La restauration de l'exécutif est le maître mot des constituants de 1958. Soucieux d'extirper le régime d'assemblée, ils mettent en place un régime parlementaire rénové, soit un exécutif bicéphale, ou un pouvoir partagé appelé une dyarchie, formé du chef de l'Etat et du gouvernement. Leurs relations sont placées sous le signe de l'autonomie, au premier, la charge de veiller aux intérêts supérieurs de la nation, au bon fonctionnement des institutions et à la continuité de l'Etat (article 5 de la Constitution) ; au second, celle d'exercer la fonction décisionnelle, de déterminer et de conduire la politique de la nation (article 20). A l'évidence le gouvernement occupe le centre de gravité de l'exécutif.
Mais en réalité, le glissement des formules et des discours a préparé l'émergence d'une nouvelle conception de la fonction présidentielle. Dès 1960, le général n'admet plus que l'on puisse contester au président de la République le droit de gouverner. A l'usage, il a pris conscience que la doctrine de l'arbitrage, telle qu'elle était esquissée dans le discours de Bayeux, n'était guère satisfaisante. Il a constaté sans doute que la notion elle-même est équivoque. Source de controverse? elle pouvait donner lieu à des interprétations qui, sous prétexte de conserver l'impartialité du président, aboutiraient à le paralyser. Depuis la réforme de 1962, sur le suffrage universel direct du président de la République, elle ne peut que lui paraître désuète et inadaptée. Il entend faire de l'institution présidentielle le centre et le moteur de la vie nationale. Il va donc officialiser cette conception dans la conférence de presse du 31 janvier 1964. De plus l'alternance incarnée par l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand en 1981, permettra d'asseoir cette conception du régime ; cela est notamment démontré cette intervention télévisée que le nouveau président fait en septembre 1981 (...)
[...] L'autorité du chef de l'Etat semble passer outre la constitution de 1958 L'affirmation du chef de l'Etat et confirmation par l'alternance. Pour le général de Gaulle, le président est le maître de la fonction gouvernementale. Il juge cependant qu'il doit respecter l'autonomie fonctionnelle du premier ministre. Aussi évite-t-il d'intervenir dans les domaines dont il lui laisse la responsabilité ou dans l'exécution des ses propres décisions. Les dispositions constitutionnelles, notamment celle de l'article 20, sont interprétées comme impliquant des exigences purement formelle ; elles ne sont pas reconnues comme des règles de fond destinées à baliser le processus de décision. [...]
[...] Commentaire de la conférence de presse du général de Gaulle le 30janvier 1964 Certes, on ne saurait accepter qu'une dyarchie existât au sommet. Mais, justement, il n'en est rien. En effet, le président, qui suivant notre constitution, est l'homme de la nation, mis en place par elle-même pour répondre à son destin ; le Président, qui choisit le premier ministre, qui le nomme ainsi que les autres membres du Gouvernement, qui a la faculté de la changer, soit parce que se trouve achevée la tâche qu'il lui destinait et qu'il veuille s'en faire une réserve en vue d'une phase ultérieure, soit parce qu'il ne l'approuvait plus ; ( ) le président est évidemment seul à détenir et à déléguer l'autorité de l'Etat. [...]
[...] Mais cette démission peut être forcée, comme en 1972, celle de J. Chaban-Delmas qui n'eut pas vraisemblablement pas sollicité un vote de confiance de l'assemblée nationale s'il avait eu l'intention d'abandonner quelques jours après la direction du gouvernement. Que cette confiance lui ait été accordée et que, cependant G. Pompidou l'ait remplacé par Messmer montre bien que le président entendait rester seul maître du choix du chef du gouvernement. En 1976 J. Chirac a également donné sa démission, mais il a été expressément signifié que cette attitude lui était dictée par sa divergence de vue avec le président. [...]
[...] La fonction gouvernementale n'est pas exercée de façon collégiale, mais de manière unipersonnelle, c'est pourquoi dans son discours du 31 janvier de Gaulle affirme dès le début le fait qu'il n'existe pas pour lui de dyarchie au sommet de l'Etat. Entre le président de la République et le premier ministre s'est instauré une répartition des tâches, mais jamais un véritable partage du pouvoir ni une spécialisation exclusive et définitive quant aux domaines d'action. Mais pour de Gaulle, et beaucoup moins pour ses successeurs, l'absorption de la fonction gouvernementale par le pouvoir présidentiel a pour contrepartie la responsabilité politique du président. [...]
[...] L'objectif est de donner une nouvelle fois l'Illusion que la légitimité du gouvernement ne vient pas de l'assemblée, comme il se doit en régime parlementaire, mais qu'il est la chose du seul président, comme si nous étions un régime présidentiel. Le premier ministre sert au président de bouclier, de paratonnerre, de fusible. En effet, c'est là lot aussi complexe et méritoire qu'essentiel, du premier ministre français (conférence de janvier 1964) qui dans les circonstances politique, parlementaire, économique et administrative difficile, va se mettre au premier rang», en donnant l'illusion qu'il est le premier responsable, pour attirer à lui les mécontentements pour préserver l'image présidentielle. [...]
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