Richard Nixon, Cour suprême, législation électorale, Watergate, États-Unis, Federal Election Campaign Act, équité, décision Buckley V. Valeo, liberté d'expression, démocratie, EDF, Max Weber
La mise à l'agenda d'un problème politique échappe ici totalement à la plupart des acteurs politiques qui subissent ce dernier plus qu'ils ne tendent à l'imposer. C'est bien le scandale du Watergate, révélé par deux journalistes du Washington Post, qui fait, en second ressort, du financement des campagnes électorales un sujet majeur. C'est en premier lieu ce qui me surprend, le framing de ces problématiques semble échapper aux élites politiques afin de choir au "quatrième pouvoir" : la presse. Néanmoins, il aurait été loisible de remonter plus loin dans le temps afin d'avoir une appréciation plus intéressante de cette problématique, notamment durant le "Gilded Age" où le Sénat des États-Unis est appelé "Le Club des Millionnaires". C'est la perception de l'acte de corruption qui a changé, de même que sa commission. Alors qu'auparavant l'élection d'un puissant membre d'un conseil d'administration au Sénat des États-Unis suscitait le scandale, notamment lorsque ce dernier, producteur d'acier par exemple, arguait pour une forte barrière douanière contre toute importation européenne, aujourd'hui, c'est la visibilité même de la corruption qui transforme ses modes d'action au profit d'une influence plus discrète qui se sert des moyens financiers comme d'un proxy afin d'influer directement le choix du pouvoir gouvernant, du pouvoir législatif et en définitive, bien que de manières plus indirectes, la souveraineté populaire elle-même. Le scandale politico-financier a toujours existé, mais il semblerait qu'il ait muté. Les lois de financement électoral sont donc des sortes de chirurgien de guerre qui poursuivent sans cesse l'évolution des combats et qui tentent pour chaque blessure portée au corps de la démocratie et de l'impartialité et de la fairness des élections, de suturer, de recoudre et de juguler ces actes de corruption active.
[...] Cette analyse est absente de la décision rendue par la Cour Suprême, qui ne considère par les médias comme des acteurs à part entière du système électoral. La fairness doctrine, sacrifié par l'administration Reagan en 1987, semblait un élément plus protecteur de cette liberté d'expression que cette décision étrange adossant l'expression à un prix monétaire et permettant de fait, une absence de plafond de dépense et une liberté absolue dans la collecte de fonds qui fondamentalement n'apporte rien au débat public, sinon calomnies, mensonges ou anecdotes personnelles qui ne renseigne finalement que peu sur le programme des candidats. [...]
[...] Je ne suis pas d'accord avec l'appréciation de l'équité politique qu'a rendu la Cour Suprême, je trouvais cet argument de l'État parfaitement compelling et induisant, dans le sujet seul de la FECA, une législation parfaitement adéquate à une juste réglementation prenant en compte le droit de l'expression et le droit naturel des citoyens à un gouvernement exempt de toute corruption. Je pense qu'il faut distinguer deux situations afin de dresser une appréciation complète de la liberté d'expression. La première s'inscrit dans le contexte de la FECA imposant des restrictions au financement des campagnes électorales et derechef à la liberté d'expression. [...]
[...] En effet, elle fait preuve d'une certaine naïveté qui méconnaît la dépendance des campagnes politiques à ces fonds. S'il est avéré qu'il n'existe pas de liens tangibles entre ces organisations et les campagnes qu'elles sont censées financer de manière indépendante, il n'en reste pas moins que les contributeurs peuvent sanctionner un positionnement politique en donnant moins, ou en finançant un opposant lors de primaire si jamais le candidat a pris des décisions contrevenant aux intérêts de l'organisation. La NRA a ainsi par le passé, et contribue toujours, au financement des campagnes des candidats favorisant ses intérêts et sanctionnant par la même les candidats prenant position contre ses intérêts. [...]
[...] La véritable liberté d'expression est donc le choix dénué de toute obligation morale à l'égard du profil de l'individu à qui la parole est donnée. C'est en cela que la profession d'éditorialiste existe, ce sont des individus qui sur des sujets pointus ont une absence d'expertise comparable au reste de la population mais que certaines chaînes de télévision ou certaines antennes radios invitent, parce qu'il s'agit de leurs choix. Définir l'équité politique de telle manière que la liberté d'expression deviendrait un droit créance, c'est finalement extirper de l'expression toute liberté en obligeant les citoyens à entendre un discours qu'ils ne désirent pas écouter. [...]
[...] N'est-ce pas là une forme perverse et insidieuse de poll-tax ? Sous couvert de l'expression et de la libre information des citoyens, des rumeurs, des mensonges, des approximations sont répandues au sein de l'arène politique, et ce sont ces éléments qui participent à forger le vote et le visage démocratique des États-Unis. À y regarder de plus près, les mêmes questions entourant le financement occulte de la campagne de Richard Nixon, se posent aujourd'hui dans les exactes mêmes termes. L'argent émane toujours de compagnies industrielles, ces donations peuvent toujours êtres occultées sans que personne ne puisse connaître l'identité du donateur et finalement, les donations illimités de la part des individus pour une campagne électorale sont toujours effectives. [...]
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