Quel que soit le pays démocratique où l'on se trouve, le choix du système électoral est un choix politique qui n'est jamais neutre. Il est au contraire décisif et ceci pour deux raisons : Le processus électoral est la base de la démocratie et les techniques employées ont une incidence sur la vie politique. En effet, s'agissant des élections législatives, il est évident qu'elles influent non seulement sur la représentation parlementaire mais aussi sur la force respective des différentes formations politiques et donc par voie de conséquence sur le mode de gouvernement.
En France, sous la Ve République, le choix du mode de scrutin pour les élections législatives a été opéré par le général De Gaulle et fut en effet celui du scrutin majoritaire uninominal à deux tours malgré le souhait de Michel Debré qui aurait préféré le scrutin majoritaire uninominal à un tour modèle anglais. Dans ce système, est élu le candidat qui a obtenu la majorité absolue au premier tour ou la majorité simple au second, à condition d'avoir dépassé le seuil exigé de 12,5% des voix du premier tour. Critiqué pour la représentation faussée de l'opinion qu'il implique, ce mode de scrutin est prisé en ce qu'il permet de dégager, y compris par le jeu des alliances et désistements, une majorité nette propre à soutenir l'action du gouvernement. Il se distingue de la représentation proportionnelle, qui est un système consistant à répartir les sièges en fonction du nombre de voix obtenues par chaque parti. Ce mode de scrutin fut alors celui appliqué sous la IVe République et connut un bref retour sous la Ve République de 1986 à 1988 en vue de limiter la défaite prévisible de la gauche au pouvoir. Si celui-ci avait alors le mérite de garantir une relativement juste représentation de la population, il présentait de nombreux inconvénients pour l'efficacité politique des institutions, favorisant notamment l'instabilité gouvernementale et le régime de partis tant méprisé par de Gaulle. Ainsi chacun des deux scrutins présente-t-il des avantages et des inconvénients qui justifient les débats qui se sont posés à plusieurs reprises sur le point de savoir quel mode de scrutin choisir pour les élections législatives. Faut-il donc préférer la représentation proportionnelle ou le scrutin majoritaire pour leur organisation sous la Ve République ? (...)
[...] A l'opposé, le SM est très largement lié à une conception nationale de la souveraineté qui commande un régime représentatif où une délégation approfondie du pouvoir est encouragée et où, dans ce contexte, le gouvernement doit être le plus uni et solidaire possible pour pouvoir mener son action de façon indépendante sous contrôle du peuple. Mais l'argument du plus grand respect de la souveraineté populaire par la RP appelle quelques nuances. En effet, par la RP, la souveraineté des électeurs semble bien en réalité transférée vers les partis dans la mesure où les candidats se sentent davantage tributaires de l'appareil du parti qui nomme les têtes de listes que de l'électorat Par ailleurs, plusieurs éléments viennent à un certain degré corriger les défauts de représentativité du SM : ainsi, le vote par circonscriptions rapproche-t-il les électeurs des élus plus que la RP organisée dans le cadre du département. [...]
[...] On peut le craindre dans une certaine mesure mais il faut néanmoins souligner que le contrôle ne sera jamais absent même dans le cadre de formations très largement favorables au gouvernement car, s'il s'exercera sûrement hors des mécanismes prévus par la Constitution (motion de censure, commission d'enquêtes il s'exercera tout de même grâce à la récurrence des échéances électorales qui responsabilisent de fait le gouvernement dans l'exercice de ses fonctions, celui-ci pouvant toujours craindre de la part des électeurs un vote sanction. On aura donc montré que le principe de la RP est apparemment plus à même d'œuvrer en faveur de la légitimité démocratique au sein du cadre institutionnel de la Ve République, sans pour autant que le SM ne s'y oppose à proprement parler. [...]
[...] Faut-il donc préférer la représentation proportionnelle ou le scrutin majoritaire pour leur organisation sous la Ve République ? Telle fut la question posée qui est en effet une question de taille puisque la réponse qu'on y apportera trahira non seulement la conception que l'on a des concepts de souveraineté et de démocratie mais elle reflètera encore l'idée que l'on se fait de l'équilibre institutionnel : autant de concepts essentiels en droit constitutionnel Au final, il s'agira en définitive de trancher entre la justice électorale favorable à la légitimité démocratique et l'efficacité politique. [...]
[...] Pourtant, une autre approche plus pratique des institutions nous fera préférer le SM pour l'organisation des élections législatives sous la Ve République. II/ Le scrutin majoritaire préférable pour son efficacité institutionnelle. C'est en effet le mode de scrutin le plus en accord avec l'esprit originel de la Constitution du 4 Octobre 1958 mais aussi avec les caractères généraux des régimes parlementaires tels qu'ils ont évolué au cours du XXe siècle. La cohérence avec l'esprit de la Constitution de 1958 Pour Maurice Duverger, le scrutin majoritaire serait en effet le second pilier du régime en ce qu'il permet généralement que se dégage à l'assemblée une majorité. [...]
[...] Ainsi, au terme de cette étude, il apparaît que le réalisme politique tend à créditer le scrutin majoritaire uninominal à deux tour et à le faire préférer à la représentation proportionnelle pour l'organisation des élections législatives sous la Ve République, et ceci contre les demandes récurrentes des petits partis et de l'opposition de gauche qui se sont élevées depuis les débuts du régime. C'est alors ce pourquoi la commission mise en place en 1992, présidée par le doyen Vedel et chargée d'étudier pour l'avenir une réforme du mode de scrutin, s'est prononcée pour l'essentiel pour son maintien. [...]
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