En 1894, la loi Cadenas, permettant au Gouvernement de décider unilatéralement de l'impôt sur certains domaines par décret, suscite un vif débat au sein des parlementaires qui aboutira à la déclaration d'inconstitutionnalité de cette loi. Le droit de voter l'impôt étant d'ordre public, il ne peut en effet pas être délégué par le Parlement. Cet évènement marque ainsi le début du contrôle de constitutionnalité. A cette époque, Paul BEAUREGARD et Alfred NAQUET, tous deux députés, proposent un système de contrôle basé sur l'exemple américain : l'institution d'une Cour suprême contrôlant la conformité des lois au regard de la Constitution. Au même moment, Gaston JEZE écrit que les tribunaux doivent pouvoir refuser d'appliquer une loi si celle-ci est « vicieuse ». Il soutient que « la loi ordinaire vicieuse est frappée d'avance d'une nullité radicale, elle est inexistante. Le juge, en la constatant, ne sort pas du cercle de ses attributions ; il ne viole pas le principe de la séparation des pouvoirs » . En 1903, Charles BENOIST dépose deux propositions devant l'Assemblée nationale. La première est un projet de résolution pour faire modifier la Constitution, la seconde est une loi. Les deux textes ont en fait pour objet d'instaurer une Cour suprême qui procéderait au contrôle des actes législatifs et exécutifs. En 1912, les publicistes Henri BERTHELEMY et Gaston JEZE réaffirme, dans la Revue du Droit public, que « dès qu'un Etat adopte le système des constitutions rigides, c'est-à-dire la séparation des lois constitutionnelles et des lois ordinaires, consacre le principe de la séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judiciaires et organise des tribunaux indépendants, il confère par cela même aux tribunaux, sans qu'il ait besoin de le dire expressément, le pouvoir et le devoir de refuser l'application des lois contraires à la Constitution ». En 1924, l'affaire Ratié soulève l'exception d'inconstitutionnalité devant un tribunal judiciaire à l'encontre d'une loi considérée comme inconstitutionnelle (atteinte à la séparation des pouvoirs). La question du contrôle de constitutionnalité est posée tout au long de la IIIème République. Mais aucun des auteurs ne s'accorde ni sur le juge compétent pour exercer ce contrôle, ni sur les modalités d'exécution de celui-ci. Le débat n'avancera pas non plus sous la IVème République, les juges invoquant continuellement la souveraineté du Parlement et l'absence de dispositions constitutionnelles les habilitant pour refuser d'examiner les exceptions d'inconstitutionnalité. C'est donc sous la Vème République que les fils vont se démêler. En effet, l'article 62 alinéa premier de la Constitution de 1958 énonce : « Une disposition déclarée inconstitutionnelle ne peut être promulguée ni mise en application ». L'idée est apparue lors de la réunion d'un groupe de travail dirigé par Michel DEBRE le 8 juillet 1958 et soumise au Comité consultatif constitutionnel le 29 juillet (elle est alors inscrite à l'article 60 de la Constitution et assortie d'un article 56 conférant l'autorité de la chose jugée aux décisions du Conseil constitutionnel). L'établissement d'un contrôle de constitutionnalité réaffirme donc la supériorité hiérarchique de la Constitution sur les autres normes et la rend effective dans la vie juridique, en s'appuyant sur le « caractère inachevé » que prendraient les lois si elles n'y étaient pas soumises. Néanmoins, la hiérarchie des normes en droit français est fortement remise en cause depuis la naissance de l'Union européenne et la prolifération des traités, conventions et autres accords internationaux. Il convient donc d'étudier comment sont mis en application et conciliés la Constitution et les différents traités ratifiés par le Président de la République.
Afin que ces mises en application et conciliation se fassent dans les meilleures conditions, il est procédé à des contrôles de constitutionnalité et de conventionalité (II) des lois et autres règles juridiques. Cependant ceux-ci se sont heurtés à leur début à des difficultés (I).
[...] L'inconstitutionnalité pour non-respect de la procédure d'adoption des lois de finance fut déclarée à deux reprises. Notamment, la décision du 24 décembre 1979[21], relative à la loi de finance de 1980, souleva le non- respect de l'article 40 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant sur la détermination de la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'Etat, compte tenu d'un équilibre économique et financier qu'elles [les lois de finance] définissent Le Conseil constitutionnel jugea que cet équilibre n'était pas garanti puisqu'il n'y avait pas eu adoption par l'Assemblée nationale de l'article y faisant référence. [...]
[...] En 1966, selon Francine BATAILLER, le Conseil constitutionnel n'est pas le garant du respect général de la Constitution. ( ) Il n'est pas la plus haute autorité constitutionnelle, puisqu'aux termes de la Constitution, c'est le Président de la République, et non lui, qui est le garant de la Constitution En effet, certains actes bénéficient d'une immunité juridictionnelle. Il s'agit de l'acte simplement de valeur législative. Puisqu'il n'est pas pris d'une autorité dépendant du pouvoir législatif, l'acte n'est pas soumis à ratification. [...]
[...] Le contrôle de conventionalité de la loi se fait donc au dépend de cette dernière. Ainsi, le Conseil d'Etat a fait prévaloir, dans une décision de 1990[22], le règlement du Conseil des Communautés européennes du 12 mai 1972 - relatif à la réglementation commune des marchés en matière de pommes de table sur la loi du 4 juillet 1980 relative à l'extension des règles en matière d'organisation du marché à l'ensemble des producteurs d'une région agricole. On remarque que cette solution ne tourne de plus pas toujours à l'avantage du requérant[23]. [...]
[...] CE décembre 1990, Confédération nationale des associations familiales catholiques. CC janvier 1975, Interruption volontaire de grossesse. CE octobre 1989, Nicolo. Voir Michel Troper, Justice constitutionnelle et démocratie in Pour une théorie juridique de l'Etat, Démocratie continue et justice constitutionnelle in La démocratie continue. Georges Vedel, Excès de pouvoir législatif et excès de pouvoir législatif Philippe Blachèr, Contrôle de constitutionnalité et volonté générale p Guillaume Drago, L'exécution des décisions du Conseil constitutionnel p CC juillet 1975, Taxe professionnelle. CC juillet 1980, Application du Code de procédure pénale aux territoires d'Outre-mer. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel devenait donc à partir de ce moment aussi bien le gardien des droits civils et politiques que des droits économiques et sociaux. Il a de plus une large marge d'appréciation concernant les principes fondamentaux. S'il est l'organe de contrôle légitime de la constitutionnalité des lois, s'agissant du contrôle de conventionalité, le rôle du Conseil constitutionnel se limite à contrôler la conformité du traité avec la Constitution avant que celui-ci ne soit ratifié. L'article 54 de la Constitution permet en effet de saisir le Conseil constitutionnel de la conformité des accords internationaux à la Constitution. [...]
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