Le 30 juillet 2010, le Conseil Constitutionnel a décidé d'abroger les dispositions législatives relatives à la garde à vue du Code de procédure pénale pour contrariété avec les droits de la défense. Deux mois auparavant, il en avait fait de même concernant la cristallisation des pensions militaires. Ces décisions traduisent la montée en puissance de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Cette question prioritaire de constitutionnalité tient son nom de la loi organique du 10 décembre 2009. Introduite dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008, cette nouvelle procédure est entrée en vigueur le 1er mars 2010. Elle permet à un justiciable de contester la conformité d'une loi à la Constitution devant les juridictions. De là, elle entraîne un contrôle de constitutionnalité des lois françaises a postériori dans le but de mieux garantir les droits fondamentaux.
Ces derniers s'entendent comme les droits et les libertés protégés constitutionnellement et internationalement. Ces droits fondamentaux ne doivent pas être confondus avec les libertés publiques. En effet, ce sont deux notions différentes que le Professeur François Terré oppose véritablement. Selon lui, les libertés publiques sont des libertés seulement protégées contre l'exécutif, alors que les droits fondamentaux le sont aussi contre le législatif. De plus, grâce à leurs garanties constitutionnelles et internationales, les droits fondamentaux sont protégés par le juge constitutionnel et international. A l'inverse, les libertés publiques sont garanties par la loi et donc uniquement protégées par les juges ordinaires.
Ainsi, seuls les droits fondamentaux peuvent faire l'objet d'une QPC au vu de l'article 61-1 de la Constitution (...)
[...] L'Allemagne et l'Espagne ont ainsi permis aux justiciables de saisir directement leur Cour constitutionnelle afin de faire constater la violation des droits fondamentaux. Cependant, de nombreux pays européens ont choisi de mettre en place un mécanisme de filtrage par les juges ordinaires. Seules l'Autriche et la France ont instauré un mécanisme de renvoi au juge constitutionnel par les seules juridictions suprêmes. Cette mise en place d'une telle procédure n'est donc pas spécifique à la France. La France a adopté une telle procédure dans l'objectif d'accroître la garantie des droits fondamentaux. [...]
[...] La disposition contestée doit être applicable soit au litige soit à la procédure ou doit constituer le fondement des poursuites. De surcroît, la disposition doit ne jamais avoir été déclarée conforme à la Constitution. Enfin, elle doit revêtir un caractère sérieux ou nouveau. Ce n'est que suite au renvoi de la QPC par les juges ordinaires que le Conseil d'Etat et la Cour de cassation pourront exercer leur rôle de filtre : c'est pourquoi on parle de double filtrage Ils examineront alors à leur tour ces conditions et décideront de transmettre ou non la QPC au Conseil constitutionnel. [...]
[...] La Cour de cassation atténue ainsi son rôle dans la protection des droits fondamentaux. De plus, la Cour de cassation privilégie parfois encore le contrôle de conventionnalité. Ce contrôle lui permet de rester souveraine de ses décisions puisqu'elle peut dans ce cas interpréter sans être sous la tutelle des interprétations du Conseil constitutionnel. De ce fait, dans trois arrêts du 19 octobre 2010, la Cour de cassation a déclaré la garde à vue illégale non pas au regard de la décision du Conseil Constitutionnel du 30 juillet 2010, mais en se fondant sur les textes européens. [...]
[...] La question prioritaire de constitutionnalité présente aussi des limites. II. Un apport en matière de protection des droits fondamentaux doublement menacé : La question prioritaire de constitutionnalité semble jouer un rôle limité dans la protection des droits fondamentaux tant au regard de l'exception d'inconventionnalité déjà existante qu'au regard du mécanisme des filtres qu'elle met en place A.Une plus-value limitée au regard de l'exception d'inconventionnalité : La QPC paraît avoir un effet limité au regard du contrôle de conventionnalité qui a largement contribué à garantir les droits fondamentaux. [...]
[...] Les modes de saisine du Conseil constitutionnel étaient restreints. De ce fait, la majeure partie des lois promulguées depuis 1958 n'avait pas été soumises à un contrôle de constitutionnalité comme la loi Gayssot de 1990 sur l'interdiction des propos négationnistes, ou encore la réforme du Code pénal et du Code de procédure pénale, qui étaient pourtant des textes fondamentaux touchant aux droits et libertés. Face à ce manque de contrôle a priori, la QPC a démontré toute son utilité avec la décision QPC du 30 juillet 2010 relative aux dispositions de la garde à vue. [...]
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