Si l'on veut éviter que le juge constitutionnel, qui n'est que le gardien de la constitution, apparaisse comme une instance d'appel des décisions du Parlement qui représente le peuple, il importe que toutes les lois votées par celui-ci ne lui soient pas systématiquement déférées. Or c'est ce à quoi on parviendrait si l'on admettait que tout citoyen peut, en dehors de tout litige, le saisir de n'importe quelle loi. Au surplus, cela risquerait d'entraîner un engorgement rapide de la juridiction constitutionnelle. C'est pourquoi le recours direct des particuliers devant le juge constitutionnel est rarement admis (en tout cas pas en France) (...)
[...] II L'évolution de la hiérarchie des normes sous la 5e République La révolution juridique de 1958 La constitution de 1958 opère (ou tente d'opérer) une véritable révolution juridique. La volonté de renforcer l'Exécutif conduit le Constituant à remettre radicalement en cause la hiérarchie traditionnelle des normes. Pour lui, si le Gouvernement reste en charge de l'exécution des lois, il est beaucoup plus qu'un simple «Exécutif». La protection du domaine réglementaire : La protection du domaine réglementaire contre les empiétements du Parlement est assurée par le Conseil constitutionnel qui est également chargé de déterminer dans les moindres détails de chaque texte dont il est saisi ce qui relève de la loi et ce qui appartient au règlement. [...]
[...] A priori, il n'y a rien, dans la construction de ce droit constitutionnel jurisprudentiel, qui sorte du rôle normal du juge. Et pendant longtemps on a même dû constater de sa part une certaine timidité dans l'application concrète des principes qu'il avait dégagés. Peu soucieux de compromettre une légitimité encore mal assurée, le Conseil, après ses audaces de juillet 1971, fait longtemps preuve d'une grande réserve. Il est remarquable qu'entre 1981 et 1985, il n'ait empêché aucune des grandes réformes voulues par le Gouvernement et la majorité socialistes, et se soit borné à opérer ou à exiger des modifications portant sur des mesures ponctuelles d'application de ces réformes. [...]
[...] Il est déplorable que le projet de réforme de la constitution déposée en ce sens par le Président de la République en 1989 se soit heurté à l'obstruction du Sénat. En dépit des apparences techniques qu'on s'efforce généralement de lui donner, le contrôle de constitutionnalité des lois revêt un caractère inévitablement politique. A moins de renoncer à accomplir pleinement sa mission, l'organe chargé de ce contrôle doit interpréter les dispositions constitutionnelles qu'il a à faire respecter ; et il ne peut le faire que par référence à la philosophie politique qui commande ces dispositions. [...]
[...] Au lieu de cela, le Conseil a donné à ces 2 termes une signification nouvelle, de manière à élargir considérablement le champ d'intervention de la loi. En contrepartie, cependant, il a imposé au Parlement, en tous domaines, le respect d'une certaine marge d'autonomie pour l'Exécutif, de sorte que la distinction entre le domaine où loi fixe les règles» et celui où il ne détermine que «les principes fondamentaux» a pratiquement perdu toute portée. Ainsi d'emblée, par un réaménagement des dispositions des articles 34 et 37 globalement favorable au Parlement, le Conseil constitutionnel a minimisé l'importance de la révolution juridique de 1958 à laquelle il devait sa naissance. [...]
[...] Un projet de réforme constitutionnelle tendant à corriger cette situation a été déposé en 1990, repris en 1993, mais s'est heurté à l'opposition des parlementaires qui voient dans leur quasi monopole de la saisine du Conseil constitutionnel un de leurs privilèges et entendent bien le conserver Enfin, l'Exécutif, pour parer une éventuelle censure du Conseil constitutionnel, a la possibilité de soumettre directement un projet de loi au peuple : les lois référendaires en effet échappent au contrôle de constitutionnalité. En novembre 1988, M. Rocard avait usé de cette possibilité pour régler le conflit de la Nouvelle-Calédonie. Et il est vraisemblable que le refus par le Gouvernement et la majorité parlementaire, lors de la réforme constitutionnelle du 4 août 1995 portant extension du champ d'intervention du référendum, de soumettre les projets de loi référendaire au contrôle préalable du Conseil s'explique par leur volonté de préserver un moyen de contourner le juge constitutionnel. [...]
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