Conseil constitutionnel, création du droit, pouvoir normatif, juge constitutionnel, libertés publiques, contrôle de constitutionnalité, article 6 de la DDHC, réserves d'interprétation, article 89 de la Constitution
"Le pouvoir normatif de tout juge par le biais de l'interprétation est une réalité juridique et inévitable". Ainsi, dans son entretien accordé à Eurolettre ("Trois questions à Monsieur J. Roux", Eurolettre, n°189, 15 juillet 1998), le professeur J. Roux est univoque : le juge, notamment constitutionnel, dispose d'un pouvoir créateur de normes. Pourtant, la juridiction constitutionnelle que représente aujourd'hui le Conseil ne devait en rien remplir une telle fonction au moment de son instauration par la Constitution du 4 octobre 1958. Initialement instrument du parlementarisme rationalisé, "canon dirigé contre le Parlement" selon C. Eisenmann, c'est son essor fulgurant dès les années 1970 qui lui a permis de sortir de son carcan originel. Plus encore, à l'origine le Conseil est un organe bienveillant envers l'exécutif comme le démontre sa saisine réservée à quatre autorités : le chef de l'État, le Premier ministre et les présidents des assemblées.
[...] », mais davantage : dans quelle mesure le Conseil constitutionnel crée-t-il du droit ? S'il est évident que le juge constitutionnel crée de manière effective du droit il faut à tout prix nuancer, puisque ce pouvoir est largement encadré (II). I. Le pouvoir normatif indiscutable du juge constitutionnel Le juge constitutionnel a peu à peu obtenu un pouvoir normatif effectif, qu'il exerce par le biais de l'interprétation. A. L'appropriation progressive du pouvoir normatif 1. Un pouvoir inauguré par la décision « Liberté d'association » En 1971, le ministre de l'Intérieur R. [...]
[...] Il influe donc sur l'utilisation qui en sera faite par les juridictions et autorités administratives. Bien que très marqué, ce pouvoir se trouve cependant tempéré par certaines limites. II. Le pouvoir normatif limité du juge constitutionnel Deux types de limites s'imposent au juge constitutionnel dans la création de droit, puisqu'il est à la fois lié par des restrictions juridiques, mais aussi politiques. A. Des restrictions juridiques au pouvoir normatif 1. Le juge constitutionnel, simple aiguilleur des réformes Pour le professeur L. [...]
[...] En ce sens, l'exemple le plus marquant est celui concernant la décision du 13 août 1993. Dans cette dernière, le Conseil constitutionnel avait censuré une disposition législative sur le droit d'asile à l'initiative du Premier ministre Édouard Balladur. Le 25 novembre 1993, les représentants du peuple unis en Congrès procèdent ainsi à la révision de la Constitution contournant ainsi le droit créé par le juge constitutionnel. Certains ont fait valoir que cette capacité du constituant trouvait cependant ses limites dans les révisions constitutionnelles réputées impossibles. [...]
[...] Une seule restriction s'impose selon M. Troper : le contrôle de constitutionnalité des lois antérieures à la Constitution est difficilement envisageable. Logiquement, celles-ci ont été prises en application d'une volonté générale conforme aux normes constitutionnelles en vigueur à l'époque. Dès lors, le juge ne peut prononcer leur censure vis-à-vis de la norme constitutionnelle actuelle. Finalement, au regard de ces décisions, mais aussi de toutes les autres qu'a pu adopter le Conseil, il est clair que l'interprétation est l'outil essentiel du juge pour « créer du droit ». [...]
[...] Ponthoreau dans Les Cahiers du Conseil constitutionnel[2]. Néanmoins, il serait tout à fait déraisonnable de penser que cela enlèverait au juge sa capacité à créer du droit dès lors que ce dernier bâtit des normes nouvelles, totalement étrangères au droit antérieur. Finalement, le juge constitutionnel façonne de manière tout à fait autonome la Constitution. Au surplus, son pouvoir créateur peut intervenir également dans le domaine de la loi, et non pas seulement sur des dispositions constitutionnelles L'utilisation de réserves d'interprétation À travers l'instrument des réserves d'interprétation exprimées dans le cadre du contrôle de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel participe indirectement à la procédure législative. [...]
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