Voici la France une nouvelle fois engagée dans la révision de sa Constitution, une révision d'envergure puisqu'elle ne vise pas moins - c'est le titre du projet actuellement débattu au Parlement - que « la modernisation de nos institutions ». A cette occasion, il est notamment proposé de « rendre au citoyen et à l'individu la protection de la Constitution ». Qui ne souscrirait à un tel objectif? Mais voilà où les choses se compliquent : la protection ici évoquée est une protection contre la loi, pour prévenir ou écarter l'application d'une loi qui méconnaîtrait la Constitution.
La France à cet égard n'est pas démunie. Elle a au contraire une très ancienne tradition de contrôle préventif, s'entendant d'un contrôle de constitutionnalité de la loi avant son entrée en vigueur et pour paralyser celle-ci dès lors qu'elle serait contraire à la Constitution.
Ce contrôle préventif - que beaucoup de pays européens nous envient - a été renforcé sous la Ve République; et il devrait l'être encore. D'une part, l'avis du Conseil d'Etat pourrait demain être transmis au Parlement avec le texte du projet de loi et cette consultation étendue aux propositions de loi; ce n'est d'ailleurs pas l'aspect le moins discutable, sinon le moins discuté, de la réforme en cours. D'autre part et surtout, l'institution en 1958 d'un Conseil constitutionnel dont le contrôle inclut, depuis 1971, le respect de l'ensemble des normes de valeur constitutionnelle et qui peut, depuis 1974, être saisi par l'opposition parlementaire, donne une véritable sanction à l'avis du Conseil d'Etat au stade du projet de loi: le Conseil constitutionnel peut, lorsqu'il est saisi de la loi adoptée par le Parlement, interdire la promulgation et donc l'entrée en vigueur de celles de ses dispositions qui seraient contraires à la Constitution.
[...] Enfin et peut- être surtout un tel projet implique une transformation radicale du Conseil constitutionnel, de sa composition, de son mode de fonctionnement et de la procédure suivie devant lui : alors qu'il n'est pas actuellement une juridiction lorsqu'il apprécie la conformité de la loi à la Constitution, mais bien plutôt, comme le disait le Doyen Vedel, chargé de parfaire la loi du point de vue de sa conformité à la Constitution il devrait demain, dès lors que saisi sur renvoi des tribunaux et impliqué de la sorte dans un processus proprement juridictionnel, présenter à tous égards les caractères et les garanties que notre Constitution elle-même (et la Cour européenne des droits de l'homme) exige de toute juridiction. Pourquoi donc cette aventure institutionnelle ? Cette greffe baroque sur l'édifice classique de notre contrôle de constitutionnalité préventif est- elle vraiment nécessaire ? Ne peut-on pas - ne doit-on pas - chercher le remède aux lacunes possibles de l'actuel contrôle préventif en en améliorant tout simplement le mécanisme et donc en élargissant les possibilités de saisine du Conseil constitutionnel, déjà étendue à l'opposition parlementaire en 1974 ? [...]
[...] C'est cette seconde voie que retient seule, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi constitutionnelle débattu par le Parlement. On doit le regretter et d'abord en dénoncer la lourdeur : le juge saisi de l'exception d'inconstitutionnalité devra renvoyer aux cours suprêmes, Cour de cassation et Conseil d'Etat, qui joueront le rôle de filtre et apprécieront le sérieux de la question posée avant d'en saisir à leur tour le Conseil constitutionnel. Comment ne pas voir le risque de confusion créé par ce mixage d'un contrôle a posteriori portant sur les lois en vigueur et du contrôle préventif qui demeure ; le projet prévoit bien que seules les lois votées après 1958 et non soumises au contrôle préventif pourront être mises en cause, mais comment les identifier en chacune de leurs dispositions, au fil de modifications incessantes rythmées par des codifications sans mémoire ? [...]
[...] D'une part, l'avis du Conseil d'Etat pourrait demain être transmis au Parlement avec le texte du projet de loi et cette consultation étendue aux propositions de loi ; ce n'est d'ailleurs pas l'aspect le moins discutable, sinon le moins discuté, de la réforme en cours. D'autre part et surtout, l'institution en 1958 d'un Conseil constitutionnel dont le contrôle inclut, depuis 1971, le respect de l'ensemble des normes de valeur constitutionnelle et qui peut, depuis 1974, être saisi par l'opposition parlementaire, donne une véritable sanction à l'avis du Conseil d'Etat au stade du projet de loi : le Conseil constitutionnel peut, lorsqu'il est saisi de la loi adoptée par le Parlement, interdire la promulgation et donc l'entrée en vigueur de celles de ses dispositions qui seraient contraires à la Constitution. [...]
[...] Le rapport du Comité Balladur ajoutait, avec le souci de combler les lacunes du contrôle de constitutionnalité préventif, que ce Défenseur des droits fondamentaux pourrait, comme l'opposition parlementaire et à défaut d'initiative de celle-ci, saisir le Conseil constitutionnel de toute loi susceptible d'affecter les droits fondamentaux, avant promulgation de celle-ci. Il est encore annoncé par le projet de loi constitutionnelle que le Défenseur des droits des citoyens se ferait par agglomération de différentes institutions existantes autour de l'actuel Médiateur de la République. Cette solution présente l'avantage - considérable - de s'inscrire sans difficulté dans le système du contrôle préventif à la française, portant sur la loi avant sa promulgation. [...]
[...] Le Conseil constitutionnel ne peut pas se saisir de lui-même et l'opposition parlementaire peut, pour des raisons d'opportunité politique, choisir de ne pas saisir le Conseil constitutionnel : ainsi, pour ne donner qu'un exemple, l'actuel code pénal n'a pas été soumis à la vérification de constitutionnalité du Conseil constitutionnel. Le contrôle préventif est lacunaire, c'est indéniable. Encore que cette lacune doit être mesurée et appréciée à l'aune des atteintes à l'état de droit qu'elle permet ; ou, pour dire les choses plus simplement, aux risques qui en résultent de voir s'appliquer des lois contraires aux règles et libertés de valeur constitutionnelle. [...]
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