À l'origine, la vie privée fut protégée de façons différentes suivant qu'on l'envisageait menacée par l'État ou les tiers. À l'encontre de l'État, c'est surtout la liberté de l'individu dans sa sphère privée qu'il a fallu protéger. Il fut alors question de liberté individuelle. À l'encontre des tiers, c'est essentiellement une garantie de tranquillité qui fut accordée. C'est un droit au respect qui a été consacré. Or, ces deux problématiques aujourd'hui se croisent et s'enrichissent l'une, l'autre. Leur approche à la fois verticale et horizontale laisse apparaître que la vie privée est bien devenue l'objet d'un droit fondamental : à la fois droit subjectif et liberté.
Faire de la vie privée le siège d'un droit fondamental impliquerait de s'entendre sur sa définition. Or, il est devenu banal d'écrire que toute tentative de délimitation de la vie privée est vouée à l'échec... Il y aurait au moins deux raisons à cela.
La vanité de l'entreprise s'expliquerait d'abord par le fait que « vie privée » et « vie publique » sont indissociables. Le mariage en fournit un exemple évident. Est-ce un acte public ou privé ? La publication des bancs et la vérification des consentements par l'officier d'état civil en font un acte public. Mais, la cérémonie religieuse devrait être un acte privé – on se marie devant Dieu – et, en toute hypothèse, les circonstances qui entourent la célébration devraient pouvoir rester secrètes. Les différents aspects d'un même acte sont donc susceptibles d'analyses contradictoires. Il en va de même s'agissant d'un décès ou de la naissance d'un enfant. Quant aux convictions religieuses relèvent-elles de la vie publique ou de la vie privée ? Et l'exercice d'une profession – voire son absence ? Dans un arrêt important, la Cour européenne a rendu vaines ces interrogations. Elle jugea en effet « ni possible ni nécessaire de chercher à définir de manière exhaustive la notion de "vie privée" », avant d'ajouter : « il serait toutefois trop restrictif de la limiter à un "cercle intime" où chacun peut mener sa vie personnelle à sa guise et d'en écarter entièrement le monde extérieur à ce cercle. Le respect de la vie privée doit aussi englober, dans une certaine mesure, le droit pour l'individu de nouer et développer des relations avec ses semblables ». Cela relativise considérablement la distinction des vies privée et publique ; circonscrire la vie privée est rendu d'autant plus difficile.
[...] ou à l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications Tant de proclamations pour ne rien dire ? Il est certain que l'on pourrait débattre à l'infini des contours de la vie privée. Mais le flou des frontières n'empêche pas la reconnaissance d'un État . Cette incertitude signifie tout au plus qu'une telle approche de la vie privée n'est pas pertinente. Il faut tenter une autre définition. [...]
[...] Ils sont nécessaires l'un à l'autre pour favoriser l'épanouissement de la personne. Ils se renforcent même l'un et l'autre : le secret favorise l'exercice de la liberté. Voilà ce qui donne au droit au respect de la vie privée son caractère fondamental et qui justifie sa reconnaissance dans les plus grands instruments internationaux. Consacré de la sorte, ce droit est opposable aussi bien à l'État qu'aux tiers, personnes physiques ou morales. Il est susceptible non seulement d'une application verticale mais aussi horizontale (II). I. [...]
[...] À titre d'exemple, dans l'affaire Guillot France, la Cour a admis le désagrément causé à des parents empêchés de prénommer leur fille Fleur de Marie mais jugé que cet empêchement n'était pas suffisant pour poser une question de manquement au respect de la vie privée et familiale sous l'angle du paragraphe 1 de l'article 8 27). La garantie accordée n'a donc rien d'absolu . D'ailleurs, le caractère fondamental du droit au respect de la vie privée ne se mesure pas seulement aux obligations d'abstention imposées aux États. [...]
[...] Une telle protection s'impose car, au-delà du domicile ou de la correspondance, c'est la vie privée qui est atteinte. Dans l'affaire Gillow, il a ainsi été jugé que le droit des requérants au respect de leur "domicile", (lequel) relève de leur sécurité et bien-être personnels Et ce droit existe même lorsque la ligne écoutée correspond à un poste professionnel. Même les possibilités de contrôle de la correspondance des détenus ne doivent pas constituer une entrave excessive à leur vie privée. [...]
[...] Débordant la protection de la vie familiale pour celle de la vie privée, ces obligations positives firent ensuite l'objet d'une véritable théorie générale. La Cour de Strasbourg précisa ainsi que pour déterminer si pareilles obligations existent il faut prendre en compte le juste équilibre à ménager entre l'intérêt général et les intérêts de l'individu, l'État jouissant en toute hypothèse d'une marge d'appréciation En conséquence, elle admet l'existence de ce type d'obligations à la charge d'un État lorsqu'elle a constaté la présence d'un lien direct et immédiat entre, d'une part, les mesures demandées par un requérant et, d'autre part, la vie privée et/ou familiale de celui-ci 34). [...]
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