« La loi est l'expression de la volonté générale ». Cet article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 traduit la conception dégagée par Jean-Jacques Rousseau dans son ouvrage majeur « Du Contrat Social » de 1762 dans lequel il confère une supériorité juridique à la loi. En effet, la loi a longtemps semblé détenir le pouvoir absolu, seule capable de limiter la liberté et d'incarner la souveraineté exercée par les représentants du peuple. Le contrôle de constitutionnalité des lois a donc longtemps suscité en France une réticence certaine de la part des hommes politiques comme des juristes, tous persuadés que son introduction conduirait à une profonde altération des souverainetés législative et populaire.
Cependant, la Ve République a rompu avec cette conception et on assiste alors à une crise de la loi. Depuis 1958, le Conseil constitutionnel protège donc la Constitution par l'exercice du contrôle de constitutionnalité qui consiste à vérifier la conformité des lois et traités internationaux au bloc de constitutionnalité.
Malgré ces tentatives de protection accrue des droits fondamentaux, la mise en place d'une exception d'inconstitutionnalité à savoir la possibilité pour un citoyen d'invoquer la Constitution et plus spécifiquement les droits fondamentaux à l'occasion d'un litige auquel il est parti et de soutenir que la loi qui lui est appliquée est contraire à tel ou tel de ces principes semble aujourd'hui nécessaire et incontournable compte tenu de l'unanimité ou presque de la doctrine sur ce sujet.
A l'heure où cette proposition est remise en selle par le Comité de réflexion sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions présidé par Edouard Balladur, on peut se demander quelle serait la valeur ajoutée de la mise en place d'une exception d'inconstitutionnalité dans le système actuel de protection des droits fondamentaux en France.
[...] Le Comité n'a donc pas hésité à recommander aux pouvoirs publics de s'engager dans la voie de la réforme qui aurait pour objet de permettre à un citoyen d'invoquer la Constitution et plus spécifiquement les droits fondamentaux à l'occasion d'un litige auquel il est partie et de soutenir que la loi qui lui est appliquée est contraire à tel ou tel de ces principes. Il apparaît par ailleurs qu'avec cette mise en place, les droits fondamentaux deviennent la norme de référence de tous les ordres de juridiction. [...]
[...] En effet, le professeur Pierre Mazeaud, vice-président du Comité de réflexion est opposé à la reconnaissance aux justiciables de l'exception d'inconstitutionnalité. Selon lui, construire un modèle mixte faisant coexister un contrôle de constitutionnalité diffus par la juridiction de droit commun et un Conseil constitutionnel intervenant occasionnellement serait ouvrir la voie à d'inévitables discordances de jurisprudence. L'interprétation de la Constitution ne serait plus unique. Il y aurait autant d'interprétations d'une même règle ou d'un même principe qu'il y a de cours de dernier ressort en France : Cour de cassation, Conseil d'État et Conseil constitutionnel. [...]
[...] Tout comme le Comité, il ne retient pas l'argument selon lequel cette voie de droit supplémentaire porterait atteinte à la sécurité juridique : il y a en effet quelque paradoxe à soutenir que la correction d'une erreur juridique n'améliorerait pas la sécurité juridique dont doit bénéficier le justiciable. Un renforcement de la norme constitutionnelle serait aussi une conséquence avantageuse de la mise en place de l'exception d'inconstitutionnalité puisque la Constitution serait mieux appliquée au citoyen. Enfin, l'exception d'inconstitutionnalité permettrait la protection des principes propres à l'ordre juridique interne. [...]
[...] une protection accrue des droits fondamentaux du citoyen Avec l'exception d'inconstitutionnalité, le citoyen devient actif dans la protection des droits fondamentaux. Il convient de revenir sur les raisons de la possible reconnaissance de ce droit nouveau aux justiciables. Pour diverses raisons, certaines lois n'avaient pas fait l'objet d'une saisine du Conseil constitutionnel. Les juges doivent donc les appliquer sans pouvoir les déclarer contraires à la Constitution ce qui, d'après le Comité, introduit dans notre système juridique un élément de trouble et peut priver les citoyens de la faculté de faire valoir la plénitude de leurs droits Cela lui est apparu d'autant plus anormal que tout juge de l'ordre judiciaire ou administratif peut, à l'occasion du litige dont il est saisi, écarter l'application d'une disposition législative qu'il estime contraire à une convention internationale. [...]
[...] Il apparaît que l'utilité de la mise en place d'une exception d'inconstitutionnalité peut soulever certaines interrogations et porter à débat mais qu'elle semble néanmoins indispensable à la protection des droits fondamentaux en France (II). Une utilité discutable sur la protection des droits fondamentaux en France La proposition de la mise en place d'une exception d'inconstitutionnalité des lois pour la protection des droits fondamentaux en France fait aujourd'hui unanimité ou presque chez les juristes. Cependant, on peut s'interroger sur les raisons de ce consensus alors que le système actuel , certes à améliorer, est largement protecteur des droits fondamentaux De plus, l'adoption d'une telle réforme n'est pas sans risques à tel point que certains professeurs s'y opposent. [...]
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