Envisagé dès le discours de Bayeux par référence à la débâcle de juin 1940 qui avait vu sombrer l'État républicain et fait apparaitre au grand jour l'impuissance d'Albert Lebrun, Président de la République, le régime d'exception, prévu à l'article 16, répondant à l'une des préoccupations auxquelles le général De Gaulle tenait le plus, trouve une nouvelle actualité en 1958 avec la crise algérienne (mai 1958). Ces expériences ont cruellement fait ressentir la nécessité de doter le chef de l'État de pouvoirs exceptionnels en cas de crise grave. En effet, comme l'exposait Michel Debré devant le conseil d'État en 1958, "quand des circonstances graves, intérieures ou extérieures, et nettement définies par un texte précis, empêchent le fonctionnement des pouvoirs publics", le chef de l'État doit pouvoir réagir légitimement et efficacement. Le constituant de 1958 a donc prévu la possibilité pour le Président de la République, à titre exceptionnel et transitoire, de cumuler, en cas de nécessité lorsque les circonstances l'exigent, tous les pouvoirs, afin de faire face à la situation et de rétablir le fonctionnement régulier des institutions. Selon certains auteurs, cette situation aboutirait à une "dictature de salut public" (J. Giquel). En outre, l'apparition de cette nouvelle disposition dans nos institutions a donné lieu, lors de l'élaboration de la constitution, à de vives discussions en raison des dangers que sa mise en application impliquerait. En effet, bien que l'existence, dans notre constitution, d'un tel article permette d'instaurer la dictature, au sens romain du terme, c'est à dire limitée dans le temps, on risquerait vite, compte tenu de la personnalité du Président qui pourrait l'employer, d'aboutir à des situations d'état d'urgence à la manière latino-américaine. Par conséquent, si le contexte justifiait, aux yeux des constituants, une telle disposition, encore fallait-il que son usage reste solidement encadré. Certaines préoccupations ont donc été prises pour éviter que l'exercice de ces pouvoirs très étendus ne dégénère en dictature.
[...] Quant aux décisions que le Président de la République peut prendre sur le fondement de l'article 16, la constitution utilise une formule extrêmement vague: Président de la République prend les mesures exigées par ces circonstances''. Deux enseignements peuvent en être tirés: d'une part, les ''décisions du Président sont qualifiées seulement de ''mesures'', terme vague, mais qui s'explique par le domaine dans lequel ces mesures peuvent être prises, et qui n'est pas seulement le domaine normal du pouvoir règlementaire. D'autre part, en effet, le Président de la République dispose des pouvoirs les plus étendus. [...]
[...] Le sixième et dernier alinéa de l'article 16 dispose : l'Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l'exercice des pouvoirs exceptionnels''. L'impossibilité, pour le Président de la République de prononcer la dissolution de l'Assemblée, apparaît comme une contrepartie aux pouvoirs exceptionnels dont lui-même dispose. Certains auteurs ont comparé la période d'application de l'article 16 à un régime présidentiel, chaque pouvoir étant pratiquement dépourvu de moyens d'action sur l'autre. Toutefois une situation, non explicitement envisagée par le texte constitutionnel, peut se présenter: l'article 16 peut être mis en vigueur après qu'une dissolution de l'Assemblée, et avant que de nouvelles élections aient eu lieu. [...]
[...] De plus, en second lieu, il faut que ces circonstances aient pour conséquence d'interrompre fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels''. Cette disposition qui a été ajoutée lors de la discussion de l'avant-projet de constitution devant le comité consultatif constitutionnel, pose une limite à la première condition et constitue ainsi une garantie plus sérieuse contre un risque d'arbitraire bien que la question de savoir à partir de quel moment les pouvoirs publics constitutionnels sont interrompus laisse place à de multiples possibilités d'interprétation. [...]
[...] Aussi la révision constitutionnelle intervenue en 2008 institue-t-elle un contrôle du Conseil constitutionnel sur la validité de la prolongation du régime de l'article 16. Après 30 jours, le conseil peut être saisi par le Président de l'une des assemblées députés ou 60 sénateurs. Au terme de 60 jours, il est saisi de plein droit; au-delà de cette durée, il peut se prononcer à tout moment. Le conseil n'émet qu'un avis public dépourvu de valeur juridique contraignante, non de valeur politique. Enfin, à ces deux conditions de fond, l'article 16 ajoute des conditions de forme peu contraignantes. Les conditions de forme. [...]
[...] Deux alinéas, les deux derniers de l'article 16, lui sont consacrés. Le cinquième alinéa prévoit tout d'abord Parlement se réunit de plein droit'': au cours des sessions normales (ordinaires et extraordinaires), l'Assemblée nationale peut censurer le gouvernement et le Parlement voter les lois, mais sans interférer avec la mission du chef de l'État; en dehors des sessions normales, les assemblées voient leur rôle minoré. Les travaux du Parlement ne peuvent pas avoir un aboutissement législatif et aucune motion de censure n'est recevable pendant cette période. [...]
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