Pour Jean Massot, la cohabitation sous la Ve République est la “coexistence d'un chef de l'État élu au suffrage universel sur un programme politique et d'un premier ministre s'appuyant sur une majorité parlementaire élue pour soutenir une politique opposée”. Le terme de cohabitation n'est d'ailleurs pas évident. Mitterrand par exemple, en 1986, avait proposé “cogestion” ou “coexistence”, jugeant que “cohabitation” avait une connotation intimiste inappropriée. Mais le terme est entré dans le langage politique.
L'histoire de la cohabitation en France commence bien avant 1986 (on peut citer par exemple Mac Mahon, opposé à l'Assemblée républicaine en 1878-79) et elle est assez compliquée. Mais dans la période que l'on va étudier, trois épisodes de cohabitation sont survenus : de 1986 à 1988, de 1993 à 1995 et de 1997 à 2002.
Quelles sont les causes d'une telle situation ? Quelles en sont les conséquences sur les mécanismes institutionnels ? Comment appréhender les différences et les permanences entre nos trois expériences de la cohabitation ?
[...] Ainsi, en 1988, Mitterrand refuse de signer des ordonnances présentées au Conseil des ministres (qu'il dirigeait bien sûr) par le Gouvernement Chirac, bien que celles-ci eussent été autorisées par le Parlement. Ce qui explique la relative réussite ou durée des périodes de cohabitation réside sans doute dans l'impossibilité pour les différents acteurs (Parlement et Gouvernement) d'atteindre le Président. Ainsi, le système est très asymétrique : alors que le Président peut dissoudre, il est inamovible (sous réserve des articles 67 et 68). Le président peut siffler la fin de la partie (Mitterrand). [...]
[...] Le PS conserve, en sièges à l'Assemblée donc le rapport des forces est plus ou moins équilibré. La situation de cohabitation avait été préparée, annoncée et attendue : chacun se situerait en respectant la constitution, rien que la constitution, toute la constitution Mitterrand garderait un rôle d'arbitre, le gouvernement dirigerait la politique de la Nation. La particularité de cette première expérience cohabitationniste est la posture tribunitienne que Mitterrand a adoptée, notamment dans le refus de signer des ordonnances qui reviendraient sur des acquis socioéconomiques Mitterrand a joué du symbole de l'homme seul contre tous (il refuse de poser sur la photo de famille après le premier conseil des ministres le 26 avril 1986) face à une majorité unie. [...]
[...] Pour autant, un retour futur à la cohabitation n'est pas impossible. On peut toujours imaginer le cas très peu probable où les élections législatives consécutives à l'élection présidentielle donneraient des résultats contradictoires avec celle-ci. Il s'agirait alors d'un phénomène de la cohabitation, car le président n'aurait pas encore exercé en période de fait majoritaire. Un cas plus probable est celui de la dissolution de l'Assemblée en cours de mandat ou la mort du Président. Les 15 dernières années du XXème siècle ont connu trois cohabitations : une telle fréquence ne sera désormais sans doute plus de mise. [...]
[...] En 1986, les élections législatives (qui donnent une majorité à la coalition RPR-UDF) arrivent 5 ans après le début du septennat de Mitterrand ; en 1993, c'est quatre ans après le début du second septennat. Ajoutons à cela, le pouvoir de dissolution du Président de la République (1997). Donc non seulement on a deux élections directement ou indirectement à la source du pouvoir exécutif, mais qui plus est, désynchronisées. D'où le risque de contradiction entre elles et de changement de majorité en cours de mandature. On le verra, si les législatives coïncident avec les présidentielles dans le temps, le risque de contradiction entre les résultats de l'une et de l'autre sont évidemment très réduits. [...]
[...] Souvent critiquée, parfois louée, elle est conçue tantôt comme une dérive tantôt comme un retour aux sources de notre République. Le quinquennat devrait la raréfier considérablement, mais, comme le dit Daniel Amson : assurément les risques ou les chances de cohabitation demeure en France Bibliographie Marie-Anne Cohendet, la cohabitation, leçons d'une expérience, Puf Christiane Gouaud, la cohabitation, ellipses Daniel Amson, la vie politique sous la Vème république, ellipses Simon-Louis de Formery, la Constitution commentée, Hachette J-J Chevallier, G. Carcassonne, O. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture