Traitant des juges, Eugène V. Rostow déclare au début des années 1960 : « Leurs décisions peuvent ( … ) s'avérer, avec l'appui de la sagesse après coup, avoir été justes ou fausses, - une participation créative ou erronée d'un principe jusqu'alors insensé ». C'est ainsi que le contrôle de constitutionnalité des lois, contrôle du caractère de ce qui est conforme à la Constitution, résulte d'une évolution historique et doctrinale, notamment aux Etats-Unis d'Amérique. Le modèle américain a longtemps constitué l'unique modèle de justice constitutionnelle. La « judicial review » qualifiait le système tout entier. Désormais, la « judicial review » constitue le modèle européen, kelsénien. Quant au modèle américain, il est désigné par « constitutional review ». Des systèmes mixtes existent. Ils mêlent les deux modèles.
Dès lors, Frederik Morton propose d'admettre que le contrôle de constitutionnalité n'est que le « genre » et le modèle américain, une « espèce ou un cas » de contrôle de constitutionnalité. Cette espèce symbolisée par la Cour Suprême, actuellement présidée par John G. Roberts Junior, n'est à rapprocher d'aucune cour constitutionnelle européenne, sauf de la Cour de justice des communautés européennes.
Certes l'Article III Département judiciaire, Section 1 de la Constitution fédérale du 17 septembre 1787 donne le pouvoir judiciaire « à une Cour suprême et à telles cours inférieures que le Congrès pourra, le cas échéant, ordonner et établir », plaçant ainsi la Cour suprême en haut de la hiérarchie du pouvoir judiciaire. Toutefois, le contrôle de constitutionnalité des lois, selon le modèle américain apparaît comme l'adaptation du modèle anglais hérité de l'histoire. Ensuite, ce modèle semble être le résultat d'une évolution, ce que certains appellent une révolution. D'autres parlent de continuité. Cette évolution tient, notamment, au fait que pour qu'il y ait contrôle de constitutionnalité, encore faut-il que la Constitution soit comprise comme une norme juridique à part entière, suprême, qui s'impose à tous les organes, institutions et juges de l'Etat, qu'il soit fédéral ou non. L'expérience anglaise montre que dès 1771, le révérend James Lovell déclarait la nécessité de l'intervention du pouvoir judiciaire dans le contrôle du caractère juste des actes du Parlement afin de protéger les droits fondamentaux. Traditionnellement, la notion de constitutionnalisme désigne l'ensemble des principes et libertés « anciennes » héritées et conservées. Pour Edmumd Burke, ce contrôle de constitutionnalité impliquait la préservation des coutumes de la nation. Sir Edward Coke préconisait dans un arrêt du tribunal de « Common Pleas », Bonham en date de 1610, la protection de l'ensemble de la Common Law anglaise, qui jouissait d'une supériorité incontestable par rapport aux lois parlementaires. Cependant, certains pensent, contrairement à Hans Kelsen, que le contrôle de constitutionnalité est né non pas de l'apparition de la Common Law comme norme juridique et suprême, mais que cette nécessité est le fruit de la protection des droits et libertés fondamentales.
Selon Samuel Rawson Gardiner, la « loi fondamentale » est une garantie des droits des sujets qui n'existe que depuis le procès du Ship-money's case en date de 1637, arrêt qui sera à l'origine de la doctrine de la souveraineté limitée. S'il semble laborieux et complexe de remonter jusqu'aux origines du contrôle de constitutionnalité à l'anglaise comme source du contrôle de constitutionnalité à l'américaine, l'application précoce du premier système anglais de checks and balances apparaît avoir comme « corollaire » nécessaire le contrôle juridictionnel des lois.
Cependant, la Constitution américaine ne consacre pas expressément le contrôle de constitutionnalité des lois. L'adoption de treize constitutions rigides marque la naissance du constitutionnalisme moderne.
[...] Il s'opère donc un glissement du contrôle par exception au contrôle systématique. Passage du ratio decidendi du stare decisis à son interprétation créatrice Par la décision précitée (Mugler Vs Kansas), la Cour suprême développe la doctrine du contrôle substantiel Les cours ne sont pas liées par de simples formes, pas plus qu'elles ne doivent être trompées par de simples prétentions. Elles ont la liberté- placée toutefois dans une fonction solennelle- de regarder la substance des choses, chaque fois qu'elles abordent la question de savoir si le pouvoir législatif a dépassé les limites de son autorité Il s'agit bien d'une transformation du rôle de la Cour, élargissant les présupposés de Marbury. [...]
[...] Lambert, H. Kelsen, C. Eisenmann, ou encore B. Chantebout et G. Carcassonne. Il possible de partager ces auteurs en trois groupes. E. Lambert, Kelsen, Eisenmann et Chantebout mettent l'interprétation de la norme au cœur de leur raisonnement. Eisenmann comme Kelsen parlent d'usurpation du pouvoir lorsque le juge peut créer les principes qu'il applique, quoique Kelsen optera, plus tard, pour une théorie plus réaliste de l'interprétation. La liberté est la même, conclut-il, quel que soit le caractère précis ou non du texte. [...]
[...] Comment le contrôle de constitutionnalité à l'américaine a-t-il évolué pour nous dévoiler son visage actuel ? D'autre part, si le contrôle de constitutionnalité, en général, admet qu'une norme suprême est la norme de référence, mais que ce contrôle n'est ni systématique, ni juridiquement contraignant, s'agit-il encore de contrôle de constitutionnalité ? Il apparaît nécessaire de se poser la question de ce qui caractérise le système américain, ce qui le rend si unique et si contesté à la fois. Le modèle américain de contrôle de constitutionnalité paraît résulter tant de révolutions que de pragmatisme Il renvoie, d'autre part, l'image d'un modèle oscillant entre faiblesses et puissance (II). [...]
[...] Le contrôle est exercé par voie d'exception, à l'occasion du règlement d'un litige au fond. La question réglée est concrète et prend en compte les données personnelles et subjectives de l'affaire. Le contrôle semble ainsi être subjectif. Par opposition, le contrôle selon Kelsen est un contrôle par voie d'action, a priori, avant l'entrée en vigueur de la loi. Le conflit oppose directement deux normes, l'une servant de référence à la deuxième. Dans le modèle américain, le juge intègre le conflit de constitutionnalité et tranche le litige. [...]
[...] Le refus d'augmenter les indemnités des juges constitue une seconde technique de rétorsion. Lorsque la Cour rend sa décision Baker contre Carr en 1962 sur le redécoupage électoral et Wesberry contre Samers, deux ans plus tard, le Congrès, mécontent, décide de geler les indemnités des juges pendant cinq ans. Enfin, par la décision INS contre Chadha de 1983, la Cour suprême décide d'interdire le veto législatif. Ce à quoi répond le Congrès par l'indifférence. Il adoptera plus de 140 veto avec l'accord du Président. [...]
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