En France, le Siècle des Lumières consacre l'avènement du constitutionnalisme, doctrine libérale qui suscite l'émergence d'une volonté consensuelle au sein des révolutionnaires d'adopter une Constitution écrite pour obvier à l'absolutisme et pérenniser la défense des libertés individuelles. Dès lors, la Constitution est investie d'une mission consubstantielle à la concorde étatique, en ce qu'elle est la charte fondamentale de l'Etat, charte qui est la gardienne de la limitation du pouvoir des gouvernants. La Constitution s'impose comme la norme juridique suprême qui pose radicalement les fondements de l'Etat, fondements qu'elle fixe dans un texte écrit en France.
De là la question de la place de la Constitution française dans la hiérarchie des normes. Une telle interrogation n'a de sens que si l'on se rappelle les travaux du juriste autrichien Kelsen qui conceptualise les strates de la pyramide normative : le respect de la hiérarchie des normes est fondamental, car toutes les normes sont tributaires de la Grundnorm, c'est-à-dire de la Constitution, norme mère dans l'ordre juridique interne en ce qu'elle est l'acmé d'une telle pyramide. Nonobstant, une nuance mérite d'être soulevée : pareille systématisation de l'essentialité de la suprématie de la Constitution se heurte au rempart du droit international ou du droit communautaire européen. Se perçoit alors clairement le double apanage de la Constitution française : si elle est la norme suprême en France, les dispositions qui sont les siennes s'entrechoquent avec celles du droit communautaire européen, dans la mesure où le droit communautaire prime indéfectiblement sur la Constitution.
L'enjeu est d'une brûlante actualité, car il s'agit d'évaluer l'agencement des rapports entre les Traités et la Constitution. Ainsi, si la suprématie de la Constitution n'est pas compassée, elle est tout de même concurrencée par la naissance de normes communautaires rivales, ce que soulignent certains auteurs en montrant non pas les relations de dépendance mais d'interdépendance entre les différentes normes, conceptualisant alors le système de réseau qui se substituerait à celui, plus suranné, de la pyramide.
[...] Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a implicitement consacré l'hégémonie du droit communautaire sur la Constitution française, dans sa décision du 10 juin 2004, relative à la loi sur l'économie numérique. En effet, le Conseil a précisé qu'il ne s'arrogeait désormais plus le droit de censurer une loi qui se contenterait de transposer, en droit interne, une directive européenne. En d'autres termes, une telle décision indique l'absence de tout contrôle de constitutionnalité d'une loi qui retranscrit en droit interne une directive émanant de Bruxelles. [...]
[...] Il s'ensuit, dans cette optique, qu'une telle suprématie de la Grundnorm trouve son aboutissement dans la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui admet et reconnaît désormais le principe d'exception d'inconstitutionnalité. Dès lors, le contrôle par voie d'action se double d'un contrôle par voie d'exception qui habilite le citoyen en vertu de l'article 61-1 de la Constitution à saisir le Conseil constitutionnel à l'occasion des procès intentés devant les juridictions administratives et judiciaires, de la conformité aux droits et libertés constitutionnellement garantis de dispositions législatives promulguées Ce double contrôle, en amont et en aval, dit la prépondérance absolue accordée à la Constitution. [...]
[...] Dans le cas contraire, la Constitution devra être révisée, en témoignent ses révisions successives pour adopter les Traités de Maastricht, d'Amsterdam et de Lisbonne, qui sont des Traités communautaires. Néanmoins, le droit international refuse que l'Etat en appelle à sa Constitution pour obvier aux dispositions des Conventions, en atteste la Convention de Vienne de 1969, première fissure à la suprématie de la Constitution. Ainsi, s'il y a supériorité juridique de la Constitution française sur le Traité en droit international, elle se heurte tout de même au droit des Traités qui tend à se substituer aux dispositions constitutionnelles internes. [...]
[...] Il en résulte que pour singulariser la place de la Constitution française dans la hiérarchie normative, il convient de n'aborder que la Constitution de la Vème République, car elle a vu son statut être défié par l'émergence de plus en plus substantielle de la norme communautaire notamment. Ainsi, si la suprématie de la Constitution n'est pas compassée, elle est tout de même concurrencée par la naissance de normes communautaires rivales, ce que soulignent certains auteurs en montrant non pas les relations de dépendance mais d'interdépendance entre les différentes normes, conceptualisant alors le système de réseau qui se substituerait à celui, plus suranné, de la pyramide. [...]
[...] En effet, l'exemple de la violation de l'article 89 de la Constitution par le Général De Gaulle en 1962 est éclairant à cet égard : pour obvier à l'opposition du Sénat, il utilise l'article 11 pour faire approuver directement par voie référendaire la révision de la Constitution, sans même en référer aux parlementaires. De plus, la saisine du Conseil constitutionnel n'étant imposée que pour les lois organiques et les règlements des assemblées, il est évident qu'une loi ordinaire peut contrevenir à la Constitution. Le Code pénal en est l'archétype : le Conseil constitutionnel n'ayant pas été saisi, le Code a été adopté, alors même que certaines de ses dispositions sont en contradiction avec celles de la Constitution. [...]
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