Bruno Oppétit décrit l'histoire du droit comme une suite de nombreuses « alternances de rayonnement et d'éclipse » . Lors des périodes de rayonnement, les règles de droit se développent et les lois se multiplient ; toutefois l'accumulation de règles de droit mène à une période dite d'éclipse, où la sécurité juridique est menacée et le droit rendu peu intelligible. C'est dans cette seconde période que la codification joue un rôle clé, dans la mesure où elle permet de rassembler les textes par sujet (codification-collection), ou rationaliser leur organisation et supprimer les anciens textes en conservant le droit positif (codification à droit constant) ou encore les repenser, les réformer en s'appuyant sur les anciens textes pour les moderniser et les repenser (codication-modification). Toutes les codifications ont en commun cette volonté de rationaliser le droit ; Portalis écrivait d'ailleurs : « Qu'est-ce que la codification, si ce n'est l'esprit de méthode appliqué à la législation ? ».
Les juristes dénoncent depuis plusieurs années déjà, et de façon quasiment unanime « l'inflation législative » , tout comme le Conseil d'État dans ses derniers rapports annuels. Face à cela, la seule solution – portée par le politique – qui revient inlassablement est celle de la codification.
Toutefois, alors que la crise française – et même européenne – du droit, confronté à la multiplication de ses sources et à l'accumulation et la fragmentation de ses règles, semble bien réelle, il faut aujourd'hui se demander si la codification est bel et bien la solution à ce problème. Pour le juriste François Ost, « le rêve de la loi parfaite prendra une forme et un nom : le Code » ; aujourd'hui, les codifications permettent-elles réellement d'envisager un retour à une loi parfaite ?
[...] Toutefois, alors que la crise française et même européenne du droit, confrontée à la multiplication de ses sources et à l'accumulation et la fragmentation de ses règles, semble bien réelle, il faut aujourd'hui se demander si la codification est bel et bien la solution à ce problème. Pour le juriste François Ost, le rêve de la loi parfaite prendra une forme et un nom : le Code ; aujourd'hui, les codifications permettent-elles réellement d'envisager un retour à une loi parfaite ? Dans un premier temps, nous verrons en quoi les codifications du droit, dans leur principe, peuvent apporter des bienfaits à la société, puis nous questionnerons leurs effets exacts sur le droit. [...]
[...] Le premier effet de la codification est l'effet de rupture. Puisque le nouveau code remplace le précédent, il constitue une rupture évidente. Il existe des codifications officieuses ou privées, mais la codification officielle, par son existence même, remplace le droit précédent en l'abrogeant (article 7 de la Loi du 30 ventôse an XII pour le Code civil). Se pose alors la question de l'opportunité, dans un domaine aussi important que le droit, d'une rupture. Si dans le contexte de la sortie d'une crise, la portée symbolique d'une rupture juridique peut être parfaitement appropriée, dans le contexte de l'évolution normale du droit, la rupture ne risque-t-elle pas de nuire à la compréhension de la règle de droit, en l'extrayant de son contexte historique par exemple ? [...]
[...] Enfin, les codifications permettent de favoriser une unification sociale (tisser du lien social : Napoléon a cherché un juste milieu entre droit écrit du Nord de la France et droit coutumier du Sud) ou géographique (Hammourabi s'est servi de son Code pour unifier le droit de plusieurs provinces). Vient ensuite la dimension sociétale : la codification permet de répondre à un besoin social de sécurité juridique Elle suit souvent une large crise de la société causant une crise des sources du droit (Rémy Cabrillac décrit ainsi cinq périodes où c'est à chaque fois la crise de la société qui a donné au code toute son importance et sa portée). [...]
[...] Encore pire, en codifiant en s'interdisant de modifier les textes, ils pérennisent un droit qui peut être mauvais. Au contraire, les deux derniers types de codification ont une telle portée qu'il faut poser la question de la légitimité de leurs auteurs et s'interroger sur la façon de codifier. Pour finir, nous allons voir que la codification du droit, peu importe la méthode entreprise, pose des problèmes d'une part sur le plan purement technique et procédural et d'autre part sur le plan de ses objectifs et principes Codifier pose déjà un problème pour le processus de re-codification, car la codification érige le code en symbole, comme on l'a souligné. [...]
[...] Enfin, le dernier effet est celui de complétude. Le code est conçu et vu comme un monde clos, sans référence à l'extérieure, se suffisant à lui-même. Weber écrivait d'ailleurs que la codification se veut exhaustive et croit pouvoir l'être Est-ce que ce renfermement ne constitue pas une menace pour l'applicabilité de la règle de droit à une société changeante ? Cette volonté irrationnelle d'exhaustivité n'est-elle pas dommageable pour la compréhension générale d'un Code ? Le culte du détail, en enlevant tout pouvoir d'interprétation au juge ne risque-t-il pas de créer une justice automatique et mécanique, c'est-à-dire inhumaine ? [...]
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