Etat de droit, juge constitutionnel, droits fondamentaux, Thomas Jefferson, démocratie libérale, rule of law
Cette lettre, publiée au sein d'une compilation de 1859 des missives de Jefferson, montre toute l'ampleur du débat au sein d'une démocratie libérale encore en formation, comme les États-Unis d'Amérique au temps de Jefferson. Le droit constitutionnel est, de fait, traversé par cette tension ontologique. Dès lors, dans quelle mesure le droit constitutionnel se penche-t-il effectivement sur cette tension et fait oeuvre de solutions juridiques pratiques (quoique parfois perçues comme limitées) pour en atténuer les effets et limiter l'empiètement de cette excroissance judiciaire sur le pouvoir exécutif ?
[...] La tension entre droits fondamentaux et principe démocratique L'interrogation de T. Jefferson pose en creux la légitimité de l'action des juges dans le contexte du principe démocratique : ce dernier peut-il enfreindre (ou peut-il servir de base légitime) à l'infraction ou l'empiètement des droits fondamentaux ? C'est au nom de cette interrogation que de l'État minimal, les démocraties libérales ont considéré qu'elles devaient infléchir leur position vers un « État social constitutionnel plus évolué et complexe » ou, autrement dit, un État redistributeur et, sur le plan constitutionnel, volontariste : l'État de droit « providence ». [...]
[...] Si leur inamovibilité « à vie » est la garantie de l'indépendance de la justice, elle est aussi la garantie de l'exceptionnelle dangerosité de son pouvoir si les juges se retournent contre le principe démocratique lui-même. Jefferson aperçoit ce qui, à la fin du XVIII[e] siècle, ne pouvait sembler encore qu'une crainte déraisonnée dans le contexte américain, mais qui offre pourtant une clairvoyance sincère quant à l'évolution du droit constitutionnel lui-même. En effet, « le fossé se creuse entre les intentions et leurs traductions juridiques » et « l'État de droit relève du slogan [remplissant] sa fonction de légitimation » au détriment d'un véritable État de droit limité sur ses fonctions premières, telles que Locke avait pu les établir. [...]
[...] Jefferson demeure tout à fait pertinente. Jefferson pose non seulement le problème de l'intégrité structurelle des juges mais celui de leur nomination à vie dans le cadre du système constitutionnel américain L'intégrité structurelle des juges constitutionnels « Nos juges sont aussi honnêtes que les autres hommes, et pas davantage » : c'est ce que Jefferson fait remarquer à Jarvis. Assurément, Jefferson n'envisage pas l'intégrité d'un point de vue purement individuelle : les juges peuvent être honnêtes et intègres à leur échelle, mais ils peuvent baigner dans un contexte, une représentation du monde, une Weltanschuung juridique qui les empêche de voir par-delà leur propre conception idéologique de la justice. [...]
[...] Cette lettre, publiée au sein d'une compilation de 1859 des missives de Jefferson, montre toute l'ampleur du débat au sein d'une démocratie libérale encore en formation, comme les États-Unis d'Amérique au temps de Jefferson. Le droit constitutionnel est, de fait, traversé par cette tension ontologique. Dès lors, dans quelle mesure le droit constitutionnel se penche-t-il effectivement sur cette tension et fait œuvre de solutions juridiques pratiques (quoique parfois perçues comme limitées) pour en atténuer les effets et limiter l'empiètement de cette excroissance judiciaire sur le pouvoir exécutif ? [...]
[...] Historiquement tout du moins, « l'État de droit naît ( . ) comme État libéral pour la reconnaissance des droits de liberté classiques » hérités de la théorie constitutionnelle de Locke, par exemple, dans ses Traités du gouvernement civil de 1690. En ce sens, Thomas Jefferson se place dans cette conception minimaliste de l'État et de ses devoirs : respecter les libertés négatives des individus, soit les libertés et les droits nécessitant que l'État n'intervienne pas dans la sphère de mobilité naturelle des individus. [...]
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