« Une cour suprême de musée Grévin qui n'a jamais eu d'autre utilité que de servir de garçon de courses au général de Gaulle ». Voilà comment François Mitterrand définissait le Conseil Constitutionnel dans son Coup d'Etat permanent, en 1964. Ces mots violents reflètent certes bien l'ambiance dans laquelle ce conseil a été crée, où dans une indifférence généralisée, ce qu'était vraiment cette institution restait ambigu et elle semblait être simplement à la botte du général de Gaulle. Ils sont cependant aujourd'hui dénués de sens dans la mesure où le Conseil constitutionnel a depuis montré qu'il était une des pierres angulaires de la Ve République. Le conseil constitutionnel est en fait la première véritable juridiction de l'histoire de France qui, selon Francis Hamon et Michel Tropper, donne « des interprétations de la constitution s'imposant aux autres pouvoirs constitués, et notamment au Parlement ». La création du Conseil constitutionnel en 1958 constitue donc une vraie rupture dans l'histoire de notre droit et notamment avec la tradition de souveraineté parlementaire que le pays connaissait depuis la naissance de la IIIe République en 1870. Il faut toutefois considérer que les pères de la constitution de 1958 ne désiraient pas une Cour suprême à l'américaine ou un Tribunal constitutionnel à l'allemande, garants du respect des droits et libertés des citoyens définis dans la constitution. Michel Debré n'y voyait en effet qu' « une arme contre la déviation parlementaire », et donc bien plus un bras armé du pouvoir exécutif qu'une juridiction constitutionnelle autonome. Il serait donc un acteur de la rationalisation du Parlement, seul pouvoir élu au suffrage universel avant 1962 et ayant donc une forte légitimité, du combat contre le régime des partis et de la limitation des pouvoirs de l'Assemblée Nationale et du Sénat sur les prérogatives et les pouvoirs du gouvernement. « La seule Cour suprême, selon de Gaulle, c'est le peuple », et c'est en effet parce que le Général voyait dans le modèle politique américain un gouvernement des juges, qu'il n'était pas prévu en 1958 que le conseil constitutionnel soit une juridiction digne de ce nom. Face à Henry Roussillon qui affirmera « que le Conseil constitutionnel soit devenu en quelques années autre chose que ce qui avait été prévu par nos constituants est une évidence qui n'intéresse plus que l'historien », Pierre Avril y verra au contraire un « contre-pouvoir » constituant « un frein à la démocratie majoritaire ». A partir des années 1970, avec une jurisprudence de plus en plus extensive et un développement conséquent du contrôle de constitutionnalité des lois, le Conseil constitutionnel a effectivement de plus en plus évolué vers une structure juridictionnelle.
Comment le Conseil constitutionnel, le statut de ses membres ou ses attributions n'ayant pourtant pas changé depuis leur constitutionnalisation en 1958, est-il peu à peu devenu la structure juridictionnelle de notre pays?
Après avoir étudié ses évolutions comme avant tout dues à sa politisation croissante, on tentera de montrer en quoi, autant formellement que matériellement, le Conseil constitutionnel est aujourd'hui une juridiction constitutionnelle à part entière.
[...] Face à Henry Roussillon qui affirmera que le Conseil constitutionnel soit devenu en quelques années autre chose que ce qui avait été prévu par nos constituants est une évidence qui n'intéresse plus que l'historien Pierre Avril y verra au contraire un contre-pouvoir constituant un frein à la démocratie majoritaire À partir des années 1970, avec une jurisprudence de plus en plus extensive et un développement conséquent du contrôle de constitutionnalité des lois, le Conseil constitutionnel a effectivement de plus en plus évolué vers une structure juridictionnelle. Comment le Conseil constitutionnel, le statut de ses membres ou ses attributions n'ayant pourtant pas changé depuis leur constitutionnalisation en 1958, est-il peu à peu devenu la structure juridictionnelle de notre pays ? Après avoir étudié ses évolutions comme avant tout dues à sa politisation croissante, on tentera de montrer en quoi, autant formellement que matériellement, le conseil constitutionnel est aujourd'hui une juridiction constitutionnelle à part entière. [...]
[...] Vers une politisation accrûe Les thèses sur la nature politique du Conseil constitutionnel sont omniprésentes et certains éléments viennent les vérifier. C'est d'abord le mode de désignation des membres du conseil qui fait débat. Selon certains constitutionnalistes, voire des membres du conseil lui-même tels Bernard Chenot, c'est précisément le mode de désignation qui mènerait à une politisation du conseil, dans la mesure où elle se fait par les hautes autorités de l'Etat qui peuvent en effet y nommer leurs amis politiques. [...]
[...] Les questions au gouvernement du mercredi sont pour cela un exemple significatif puisqu'ils furent instaurés suite à un accord entre parlementaires et gouvernement et ce sans aucune base constitutionnelle. La mission du conseil était donc dans ses premières années de cantonner le Parlement, d'empêcher ce dernier d'empiéter sur les pouvoirs gouvernementaux, de protéger la frontière entre loi et règlement. La procédure de l'article 41C est un exemple significatif de cas où la saisine du Conseil est théoriquement nécessaire et où le conseil tranche en dernier recours. [...]
[...] Toutefois, même s'il limite la souveraineté absolue de la loi et n'est que l'auxiliaire du gouvernement voulu en 1958, notre Conseil constitutionnel reste une juridiction particulière et ne possède pas, comme dans d'autres pays, de parfaite tutelle sur le législateur. L'échec de la réforme de 1990 visant à instaurer un contrôle a posteriori des lois (accessible aux citoyens à part l' exception d'inconstitutionnalité montre en effet les limites de son pouvoir et de l'évolution de ce dernier. Un relatif consensus autour du statut de juridiction constitutionnelle Plusieurs éléments, matériels comme formels, nous permettent maintenant de définir le Conseil constitutionnel, malgré ses originalités, comme une véritable juridiction constitutionnelle. [...]
[...] En plus par exemple du contrôle du respect de la procédure législative, le conseil va après le 16 juillet vérifier leur contenu et la conformité de ce dernier avec les droits et libertés fondamentales proclamés dans le Préambule de la constitution, s'érigeant ainsi en défenseur et garant de l'Etat de droit en France et marquant le début d'une jurisprudence et d'un contrôle de constitutionnalité des lois efficaces. Le Conseil constitutionnel se voit encore plus émancipé en 1974, à l'initiative du Président Valéry Giscard d'Estaing qui veut assouplir la saisine du conseil et rompre modérément avec les pratiques gaullistes. [...]
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