Dans le système normatif hiérarchisé proposé par Kelsen, chaque norme tire sa force de la norme supérieure. A chaque échelon se trouve un organisme de contrôle, y compris au niveau suprême : celui de la constitution.
Nous allons donc étudier le lien particulier entre la constitution et le contrôle de constitutionnalité.
La constitution est, à l'origine, un écrit posant les règles de fonctionnement de l'Etat afin d'assurer une certaine sécurité, revendiquée par les constitutionnalistes du XVIIIème siècle. Une bonne constitution sera une constitution organisant la séparation des pouvoirs afin d'éviter tout despotisme. Mais peu à peu, une nouvelle conception de la constitution va se développer. Elle sera considérée comme la « définition des rapports entre les citoyens et l'Etat, la Charte des droits et des libertés dont la garantie est assurée par la mise en place d'un mécanisme de sanction des organes de l'Etat » selon les termes de D. Rousseau. Une double dimension apparaît alors : une politique et l'autre sociale. La constitution-séparation des pouvoirs est posée par un « écrit institué » alors que la constitution-charte des libertés est vivante et produite par le mécanisme de contrôle de constitutionnalité.
Ce contrôle peut prendre diverses formes. Il peut être fait a priori ou a posteriori, par voie d'exception ou d'action, abstrait ou concret. La saisine de l'organe de contrôle peut être le fait des citoyens ou des organes du pouvoir. En France, le contrôle de constitutionnalité est abstrait, il est fait a priori et par voie d'action. Il est assuré par le Conseil constitutionnel qui ne peut être saisi que par des organes politiques. Il se fait automatiquement sur les traités, lois organiques et constitutionnelles et après saisine sur les lois ordinaires. Dans ce devoir, nous nous consacrerons principalement au contrôle de constitutionnalité en France
La notion de contrôle de constitutionnalité est assez récente. En effet, la loi étant l'expression de la volonté générale, il paraît anti-démocratique de la soumettre à un contrôle, qui plus est par un organe dont les membres ne sont pas des représentants du peuple. Contrôler la constitutionnalité des lois reviendrait donc à remettre en cause toute la théorie de la représentation sur laquelle se fonde la démocratie. Pourtant, afin d'assurer la suprématie effective de la constitution, ce type de contrôle apparaît aux Etats-Unis lors de l'affaire Marbury vs Madison en 1803. Il se développera ensuite en Europe. En France, prévu par la constitution de 1958, il est assez limité mais prendra peu à peu de l'importance notamment suite à la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 et à la réforme de sa saisine en 1974. Le contrôle de constitutionnalité est aujourd'hui ancré dans les pratiques françaises malgré la poursuite du débat sur son bien-fondé.
Les limites de la constitution sont floues. Le contenu même de la constitution n'est pas précis, composé à la fois de normes et de proclamations. Il est sujet à de nombreuses interprétations divergentes. Pourtant, du fait de la place fondamentale de la constitution, l'interprétation de son sens est fondamentale. Quel rôle va alors jouer le contrôle de constitutionnalité dans l'approche de la constitution ? Le problème se pose plus précisément lorsqu'on la considère comme la Charte des droits et libertés. Le contrôle de constitutionnalité va-t-il nuire à la sécurité que la constitution est censée apporter en en faisant un espace en mouvement constant ? Deviendra-t-elle un instrument au service du gouvernement des juges ? Le contrôle sera-t-il un obstacle à l'expression de la volonté générale ou une garantie du respect d'une constitution stable véritable reflet de la volonté citoyenne ?
Dans un premier temps, nous verrons que le contrôle de constitutionnalité crée en réalité un nouveau type de constitution (I). Mais en tant que pouvoir constitué il reste assujetti au texte qu'il produit et va tenter de concilier la conception positiviste et naturaliste de la constitution (II).
[...] Il convient toutefois de remarquer que le Conseil constitutionnel ne peut pas se saisir lui-même. A l'origine, seul le président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat pouvaient demander le contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires. Mais la réforme du 21 octobre 1974 a donné la possibilité à 60 députés ou à 60 sénateurs de saisir le Conseil constitutionnel. Il devient ainsi un outil politique de l'opposition et le nombre de saisine se multiplie, ce qui lui donne de nombreuses occasions de s'exprimer et donc d'affirmer son pouvoir. [...]
[...] Ce n'est donc pas la matière mais la forme qui entre en jeu dans le contrôle de constitutionnalité. Le Parlement en tant que législateur a outrepassé ses compétences, c'est donc au parlement en tant que pouvoir constituant d'édicter la norme selon une procédure différente. Incompétence et vice de procédure se confondent alors dans un système normatif hiérarchiquement organisé. Si cette conception du contrôle de constitutionnalité permet de le concilier avec la hiérarchisation normative, il semble incompatible avec la légitimité populaire précédemment traitée. [...]
[...] La soumission au pouvoir constituant Le pouvoir du contrôle de constitutionnalité dépend du contenu de la constitution. En changeant le texte constitutionnel, on retire tout fondement aux décisions du Conseil qui ne dispose donc pas d'un véritable droit de véto : il est toujours possible de contourner ses réticences par une modification de la constitution. Le pouvoir constituant a par conséquent toujours le dernier mot. Le parlement législateur, comme le Conseil constitutionnel, est un pouvoir constitué dépendant de la constitution. [...]
[...] Le contrôle de constitutionnalité implique donc la recherche d'un juste milieu entre la défense d'une forme matérielle de la constitution et celle de la constitution formelle. Lorsqu'en modifiant la constitution le pouvoir constituant va contre des droits jugés naturels, la conciliation devient impossible et le juge doit se soumettre au droit positif ou quitter son rôle de juge et donc se séparer de son autorité légale au profit d'une autorité intellectuelle. Bibliographie Droit constitutionnel, 29e édition, Francis Hamon et Michel Troper Droit constitutionnel et institutions politiques, J. [...]
[...] Avant la naissance du contrôle de constitutionnalité, les gouvernés et les gouvernants se confondaient. Ainsi, Carré de Malberg montrait que le parlement était érigé en souverain. Le contrôle de constitutionnalité, en tant que moyen de défense des libertés et droits fondamentaux des citoyens, présuppose que l'action du corps législatif peut être contraire au bien des gouvernés alors différenciés des gouvernants. Les électeurs favorables au contrôle de la constitution vont servir de soutien à l'essor de ce contrôle qui sert aussi les politiques en tant qu'instrument de l'opposition et de moyen de légitimation des normes édictées par le pouvoir en place. [...]
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