La question des règles de procédure dans les litiges internationaux pendants devant les juridictions civiles françaises est résolue par l'application des règles spéciales prévues aux articles 643, 644, 647-1 (pour la computation des délais de procédure) et 683 à 688 (pour la forme des notifications à destination de l'étranger) du Nouveau Code de procédure civile. Il faut dès à présent constater que la question de la conformité de ces dispositions à la Convention européenne des droits de l'homme présente assez peu d'intérêt. Le seul arrêt publié de la Cour de cassation relatif à la question considère que lesdites dispositions ne sont pas contraires à la Convention, en tant qu'elles laissent aux parties demeurant à l'étranger des délais supplémentaires de comparution et préservent ainsi le droit au procès équitable . Certes, on aurait pu soutenir une éventuelle contradiction dans le cas, différant sensiblement de l'espèce, où les autorités étrangères ayant procédé à la notification à personne n'auraient pas agi avec une particulière diligence, et que le délai de comparution ou de recours se serait de ce fait trouvé expiré avant que l'acte ne soit délivré au destinataire. Toutefois, comme le rappelle la Cour, l'huissier qui a procédé à la signification à parquet est tenu d'adresser au destinataire, par lettre recommandée avec avis de réception, un duplicata de l'acte. Par conséquent, et en l'absence de décision contraire de la Cour européenne des droits de l'homme, on ne peut qu'approuver la décision de la Cour suprême, du moins pour le droit commun des notifications internationales.
9 – Mais si le droit commun des notifications internationales peut être considéré comme compatible avec les exigences de la Convention européenne, c'est avant tout grâce à l'intervention prétorienne. En témoigne l'exigence de traduction. Le Nouveau Code de procédure civile n'impose la traduction des actes à destination de l'étranger que lorsque l'Etat de destination l'exige : il n'est donc a priori laissé aucune place à un quelconque droit à un procès équitable, le problème n'étant résolu que par le jeu des règles de droit international public. Toutefois, certaines juridictions du fond décident que le défaut de traduction d'une assignation peut constituer une atteinte au droit au procès équitable. Saisie d'un pourvoi contre une telle décision, la Cour de cassation contournera le problème sans répondre exactement à la question posée .
10 – Il faut toutefois nuancer ces observations relatives au droit commun, ces règles ne s'appliquant aujourd'hui plus que de manière marginale. La grande majorité des notifications dans les contentieux internationaux est aujourd'hui régie soit par les règlements Bruxelles I, Bruxelles II et Bruxelles II bis (pour les Etats membres de l'Union européenne), soit par la Convention de Lugano de 1988 (pour les Etats membres de l'AELE), soit enfin par la Convention de La Haye du 15 novembre 1965 (qui lie actuellement 56 Etats parmi les principaux). Tandis que les textes européens préservent très largement la droit au procès équitable, la Convention de La Haye y veille également en laissant à la partie destinataire de l'acte une possibilité de demande de relevé de la forclusion qu'elle a encouru sans faute de sa part, le tout sous certaines conditions.
11 – Ainsi réglé le problème de la notification et des délais de procédure, notre étude ne s'attachera plus donc qu'à la question de l'adéquation des dispositions de la Convention européenne et des règles de compétence directe des juridictions françaises (I), et des conditions d'accueil en France des jugements étrangers (II), les deux aspects principaux de ce que l'on appelle traditionnellement les conflits de juridictions.
[...] On remarquera que nulle part l'arrêt ne fait référence à la Convention européenne des droits de l'homme et à son article 4. Pourtant, c'est sur ce texte et l'arrêt Siliadin de la Cour EDH[18] que se fondait son avocat général pour conclure au rejet du pourvoi[19]. Dans l'affaire Siliadin, la CEDH avait condamné la France, dans une affaire similaire, pour n'avoir pas assuré de protection pénale efficace envers une victime d'acte d'asservissement. Elle n'affirme toutefois pas que les juridictions civiles françaises ont l'obligation de se reconnaître compétentes pour connaître d'un tel litige. [...]
[...] En effet, l'article 6-1 ne peut être invoqué contre une Haute Partie contractante que par une personne relevant de sa juridiction au sens de l'article 1er de la Convention. Cette juridiction nécessite bien au minimum un lien caractérisé avec l'Etat dont on sollicite la protection La deuxième condition, évidente, exige que la décision française d'incompétence comporterait un risque de déni de justice en raison de l'impossibilité pour le demandeur de s'adresser à une juridiction étrangère. Facile à concevoir dans l'abstrait, la preuve de ce risque, qui incombe naturellement à celui qui souhaite établir la compétence des tribunaux français en pratique le demandeur est pour le moins malaisée. [...]
[...] Holleaux ; Grands arrêts, 37, p note Ancel et Lequette. Cf. notamment COHEN Convention européenne des droits de l'homme et le droit international privé français'', Revue critique DIP p Rec. Dalloz 2006, p chronique B. Audit ; Grands arrêts, 87, p note Ancel et Lequette. Cass. Soc juillet 2001, pourvoi 99- inédit. Cass. [...]
[...] Cette décision marque la fin du principe d'incompétence des juridictions françaises pour connaître des litiges entre étrangers. Cass. Civ. 1ère mai 2006, Rec. Dalloz 2006, p chronique B. Audit ; Grands arrêts, 87, p Cet arrêt met un terme à l'incompétence indirecte des juridictions étrangères tirée de l'article 15 du Code civil. Cf. pour l'aspect du problème vu sous l'angle du déni de justice : L. [...]
[...] Civ janvier 1951, Revue critique DIP 1951, p note Francescakis ; Gazette du Palais p ; Grands arrêts, 24, p L'ordre public international substantiel relève probablement plus de l'étude des conflits de lois ; mais son respect étant une condition indispensable à l'obtention de la reconnaissance, il nous a paru nécessaire d'en déterminer les grandes lignes, du moins au regard de la Convention européenne des droits de l'homme. Cass. Civ. 1ère février 2004, Aït Amer, Revue critique DIP 2004, p note P. [...]
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