéressant de les lier au caractère présidentiel ou parlementaire du régime, on ne peut pourtant limiter l'analyse aux textes et modèles formels. D'une part parce qu'une Constitution reste une barrière de papier dont l'action est sujette à des facteurs extra-constitutionnels. D'autre part parce que la théorie de la séparation des pouvoirs résiste mal aux aménagements contemporains du pouvoir politique qui remettent en cause les distinctions entre régimes parlementaire et présidentiel.
L'Espagne comme l'Argentine connaissent un contrôle extra-constitutionnel de l'exécutif dont certains aspects s'avèrent communs au passé autoritaire et au présent démocratique. Si les modalités et l'étendue de ce contrôle diffèrent entre les deux régimes, c'est moins parce que l'un est parlementaire et l'autre présidentiel que parce que le premier possède une économie stable pendant que le second croule sous le poids de sa dette.
Les régimes espagnols et argentins connaissent un contrôle constitutionnel de l'exécutif agencé de manière différente mais limité de manière similaire (I). Ces limites instituent un contrôle extra-constitutionnel dont la mise en œuvre actuelle en Argentine démontre l'efficacité (II).
[...] En effet, depuis la reconnaissance par la Cour Suprême du gouvernement de facto issu du premier coup d'Etat militaire en 1930, la justice est en matière politique subordonnée à l'exécutif. De 1947 à 1976, rares sont les changements gouvernementaux qui ne se sont pas accompagnés de la démission des membres de la Cour ou de leur remplacement. Le contrôle constitutionnel de l'exécutif apparaît donc clairement limité. Un exécutif qui échappe au contrôle constitutionnel dispose-t-il pour autant d'un pouvoir sans bornes ? Franco, Videla, Perón et les autres aspiraient à obtenir et conserver un tel pouvoir. [...]
[...] Plus sujette aux dissensions que n'importe quel parti majoritaire, une coalition est par conséquent plus susceptible d'exercer un contrôle sur le pouvoir exécutif. En Argentine, la démission du gouvernement de la Rua est directement liée à l'effondrement en mars 2001 de l'Alliance entre l'UCR et le Frepaso. En Espagne, l'action centralisatrice du Parti Populaire s'est vue freinée par les partis nationalistes auxquels il était allié et qui ont menacé de quitter la coalition gouvernementale. Les autonomies espagnoles et les provinces argentines sont donc en mesure de représenter des freins au pouvoir exécutif. [...]
[...] Une des manifestations du renforcement de l'exécutif aux dépens du contrôle institué par la Constitution est l'accroissement de son pouvoir législatif. Dans le régime parlementaire espagnol, cette mesure est légale mais néanmoins constitutionnellement contrôlée : le gouvernement ne devrait avoir recours aux décrets d'habilitation et aux décrets législatifs que dans les cas d'urgence. Or on note que le recours à ces décrets s'est intensifié sans justification. Par ailleurs, 9/10 des lois votées par le Congrès des députés espagnol sont aujourd'hui d'origine gouvernementale. [...]
[...] Les détenteurs du pouvoir exécutif sont le Premier ministre ainsi que son gouvernement en Espagne et le Président de la Nation en Argentine. En régime parlementaire comme en régime présidentiel, la fonction de leur contrôle est confiée en premier lieu aux assemblées législatives. Le Premier ministre espagnol doit obtenir l'accord du Congrès des députés et le président argentin celui du Sénat s'ils souhaitent déclarer l'état de siège, prolonger l'état d'alarme ou organiser un référendum. En Argentine, le Sénat contrôle également l'attribution des fonctions militaires, la nomination des ambassadeurs et des magistrats à la Cour Suprême tandis que c'est le Congrès qui autorise le Président à déclarer la guerre ou à s'absenter du territoire de la Nation. [...]
[...] Le nouveau contrôle extra-constitutionnel de l'exécutif repose en grande partie sur le système des partis. S'il limite le contrôle constitutionnel de l'exécutif, le fonctionnement de ce système promeut son contrôle extra- constitutionnel. Ce fonctionnement est tout d'abord interne. Le pouvoir exécutif est soumis au contrôle des membres de son parti. Les dissensions au sein d'un parti limitent le pouvoir du chef de l'exécutif. En janvier 1981, après que le congrès de Majorque ait vu le courant officialiste l'emporter sur le courant démocrate-chrétien qui le soutenait, A. [...]
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