Depuis la révolution de 1789, la tradition constitutionnelle française rejetait toute idée d'un « contrôle de constitutionnalité ». La loi, « expression de la volonté générale » ne pouvait être remise en cause et l'infaillibilité du législateur était ainsi érigée en dogme. C'est cet ordre traditionnel qui se trouvera bousculé avec l'avènement de la Vème République. Ainsi, c'est avec la Constitution de 1958 que né le Conseil constitutionnel, institution indépendante et chargée de veiller à la conformité des lois à la Constitution et de punir les éventuelles violations du droit instauré. Toutefois, la vocation première du Conseil était d'assurer le bon fonctionnement du parlementarisme rationalisé, et de maintenir dans son domaine réservé un législateur traditionnellement émancipé. C'est de manière progressive que le Conseil constitutionnel s'est vu octroyer de nouvelles compétences. L'établissement d'un « bloc de constitutionnalité » suite à la décision du 16 juillet 1971 donnait une nouvelle signification au contrôle de constitutionnalité, changement qui fut amplifié par la révision de 1974 qui permet à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil. Parallèlement à l'élargissement de la marge de manœuvre du Conseil constitutionnel, les critiques à son égard se sont multipliées, s'exprimant particulièrement dans la crainte d'un éventuel « gouvernement des juges ». Par son intrusion dans le travail législatif ainsi que par la place déterminante qu'il occupe sur la scène politique, le Conseil semble constituer une limite à la « souveraineté politique » des assemblées parlementaires. Mais cela peut paraitre paradoxal : si la souveraineté est par définition « un pouvoir qui l'emporte sur les autres », elle ne connaît à priori pas de limites. Comment un organe peut-il limiter la souveraineté politique des assemblées qui par définition est illimitée ? Et pourquoi parle-t-on ici de souveraineté « politique » ? C'est là que l'adjectif « politique » acquiert toute son importance ; en effet, en parlant de « souveraineté politique » on inclut déjà une certaine nuance. Une institution qui est politiquement « souveraine » est en fait une institution supérieure aux autres, occupant une place centrale dans le domaine politique (qui se distingue ainsi du simple domaine législatif ou exécutif) et dont « seul » l'avis compte véritablement, disposant pour ainsi dire du « dernier mot ». Les deux assemblées parlementaires (Sénat et Assemblée Nationale) paraissent politiquement souveraines puisqu'elles veillent au bon fonctionnement des institutions et régulent la vie politique. Néanmoins, le Conseil constitutionnel qui a pour objet de « paralyser » les actes du législateur, semble remettre en cause leur souveraineté politique. Ainsi dans quelle mesure le Conseil empiète-t-il sur les prérogatives propres aux assemblées parlementaires et quelles contraintes fait-il peser sur celles-ci ? Lequel du Parlement ou du Conseil constitutionnel dispose alors de la « souveraineté politique » ? Lequel peut-on qualifier d' « institution suprême » ?
[...] Deuxièmement, celle de l'article 61 alinéa 2 qui permet au premier ministre ou au président de faire remarquer l'inconstitutionnalité d'une loi après son vote, mais avant sa promulgation (mais cette procédure fut condamnée par une décision du 30 juillet 1982 qui déclare que l'empiètement du législateur sur le domaine législatif ne constitue pas une inconstitutionnalité). Enfin celle de l'article 37 alinéa 2 qui offre au premier ministre la possibilité de faire délégaliser, en passant par le Conseil Constitutionnel, des dispositions de caractère réglementaire qui figureraient erreur” dans une loi. Enfin, le Conseil Constitutionnel intervient dans les élections et dans le processus législatif. Les articles 58 et 59 de la Constitution stipulent que le Conseil “veille à la régularité” des élections au suffrage universel ainsi qu'à celle des référendums. [...]
[...] En effet, si le Parlement est bien le “législateur normal” et dispose d'un contrôle politique sur le gouvernement, le contrôle de constitutionnalité représente toutefois une limite considérable à sa souveraineté. Dès lors, on peut se demander quelle est l'étendue de ce “pouvoir de restriction” et jusqu'à quel point le Conseil Constitutionnel peut censurer les appréciations du Parlement en lui substituant ses propres appréciations ? Les réserves d'interprétation sont une conséquence nécessaire du contrôle de constitutionnalité, mais leur action sur la “substance normative de la si elle existe, n'est pas un automatisme. [...]
[...] Le contrôle est obligatoire avant toute promulgation, mais le Conseil constitutionnel a décidé que régularité au regard de la Constitution d'une loi déjà promulguée peut-être utilement contestée à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine.” Dans la mesure où le Conseil Constitutionnel impose aux autres juridictions ses décisions, l'interprétation semble faire du Conseil Constitutionnel un concurrent des assemblées parlementaires au regard du processus législatif. Progressivement, le Conseil constitutionnel s'installe comme une “institution suprême”, dont les décisions sont quasiment “sans appel”. En effet, l'article 62 de la Constitution précise que : décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. [...]
[...] Enfin, puisque l'inconstitutionnalité peut également résider dans la manière d'appliquer la loi, des “réserves directives” sont aussi nécessaires. Celles-ci s'adressent aux organes en charge d'appliquer la loi ; le Conseil constitutionnel n'empiétant alors pas sur le pouvoir législatif. Par exemple, s'il appartient au législateur de déterminer les prestations de sécurité ou d'aides sociales, leur aspect quantitatif relève de la compétence réglementaire. On voit donc bien que le Conseil constitutionnel cherche, par son action, à combler les éventuels manques des assemblées législatives. [...]
[...] Mais il convient de noter qu'en ce domaine, la jurisprudence du Conseil constitutionnel (une soixantaine de décisions environ) n'a pas toujours été défavorable au Parlement, mais a même contribué dans de nombreux cas au renforcement des droits des Assemblées ou de ceux des parlementaires eux-mêmes. De plus, le Conseil contrôle les parlementaires pendant toute la durée de leur mandat. Un parlementaire ne peut pas exercer une activité qui le rende dépendant du Gouvernement et le Conseil Constitutionnel prononce la démission des parlementaires en cas d'« incompatibilité (laquelle doit néanmoins être au préalable examinée par l'Assemblée intéressée). La détermination des incompatibilités ne peut provenir que de la loi organique (selon l'article 25 de la Constitution). [...]
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