Lorsque Hans Kelsen émet l'idée de juge constitutionnel, les pays européens majoritairement légicentristes l'accueillent avec d'assez grandes réserves.
C'est pourquoi le Conseil constitutionnel est une institution nouvelle et surprenante de la Vème république, définie sous le titre VII de la Constitution de 1958. Son originalité tient à son indépendance vis-à-vis de la hiérarchie des tribunaux, dans la mesure où sa mission consiste dans le contrôle de constitutionnalité des lois. Or, s'il s'attachait initialement au texte de la Constitution stricto sensu, le conseil est en mesure de se référer à l'ensemble des textes du bloc de constitutionnalité depuis sa décision du 16 juillet 1971 dans laquelle il s'appuie sur préambule de la Constitution. Cette référence donne une valeur normative aux textes qui lui sont adossés ; lesquels fondent les piliers des trois générations de droits fondamentaux. Or, la jurisprudence extensive autant que les réformes en font aujourd'hui une institution aux compétences élargies. Ainsi est-il peut-être passé du statut de protecteur, c'est-à-dire de rempart des droits fondamentaux, à celui de défenseur actif. C'est alors à cet égard qu'il tient une place particulière en France ; ou plutôt que de n'être que le premier des tribunaux chargé de juger de la constitutionnalité d'une loi en cas de litige comme il peut l'être aux États-Unis, le Conseil constitutionnel est une institution indépendante directement garante des droits fondamentaux.
[...] Déjà en 1974, alors que le droit de saisine était réservé aux seuls présidents des assemblées, président de la République et premier ministre, une révision de l'article 61 le confère aussi à une minorité de parlementaires (60 sénateurs ou députés). Il est dès lors possible pour l'opposition de soumettre au contrôle du conseil des lois majoritairement acceptées ce qui est fréquent en situation de fait majoritaire. De la même façon, le contrôle de constitutionnalité est à nouveau étendu en 2008 par la réforme de la question prioritaire de constitutionnalité. L'ajout de l'article 61-1 rend en effet possible la saisine du conseil au sujet d'une loi dont un accusé douterait de la constitutionnalité. [...]
[...] C'est par exemple déjà le cas pour l'arrêt France-Terre d'asile du 27 septembre 1985 dans lequel le conseil d'Etat s'appuie sur les droits fondamentaux économiques et sociaux censurant le neuvième article d'un décret de 1982 déclaré comme contraire à l'alinéa 4 du préambule de la constitution de 1958. De la même façon, dans l'ordre judiciaire, la cour de cassation s'appuie sur le préambule de la constitution depuis longtemps, puisqu'elle annule déjà en janvier 1947 une clause antisémite d'un testament au regard de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Il apparaît donc que le conseil constitutionnel n'est pas le seul défenseur des droits fondamentaux en France ; lesquels sont aussi protégés par les tribunaux et en particulier la cour de cassation et le conseil d'Etat. [...]
[...] Les possibilités de saisine du conseil alors accrues depuis les années 1970 en font une institution encore plus engagée dans la protection des droits fondamentaux. Mais il l'est d'autant plus qu'il s'est progressivement arrogé des pouvoirs plus étendus en matière de contrôle de lois portant atteinte aux droits de l'homme. Le conseil s'est en effet reconnu la possibilité de soulever d'office, au sein d'une loi déférée, l'inconstitutionnalité de dispositions non contestées expressément. Il a concrètement utilisé cette faculté à partir de 1981 à propos d'une loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes. [...]
[...] Ainsi a-t-il pu manquer de garantir la défense des droits de l'homme en laissant d'anciens textes qui leur seraient contraires s'appliquer. Aussi les modes de saisine sont-ils peut- être trop limités, si bien que certains textes normatifs ne sont pas examinés. C'est par exemple le cas pour le nouveau Code pénal de 1993 qui n'a pas été contrôlé par le conseil. Et si la réforme de la QPC de 2008 peut laisser entendre un changement à cet égard, toujours est-il que le système de contrôle de constitutionnalité en France repose toujours majoritairement sur l'examen a priori des lois, ainsi que l'entend, M. [...]
[...] La pratique révèle alors des dispositions inconstitutionnelles qui ne le paraissaient pourtant pas en théorie. Ainsi certaines lois peuvent-elles menacer de rompre l'égalité entre les citoyens. D'autre part, le conseil étant de plus en plus souvent amené à émettre des réserves d'interprétations de constitutionnalité, lesquelles sont naturellement ambiguës, la mise en application des lois ainsi concernées peut alors s'avérer délicate sinon rapidement inconstitutionnelle. En somme, le contrôle a priori supposant un effort d'anticipation de la part du conseil - lequel n'est pas toujours possible avec évidence il en résulte de nombreuses incertitudes qui peuvent peu ou prou menacer les droits fondamentaux en pratique. [...]
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