S'inspirant d'exemples étrangers (Allemands et Italiens notamment), les réserves d'interprétation sont apparues dès 1959 pour des règlements des assemblées parlementaires et en 1968 pour les lois parlementaires ordinaires. Elles se sont rapidement étendues aux lois de finances, engagements internationaux, et depuis 1987 aux lois organiques. C'est une pratique qui a connu un développement fulgurant pendant les années 1980 et qui existe aujourd'hui dans la quasi-totalité des cas d'examen des textes par le Conseil constitutionnel.
Le Conseil a une liberté totale concernant les réserves émises, il dispose donc d'un large pouvoir puisque « le choix de la réserve peut être la conséquence d'une volonté de censurer ou au contraire de préserver le travail du législateur ». En façonnant la constitutionnalité d'une loi, le juge constitutionnel fait non seulement un travail juridique, mais aussi politique : le juge « devient lui-même législateur, avec en plus le privilège de n'être contrôlé par personne ».
Si le but de ces réserves est bien de compléter et d'approfondir le travail de contrôle de constitutionnalité, donc de protection de l'État de droit, on peut s'interroger sur la légitimité du juge constitutionnel à se placer en tant que législateur « bis ».
Pour mieux comprendre ce mécanisme, il est important d'appréhender les raisons pour lesquelles les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel se sont imposées dans sa jurisprudence et de comprendre quels en sont les effets juridiques, tant du point de vue de son autorité que de sa légitimité.
[...] Les réserves d'interprétation du Conseil constitutionnel Introduction Le Conseil Constitutionnel a pour mission majeure de contrôler la Constitutionnalité des lois. Après saisine, il dispose d'un mois pour rendre ses décisions types de décisions[1]: Décisions de qualification ou déqualification (Constitution, art 37 alinéas pour les textes de formes législatives que le gouvernement veut voir reconnaître comme des règlements. Décisions d'invalidation totale ou partielle. Les décisions d'invalidation totale sont rares. Conséquence : non-promulgation de la loi. Dans le cas où les dispositions d'une loi sont séparables, le Conseil peut prononcer la validité de certaines dispositions et pas d'autres. [...]
[...] Les deux vont donc volontairement donner plein effets à la jurisprudence constitutionnelle et aux réserves d'interprétation qu'elle peut contenir (même si cet obéissance a connu quelques développements houleux).[21] Juges administratifs : Le Conseil d'État a entériné le respect des réserves d'interprétation dans l'arrêt La Cinq mars 1994, en citant le 38è considérant de la décision du Conseil Constitutionnel. Les Tribunaux et Cours d'appel administratifs respectent aussi les réserves d'interprétation du Conseil Constitutionnel. C'est un énorme gain en légitimité pour le Conseil puisque deux tiers des décisions qu'il émet concernent le droit public.[22] Juges judiciaires: Le juge judiciaire respecte ces réserves mais de manière moins tranchée. [...]
[...] Les réserves ne sont pas admissibles au regard des règles du droit international codifiées par la convention de Vienne. Mais le Conseil Constitutionnel dispose toujours d'une marge de manoeuvre sur les lois de ratification ou d'approbation des traités, les assortissant de réserves susceptibles de réagir sur l'interprétation du traité ou de l'accord sur les organes de l'Etat.[25] Le Conseil par ailleurs, réservé l'hypothèse où les dispositions communautaires en cause seraient contraires à une règle ou à un principe inhérent à l'identité constitutionnelle de la France par exemple, le principe de laïcité. [...]
[...] interprétation neutralisante : annule certaines dispositions de la loi, en affirmant qu'elles n'ont pas la signification qui semble découler de la loi ou qu'elles n'ont pas d'effet juridique exemple: décision n°93-325 DC 12-13 août 1993, Maîtrise de l'immigration, Considérant n°104 : il s'agit d'une interprétation neutralisante[4]. Le Conseil annule le pouvoir du législateur de subordonner le fait de quitter le territoire français à une autorisation préalable. interprétation directive: indique l'interprétation à faire de la loi pour que celle-ci soit constitutionnelle. S'adresse: - aux autorités judiciaires et administratives - voire au législateur tenu de la compléter exemple: décision n°86-207 DC des 25-26 juin 1986, Privatisations considérant n°61. Réserve explicite. [...]
[...] Les réserves d'interprétation sont donc, si elles sont respectées, le seul moyen de s'assurer de l'application de la loi dans le respect de la Constitution. Récemment, le Conseil Constitutionnel a clairement réaffirmé qu'il lui revenait d'interpréter, et donc d'orienter l'interprétation des autorités administratives et judiciaires dans sa décision n°2001-455DC du 12 janvier 2002 : Il revient au Conseil Constitutionnel de procéder à l'interprétation des dispositions d'une loi qui lui est déférée dans la mesure où cette interprétation est nécessaire à l'appréciation de sa constitutionnalité; il revient aux autorités administratives et juridictionnelles compétentes d'appliquer la loi, le cas échéant, sous les réserves que le Conseil Constitutionnel a pu être conduit à formuler pour en admettre la conformité à la Constitution La Cour constitutionnelle italienne et le Tribunal constitutionnel allemand, eux, disposent d'un moyen de contrôle a posteriori à travers le mécanisme de question préjudicielle de constitutionnalité. [...]
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