Contribution à la théorie générale de l'État - Raymond Carré de Malberg (1920) - La définition de l'État

Extraits

[...] » C'est en effet sur cet espace que l'autorité publique va pouvoir agir, et ainsi organiser la population sur un endroit donné. Mais en plus de ça, cela va permettre de distinguer les différents États par leurs frontières, et ainsi cerner à chacun la délimitation d'exercice de leur pouvoir. Le territoire de l'État n'est en effet pas qu'un espace matériel, mais c'est surtout un espace d'indépendance et de domination, où il n'est pas seulement question de puissance étatique mais de souveraineté territoriale pour reprendre la terminologie française, comme l'énonce Carré de Malberg. [...]

[...] Le territoire est donc nécessaire à la nation qui, grâce à lui, « possède une surface de sol sur laquelle elle puisse s'affirmer comme maîtresse d'elle-même et indépendante ». Le territoire, « la sphère de puissance de l'État » « L'État n'a pas sur son sol une propriété, mais seulement une puissance de domination à laquelle on donne habituellement dans la terminologie française le nom de souveraineté territoriale. » Carré de Malberg, en affirmant cela, envisage le territoire comme la condition d'exercice de la puissance étatique mais aussi comme un espace de domination. [...]

[...] C'est-à-dire, comme l'écrit Carré de Malberg « un certain nombre d'hommes ». Mais cet élément ne peut se limiter à un simple groupe. Ces individus vont alors interagir, cohabiter et ainsi s'unir pour finalement créer des « groupes étatiques » qui vont se distinguer les uns des autres. En effet, Carré de Malberg insiste sur le fait « qu'à l'origine les individus n'ont vécu que par petits groupes sociaux, famille, tribus, gens, isolés les uns des autres ». De fait, chaque personne et chaque groupe vit avec ses intérêts personnels, qui peuvent être différents de chacun. [...]

[...] Cette interrogation de Raymond Carré de Malberg présente l'idée générale de sa doctrine sur la définition de l'État. Ce juriste et professeur français du XX[e] siècle a énormément contribué au droit constitutionnel et à la théorie de l'État, objet de controverses doctrinales. C'est principalement dans son ouvrage Contribution à la théorie de l'État, qui est divisé en trois parties, que l'on retrouve son approche de l'État. La première partie est consacrée aux éléments constitutifs, au sens général du terme, la deuxième aux fonctions de l'État, enfin la troisième est dédiée aux organes. [...]

[...] Pour obtenir une définition juridique de l'État, il convient en effet d'aller au-delà et de se détacher des simples faits. Autrement dit, selon Carré de Malberg, la définition in concreto est insuffisante et il convient de la renforcer par la définition juridique in abstracto de l'État. À cette fin, Raymond Carré de Malberg envisage la puissance étatique comme indispensable à la définition de l'État. Il appuie ses propos en présentant la puissance de l'État comme étant nécessaire à l'affirmation et à l'organisation de l'unité nationale mais aussi comme puissance exercée sur un espace de domination (II). [...]