« Le bicaméralisme équilibré, fondé sur l'existence de deux assemblées parlementaires à part entière, mais différenciées, est la garantie d'un double regard sur la loi qui transcende souvent les clivages politiques », voilà comment Christian Poncelet, ancien secrétaire d'Etat et président du Sénat justifie l'existence du bicaméralisme. En principe, la seconde chambre a pour fonction de servir de contre-pouvoir à la première. Le corps législatif étant composé de deux parties, écrit Montesquieu, « l'une enchaînera l'autre par sa faculté mutuelle d'empêcher ».
Hérité de l'Antiquité, le Sénat est en fait une curieuse institution. Selon la Constitution, il ne représente pas le peuple, mais les collectivités locales, qui élisent ses membres au suffrage universel direct. Il n'en participe pas moins à l'exercice de la souveraineté nationale. A bien des égards, il est demeuré le « grand conseil des communes de France » cher à la IIIe République, puisque les conseillers municipaux constituent l'écrasante majorité de son corps électoral. Mais les députés font aussi partie de ce collège : la Haute Assemblée est donc aussi une émanation de la volonté nationale. Les pouvoirs du Sénat n'en sont pas moins contradictoires. Il est privé du dernier mot dans le vote de la loi qui appartient à l'Assemblée nationale. Il est frustré de son droit d'amendement si le gouvernement décide de passer outre. Mais la Constitution a fait de lui le garant de l'ordre républicain. La procédure de révision de la Constitution prévue par l'article 89 est impossible sans son accord. Le Sénat a ainsi été conçu comme un « pôle de stabilité » face au caractère aléatoire du suffrage universel, il a d'ailleurs assuré le triomphe de la République contre une Assemblée nationale dominée par les royalistes et les bonapartistes en 1875. Cependant, sous couvert d'un rôle modérateur, il s'est le plus souvent comporté comme un bastion du conservatisme.
[...] C'est lui aussi qui était censé dénoncer les excès de la gauche extrême marxisante. Mais c'est une autre institution qui fut désormais chargée de ce rôle : le Conseil Constitutionnel. Ce sont également les associations qui conduisent les responsables politiques à légiférer et à réglementer autrement par l'entremise des juges et des médias. Depuis 1989, date des précédentes élections dans les départements, la gauche a progressé aux élections municipales de 1995, remporté les élections législatives de 1997 et gagné des majorités dans les conseils régionaux et généraux en mars 1998. [...]
[...] De plus, le Sénat contribue à l'équilibre des institutions républicaines par sa fonction de contrôle. En effet, l'Assemblée nationale, dans sa majorité partage nécessairement les orientations politiques du Gouvernement responsable devant elle. Comme il n'a jamais avec le gouvernement des liens politiques aussi étroits que ceux de l'Assemblée et qu'il s'appuie sur un mode de représentation qui lui est propre, le Sénat apporte la garantie d'un contrôle indépendant de l'action gouvernementale. Grâce à la faculté qu'ont ses membres de saisir le Conseil Constitutionnel afin que celui-ci vérifie la constitutionnalité de la loi, le Sénat contribue à préserver le pacte fondamental, ce qui garantit l'état de droit contre l'arbitraire, toujours possible, de la majorité du moment à l'Assemble Nationale. [...]
[...] Alors que Lionel Jospin tenait en 1998 le Sénat pour une anomalie parmi les démocraties, la réalité montre que les jeunes démocraties, qu'elles soient d'Europe centrale ou orientale, d'Asie ou d'Afrique, optent massivement pour le bicamérisme, la France offrant en ce sens un modèle alors que paradoxalement c'est au sein de l'hexagone qu'il est le plus contesté, mais aussi le plus défendu : les électeurs consultés deux fois par référendum, en 1946 et en 1969, ont refusé de supprimer le Sénat. En effet, le bicaméralisme s'est imposé au fil de l'histoire constitutionnelle en acquérant un rôle et une utilité indéniable. Cependant, face aux contestations de plus en plus nombreuses, son avenir ne paraît pas pouvoir échapper aux réformes. [...]
[...] En revanche, la IIe République renoue avec le monocamérisme, l'Assemblée législative étant l'organe central de l'édifice institutionnel. Les constituants de 1848 ont alors considéré que le caractère unitaire, indivisible et démocratique de la République devait conduire à écarter l'idée d'une seconde chambre. Le Conseil d'Etat n'est pas considéré comme une véritable seconde chambre, mais il est remanié et désormais composé d'élus de l'Assemblée nationale et non plus de fonctionnaires nommés. Il est chargé de la préparation des lois et forme un organe d'étude qui contribue à la pondération politique du régime et à l'amélioration technique de la législation. [...]
[...] Ainsi réparti et rationalisé, le travail parlementaire ne s'enlise pas et y gagne tant en cohérence qu'en efficacité. Face aux critiques sur l'intérêt d'une seconde chambre (le système électoral faisant du Sénat un organe aussi politisé que la Chambre des députés), des projets avortés de réforme ont tenté en Italie de faire du sénat une chambre des régions sur un modèle quasi fédéral. Le projet mûrit d'autant plus qu'en Italie comme en France, la décentralisation croissante accorde aux entités régionales des compétences de plus en plus vastes, y compris en matière d'adaptation législative, dont le Sénat serait seul apte à assurer l'équilibre et l'unité rejoignant en cela la lettre de la Constitution française qui en faisait l'organe des collectivités locales. [...]
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