Justice constitutionnelle et démocratie : vers l'émergence d'une démocratie constitutionnelle

Extraits

[...] Son antériorité ne devrait pas justifier qu'elle soit écartée devant une loi postérieure contraire, dans la mesure où elle bénéficie d'une majesté nettement supérieure. Si l'on estime réellement que la Constitution est devenue un obstacle à la volonté du peuple, il convient de la modifier en suivant la procédure de révision, qui offre toutes les garanties quant à la réalité de la volonté du peuple, plutôt que de l'ignorer. Quant au caractère juridique de la portée de la Constitution, le courant néopositiviste du constitutionnalisme contemporain a développé sur ce point une argumentation fouillée. [...]

[...] Cette construction plus complexe a été tentée par Marcel GAUCHET, et développée par Dominique ROUSSEAU sous le nom de  démocratie continue  . Elle repose toujours sur un dédoublement, un dualisme, mais qui touche, non plus la démocratie, mais le peuple lui-même. Le Souverain est le peuple, mais un peuple  transcendant  ,  perpétuel  , qui perdure dans le temps, et dont le peuple composé à un moment M de citoyens lambda n'est qu'une manifestation transitoire, actuelle. Le peuple actuel se manifeste en exerçant le pouvoir législatif par la voie de ses représentants, mais le peuple perpétuel, lui, se manifeste par l'exercice du pouvoir constituant - même si sa volonté n'est jamais exprimée directement. [...]

[...] Tout l'édifice normatif s'appuie donc sur la loi souveraine, et elle seule. En appliquant ce raisonnement jusqu'à son terme, permettre à une institution quelconque de contrôler la conformité de la loi votée par le Parlement à la Constitution, revient à lui permettre de censurer la volonté générale exprimée par le Peuple par l'intermédiaire de ses représentants élus. Cette possibilité sera rejetée en France tout au long du XIX° siècle, et pendant une partie du XX° siècle, comme antidémocratique  Cela revient à dire, si l'on pousse ce raisonnement à son terme, que le Peuple peut tout faire, y compris violer la Constitution . [...]

[...] C'est en effet l'apparente incompatibilité de ces notions avec la démocratie entendue de manière classique qui a conduit à cette tentative d'intégration de l'État de droit dans un nouveau concept de démocratie. Une première tentative de conciliation vient des défenseurs de l'idéologie de l'État de droit, pour lesquels le principe démocratique ne doit pas être assimilé au principe majoritaire. Pour eux, la  volonté du peuple  n'est assimilable, ni à la volonté de la majorité parlementaire, ni même à celle de la majorité du peuple. [...]

[...] On explique ainsi souvent que si, au cours des dernières années, la revendication du respect de l'État de droit, au travers de celui des droits de l'homme, s'est souvent ajoutée, sinon substituée à celle de la démocratie, c'est que les peuples se sont rendu compte que la démocratie pouvait rester une simple invocation, dépourvue de tout contenu réel, tant que l'action des gouvernants ne peut être soumise à aucun contrôle. La justice constitutionnelle, comme nouvelle manifestation de l'État de droit, apparaît alors comme l'expression suprême de l'idéal démocratique. L'émergence d'une  démocratie constitutionnelle   ? [...]