Comment éviter que 1793 ne succède à 1848 ? Cette question hante les esprits et entraîne la Constituante dès ses premiers jours d'existence à dépouiller la République de ses accents socialistes pour l'orienter dans un sens conservateur. Mais pour autant, peut-on dire que les lacunes et les ambiguïtés de cette Constitution ultra démocratique sont responsables du coup d'Etat de Louis Napoléon Bonaparte ?
[...] Dans les mécanismes constitutionnels, le président ne peut dissoudre la chambre unique non plus qu'il ne peut la proroger : ce serait un "crime de haute trahison" aussi bien que de mettre des obstacles de quelque autre façon que ce soit à l'exercice du pouvoir législatif. On confie ainsi au Président une large légitimité et de grands pouvoirs que l'Assemblée a les moyens de contrôler, sans que le Président ne puisse lui- même rien faire contre cette Assemblée. Il n'y a donc pas de jeu de négociation possible entre les deux parties. Plus généralement, c'est le principe de séparation des pouvoirs qui est remis en cause puisqu'il n'y a ni séparation stricte ni souple. Cette séparation entre exécutif et législatif est déséquilibrée. [...]
[...] On peut parler d'une cacophonie politique mêlant en sons discordants le grand air jacobin, le grand air plébiscitaire, avec en sourdine l'air parlementaire. Telle était, "en présence de Dieu" et au " nom du peuple francais" l'œuvre bâtarde de l'Assemblée Constituante. Les barrières de papier dressées face au risque de dérive bonapartiste induit par un suffrage universel encore inexpérimenté renvoient irrésistiblement à l'image d'un "Gulliver empêtré" selon l'expression de C. Emeri et C. Bidegarray. En réalité, de trop surveillé, le Président aura toute la légitimité pour mettre fin aux contradictions de l'exercice de son pouvoir. [...]
[...] Les débats sont sur ce point formels : il s'agit de permettre une meilleure suprématie législative. Ainsi, une fois l'interprétation parlementaire dépassée, on se retrouve en face de deux institutions qui se combattent puisque le président est constitutionnellement le chef d'une administration plus que d'un pouvoir exécutif, soumis au contrôle étroit de l'Assemblée législative Une main mise sur le Président Et, si l'on examine les relations entre les pouvoirs, c'est pour en nuancer la vision qu'en donne R. Remond dans La vie politique en France depuis 1789. [...]
[...] Le Président est ainsi tout à la fois investi d'une mission et pourtant privé de moyens pour l'accomplir. Parieu avait lucidement diagnostiqué le mal présidentiel : "Vous créez un pouvoir fort et puis, lui tressant dans la Constitution des chaînes fragiles, vous lui dites : tu ne te déballeras pas, tu ne t'agiteras pas, tu ne rompras pas les bandelettes dont nous t'entourons." II. Une tradition parlementaire détournée La Constitution ne mentionne pas si le régime est parlementaire ou présidentiel. [...]
[...] Remond entre les deux institutions est singulièrement poreux. Il sépare deux institutions issues d'une même légitimité démocratique dans des conditions juridiquement déséquilibrées au profit de l'Assemblée. Tocqueville déclarait ainsi : la fois libérale et démocratique, cette constitution apparaît ainsi encore marquée par la croyance quarante-huitarde en l'excellence du jugement populaire, source unique de deux pouvoirs, que la "force des choses" ne pouvait que rendre antagonistes. Et la victoire de l'un ou l'autre de ces deux grands rivaux devait dépendre des circonstances et du moment. [...]
Bibliographie, normes APA
Citez le doc consultéLecture en ligne
et sans publicité !Contenu vérifié
par notre comité de lecture