droit public, droit constitutionnel, Brexit, Boris Johnson, rapport de force politique, intervention de la cour suprême
L'épisode du Brexit - que certains n'hésitèrent pas à la qualifier de "soap opera politico-juridique" (Yves Petit, "Brexit : voyage en terre inconnue" The Conversation, 8 déc. 2019) - a eu de nombreuses conséquences sur la situation politique interne du Royaume-Uni et les liens qu'elle entretient avec l'Union européenne. Mais du strict point de vue constitutionnel ce qui doit être observé, est cette mise à nue opérée entre la réalité d'une culture constitutionnelle britannique prise en étau entre une tradition séculaire et une nécessaire évolution vers la modernité juridique.
[...] Mais il recèle en réalité, comme l'observait déjà la doctrine lors de son édiction (Armel Le Divellec, « Un tournant de la culture constitutionnelle britannique : le Fixed-Term Parliaments Act 2011 et l'amorce inédite de rationalisation du système parlementaire de gouvernement au Royaume-Uni », Jus Politicum, n° un tournant majeur dans la culture constitutionnelle britannique, en tentant de discipliner, par des règles juridiques écrites, la liberté du Gouvernement. Cette loi s'inscrit en cela dans le mouvement plus large et qui transcende les frontières de rationalisation du parlementarisme (Boris Mirkine-Guetzévitch). Elle avait pour effet escompté de mettre fin à l'exercice inconditionné du droit de dissolution, en le limitant à deux hypothèses bien définies et exclusives. La première est l'autodissolution par la Chambre des communes : ne peuvent se tenir des élections anticipées que suite à un vote à la majorité des deux tiers des députés. [...]
[...] Pour trouver une issue au Brexit et donc mener à terme le projet voté par les citoyens eux-mêmes lors du premier référendum sur le Brexit le 23 juin 2016 (durant lequel des Britanniques se sont prononcé en faveur d'un départ de l'Union européenne), il est apparu nécessaire aux Premiers ministres successifs d'obtenir une majorité parlementaire franche. Le Parlement a en effet montré, à de nombreuses reprises, qu'il ne serait pas possible d'avancer sans lui. Theresa May puis de Boris Johnson l'ont bien compris, quand celui-ci refusait les accords négociés avec l'Union européenne ou initiait, à plusieurs reprises, des motions de censure (qui n'aboutirent cependant pas). [...]
[...] Jamais véritablement abrogés, les pouvoirs monarchiques ressurgissent dans les moments opportuns. Il ne faut cependant pas se méprendre : la Reine a traditionnellement les mains liées face à la durée de prorogation choisie par son Premier ministre, car il est de son devoir traditionnel de maintenir une position de neutralité en suivant ses recommandations. Elle n'a donc pas marqué, en agissant de la sorte, une position politique. Néanmoins, le fait est que l'autorité monarchique est intervenue, conformément à la tradition constitutionnelle britannique, pour entériner une décision manifestement abusive du Premier ministre et visant à museler le Parlement organe démocratique par excellence. [...]
[...] Cette loi, qui dispose que si aucun accord de sortie n'a été approuvé par le Parlement avant le 19 octobre, un report du Brexit s'imposera, ce fut un coup dur pour Boris Johnson, qui la qualifie de « loi de capitulation » vis-à-vis de l'Union européenne. En octobre 2019, la reine a consenti à suspendre le Parlement, comme lui avait demandé de le faire Boris Johnson. Cette immixtion de la reine dans le déroulé du Brexit montre incontestablement que la dimension monarchique de son parlementarisme n'a pas disparu. [...]
[...] Les acteurs politiques de la majorité comme de l'opposition du gouvernement comme du Parlement ont usé de tous les moyens que leur offrait la souplesse du droit coutumier britannique pour tenter de l'emporter. Dans un jeu de rétroactions constantes, Brexit et droit constitutionnel britannique se sont nourris l'un l'autre. D'une part, il y aura un avant et un après-Brexit, non pas seulement pour l'Europe, l'économie ou la culture, mais aussi, pour les institutions britanniques. D'autre part, et c'est ce point qui nous intéressera ici, les acteurs politiques ont mobilisé des mécanismes appartenant aux deux mondes : celui de la tradition et celui du renouveau. [...]
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