Commentaire de décision, question prioritaire de constitutionnalité, 9 octobre 2014, garde à vue, juges constitutionnels, droits de l'Homme, prolongation exceptionnelle de la garde à vue, inconstitutionnalité, droit conventionnel
Le régime français de garde à vue a récemment été abrogé par le Conseil constitutionnel, car trop attentatoire aux droits de la défense garantis tant au niveau national qu'au niveau européen. Pour autant, malgré la réforme opérée par le législateur, certaines dispositions semblent encore poser problème, comme le montre la décision n° 2014-420/421 rendue par le Conseil constitutionnel le 9 octobre 2014.
[...] Elle avait condamné la Turquie en 2008 et 2009, en affirmant le droit à l'assistance effective par un avocat à tout moment de la procédure. Suite à cela, le Conseil constitutionnel a abrogé le régime de garde à vue en 2010. La mise en exergue des droits de la défense par la Cour est donc reportée au niveau national par les juges constitutionnels. Ce n'est pas seulement la complexité de l'affaire qui va justifier la mise en œuvre d'un régime dérogatoire, mais aussi sa gravité, son atteinte aux valeurs protégées. [...]
[...] Pour autant le Conseil constitutionnel n'a pas remis en cause cet article, puisqu'il considère qu'il n'y a pas lieu à statuer sur la question prioritaire de constitutionnalité portant sur celui-ci. Les juges constitutionnels estiment donc que la mesure exceptionnelle de garde à vue prévue à l'article 706-88 du Code de procédure pénale est conforme à la Constitution. Toutefois, il en est différemment pour le paragraphe 8 bis de l'article 706-73 du même Code. II L'inconstitutionnalité de la disposition législative visée En censurant le paragraphe 8 bis de l'article 706-73 du Code de procédure pénale, le Conseil constitutionnel a affirmé que le délit d'escroquerie ne pouvait pas faire l'objet d'un tel prolongement de garde à vue laissant deviner une certaine influence du droit européen A Une dérogation disproportionnée au regard de l'infraction en cause L'article 706-73 du Code de procédure pénale prévoit une liste des crimes et délits auxquels peut être appliqué le régime prévu à l'article 706-88. [...]
[...] C'est d'ailleurs à ce propos que la Cour EDH avait condamné la France, condamnation qui avait conduit à l'abrogation de l'ancien régime de garde à vue par le Conseil. Néanmoins, la loi Perben II du 9 mars 2004 est venue instaurer une procédure particulière en matière de criminalité organisée, consacrée à l'article 706-88 du Code de procédure pénale. Ce dernier permet, outre une nouvelle prolongation de la garde à vue, que l'intervention de l'avocat soit différée L'atteinte aux droits de l'Homme se voit alors considérablement amplifiée, ce pour quoi cette procédure est exceptionnelle et rigoureusement contrôlée par le Conseil constitutionnel. [...]
[...] Il s'agit cependant de notions relativement abstraites, laissant de nouveau craindre un certain arbitraire des juges quant à l'appréciation de ces critères de gravité. Ceci étant, avant de poser ces conditions, le Conseil constitutionnel a rappelé la définition du délit d'escroquerie, précisant qu'il s'agissait d'un délit contre les biens. Il apparaît alors évident que cette infraction ne porte pas atteinte à la sécurité, la dignité ou à la vie des personnes, et ce même s'il est commis en bande organisée Il considère alors que le législateur a permis qu'il soit porté [ ] une atteinte qui ne peut être regardée comme proportionnée au but poursuivi Finalement les juges du Conseil assurent un contrôle de proportionnalité entre la gravité de l'infraction commise et la nécessité du régime exceptionnel de garde à vue, soit d'une lourde atteinte aux libertés individuelles. [...]
[...] Dès lors le Conseil constitutionnel considère que cette atteinte doit être proportionnée au but poursuivi ce dernier étant la bonne cohésion sociale. L'atteinte provoquée par l'infraction doit être moindre que celle occasionnée par le régime exceptionnel de garde à vue. Toutefois cette influence a des limites. En effet si le droit à l'assistance d'un avocat pendant la garde à vue a été affirmé en droit interne, il est possible de douter de son effectivité en raison du défaut d'accès au dossier pour l'avocat. Sur ce point, le Conseil constitutionnel a précisé qu'il maintenait sa position en 2011. [...]
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