La formule attribuée à Lavoisier, « Rien ne se perd, rien ne se crée. Tout se transforme. », dépasse l'ordre scientifique et s'applique bien au nouveau pouvoir de 1791. Le nouveau pouvoir ne perd rien, ne crée rien, il transforme, il sépare, mais il garde les vestiges de l'Ancien Régime, y compris le Roi.
Le 9 juillet 1789, l'Assemblée Nationale se déclare Assemblée Nationale constituante. La rédaction de la Constitution est donc la finalité de cette assemblée, cette rédaction justifie son existence et son nom. L'importance que les révolutionnaires accordent à cette Constitution est réelle et bien supérieure à l'importance accordée à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyens, qu'ils proclament en 1789.
La Constitution de 1791, première Constitution de France, contient l'ensemble des règles juridiques qui déterminent l'organisation de l'Etat. Aussi, la loi s'impose à tous, y compris au Roi. Le fondement du nouveau pouvoir constitutionnel est légaliste. C'est la loi qui doit désormais guider le pouvoir. Le pouvoir est présenté dans la Constitution de 1791 de manière neuve, révolutionnaire. Les pouvoirs publics figurent dans cette Constitution dans le Titre III. Or, avant ce Titre III, le Titre II est consacré à la division du royaume et à l'état du citoyen. Là est la création et la révolution: Le citoyen passe avant les pouvoirs publics. L'état du citoyen prime en importance sur les pouvoirs publics. Cette priorité offre une lecture neuve du pouvoir. Sous l'Ancien Régime, le pouvoir ne se comprend qu'à partir du Roi, du sommet vers la base. Désormais le pouvoir va se lire du bas vers le haut. Les pouvoirs publics, en 1791, ne se comprennent qu'à partir de la base, le concept de citoyenneté. Cette Constitution, la première pour la France, crée une nouvelle monarchie, dite monarchie constitutionnelle, avec de nouveaux principes qui sont encore présents dans notre système actuel, tels que la Nation, la souveraineté nationale, et la séparation des pouvoirs. Les constituants de 1791 aspirent à une monarchie plus tempérée, ils posent alors des limites à cette institution grâce aux nouveaux concepts. Mais le texte en lui même, trop rigide, va être appliqué moins d'une année. Des complications ont suivi sont application.
La Nation est l'ensemble du peuple. C'est une entité symbolique considérée comme un seul être, un ensemble qui n'a pas de personnalité juridique, et qui est totalement distincte des individus qui la composent. Le terme de Nation, terme nouveau pour l'époque, est désormais associé à la souveraineté.
Le terme de souveraineté vient du latin superus, supérieur. Dans un régime représentatif, c'est "un attribut d'un être, Nation ou peuple, qui fonde l'autorité des organes suprêmes de l'Etat parce que c'est en son nom qu'est exercée par eux en dernière instance le pouvoir public", selon le Vocabulaire Juridique de Cornu. Jean Bodin a défini la souveraineté dans son traité Les Six Livres de la République comme un attribue primordial de l'Etat: "La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d'une République". Autre terme clé pour comprendre les cinq premiers articles du Titre III de la Constitution de 1791: la séparation des pouvoirs. Ce concept réparti les trois fonctions de l'Etat, à savoir exécutive, législative et judiciaire, dans différents composants de ce dernier. Locke, puis Montesquieu sont les philosophes qui ont élaboré la théorie de séparation des pouvoirs. Mais ils ne concevaient qu'un simple partage différentes fonctions de l'Etat, et non un monopole de chaque institution sur un pouvoir, ou aucune influence de l'une sur l'autre n'est possible, comme on l'entend aujourd'hui.
Dans le Titre III de la Constitution de 1791, intitulé "Des pouvoirs publics", les cinq premiers articles servent de base à l'établissement des pouvoirs. Les constituants y ont nommé et introduit des concepts nouveaux, qui traduisent une nouvelle situation.
En quoi les nouveaux principes présents dans les cinq premiers articles du Titre III de la Constitution de 1791 limitent la monarchie?
La souveraineté change de titulaire au profit de la Nation (I) et la séparation des pouvoirs donne naissance à une inégalité néfaste pour le Roi (II).
La monarchie de l'Ancien Régime est qualifiée d'absolue. Absolue car le Roi était souverain: les trois pouvoirs émanaient de lui, et les pouvoirs qu'ils n'exerçaient pas de lui même étaient délégués par son bon vouloir. Les idées révolutionnaires ont totalement modifié le rapport entre la monarchie et le pouvoir. Les Constituants consacrent de nouveaux principes pour limiter la monarchie: la Nation souveraine (A), et la séparation des pouvoirs hiérarchisée (B).
[...] Ici, dans le texte de la Constitution, le pouvoir judiciaire est redéfini et limité. La justice de l'Ancien Régime, exercée par le Roi, apparaît désormais comme une ingérence arbitraire. Ce changement d'importance est voulu par un constituant qui ne veut pas d'une justice utilisée à des fins politiques, surtout par le Roi. Ce besoin de dévaloriser le pouvoir judiciaire est traduit par la dernière place qu'il occupe dans l'énumération des pouvoirs. Le second pouvoir énuméré est le pouvoir exécutif, exercé par le Gouvernement et délégué au Roi. [...]
[...] La Constitution va incorporer la Nation comme nouvel acteur du pouvoir. L'Assemblée, avant d'être Constituante, est une Assemblée Nationale. Cette Assemblée s'est avant tout autoproclamée par une faible majorité des députés des états généraux le 17 Juin 1789. Le 20 Juin, elle passe outre une interdiction du Roi en se réunissant. Le 23, la séance royale a lieu. Le Roi demande aux ordres de se séparer, mais le tiers-état résiste et déclare par la voix de son président que la Nation Assemblée ne peut recevoir d'ordres. [...]
[...] La limitation du monarque est assurée par ce concept de Nation souveraine, le Roi ne peut plus s'imposer après avoir reconnu cette souveraineté. Aussi, le constituant, pour éviter que le Roi ou une autre personne tente de reprendre les pouvoirs, énonce clairement dans l'article un du Titre III qu' "aucune section du peuple, ni aucun individu, ne peut s'attribuer l'exercice" de la souveraineté. La Constitution matérialise ce pacte nouveau, révolutionnaire entre la Nation et la Souveraineté. La Nation devient souveraine. En passant du Roi à la Nation, les prérogatives royales vont devenir prérogatives nationales, avec diverses conséquences. [...]
[...] Cette séparation est avant tout visible sans avoir besoin de lire le texte: chaque pouvoir se rattache à un article. Et chacun des articles concernés commence par soit l'institution représentant ce pouvoir, tel que l'article "Le Gouvernement", soit directement le nom, tels que les articles 3 et "Le Pouvoir ( . L'article cinq s'intéresse au pouvoir judiciaire, mis en oeuvre par des juges, élus par la Nation. Sous l'Ancien Régime, les cours des parlements, qui rendaient la justice, ont freiné les réformes et ont laissé un mauvais souvenir. [...]
[...] Il suffit de supprimer l'article 2 du Titre III pour que le Roi ne soit plus représentant de la Nation. Or, comme selon l'article 1 de ce même titre, la souveraineté appartient à la Nation, il n'aurait plus aucune légitimité, aucun pouvoir. Le Roi est un simple représentant de la Nation, il n'a de légitimité que parce que la Nation souveraine veut bien lui donner quelques pouvoirs. En revanche, l'Assemblée Nationale ne peut pas être éliminée. Si elle est supprimée, c'est pour laisser place à une autre délégation de la Nation, elle prendra simplement un autre nom. [...]
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