La “Cour suprême” de type américain est une cour placée au sommet d'un édifice juridictionnel unique et exrçant une autorité définitive sur l'ensemble de cet édifice avec les compétences à la fois d'une Cour de cassation, d'un Conseil d'Etat et d'un juge constitutionnel .
A la différence des cours suprêmes qui sont généralistes, les cours constitutionnels sont des juridictions spécialisées: créées pour connaître spécialement et exclusivement du contentieux constitutionnel, elles ont été, en quelque sorte, façonnées sur mesure afin de remplir cette fonction de la manière la plus adéquate.
Il en résulte que leur composition et le mode de recrutement de leurs membres, la procédure suivie devant elles, les effets de leur décisions, l'étendue de leurs pouvoir de contrôle et de prescription ont une originalité certaine. Les Cours constitutionnels n'empruntent pas leur personnel aux tribunaux. En fait, elles ne sont pas composées de magistrats arrivés en fin de carrière par promotion successives, mais de juges désignés par des autorités politiques en considération de leur sensibilités ou sympathies politiques.
Ce mode de désignation contribue à établir la légitimité des juges constitutionnels face aux pouvoirs politiques qu'ils contrôlent: les contrôlés ne peuvent accepter le contrôle que s'ils ont le sentiment qu'ils ont participé à la désignation des contrôleurs. Enfin, les cours constitutionnels ont un statut constitutionnel car elles doivent être à l'abri des possibles représailles des pouvoirs publics qu'elles assujettissent au respect de la Constitution.
Cours suprêmes et Cours constitutionnels constituent deux variétés de juridictions constitutionnelles et ont donc des traits communs, mais on ne doit en aucun cas les confondre car comme le déclare le professeur Llorente: “le fait demeure que les cours constitutionnelles ne sont pas des cours suprêmes ”.
Ce texte de Georges Courtois relance ce débat sur la nature et par conséquent permet de faire le point sur cette question. Si cette question se pose c'est parce que les relations entre la tradition juridique française et le juge constitutionnel ont toujours été ambigue.
La source de ce malaise entre la tradition juridique française et le juge constitutionnel prend sa source dans la peur du gouvernement des juges et dans le fait que le conseil dispose d'une véritable faculté d'empêcher. L'ensemble majoritaire que constituent le gouvernement et la majorité qui le constituent à l'assemblée nationale ne peut aller contre une décision d'inconstitutionnalité du Conseil. Cette capacité de pouvoir dire non au pouvoir politique est la source de tous les procès en illégitimité fait au conseil constitutionnel .
L'idée même d'un contrôle de constitutionnalité a longtemps suscité la méfiance, on peut affirmer à l'instar du professeur Louis Favoreu qu'il a été: « très mal accueilli tant par la classe politique française que par la doctrine .» Fort heureusement, les rédacteurs de la constitution du 4 octobre 1958 ont su (involontairement) dépasser cette longue tradition française d'hostilité à l'égard du contrôle de constitutionnalité.
Originellement conçu dans le but d'instituer un mécanisme qui puisse empêcher le Parlement de sortir du cadre de ses attributions constitutionnelles, le Conseil constitutionnel est peu à peu sorti de cette conception “minimaliste” et à pris progressivement une place importante dans le système politique et juridique français.
Comment le Conseil constitutionnel a t-il pu s'affranchir de la volonté des constituants de le cantonner dans un rôle de régulation des pouvoirs publics? Son évolution est-elle terminé, et si tel n'est pas le cas jusqu'où peut-elle aller?
« Celui qui voudra s'en tenir au présent, à l'actuel ne comprendra pas l'actuel » , et c'est justement à l'étude des racines du conseil constitutionnel dans le but de nous projeter vers son avenir que nous convie « Haro sur le Conseil constitutionnel » de Georges Courtois.
Les débuts du Conseil constitutionnel furent difficiles en raison de la limitation originelle voulue par le Constituant (I), ce qui ne l'a pas empêché de s'affranchir ultérieurement de cette limitation et de connaître une montée en puissance (II) qui ne cesse de s'affirmer et dont le Conseil aura bien besoin s'il veut faire face à de nouveaux défis.
[...] Le 17 janvier, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi relative à la Corse. Il censuré le titre IV de l'article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales dans la rédaction que lui donnait l'article 1er de la loi déférée. Celle-ci permettait en effet au Parlement de déléguer le pouvoir législatif dans un cas non prévu par la Constitution. L'importance politique[7] de ces deux lois pour le gouvernement socialiste et le traitement que le Conseil leur a réservé, a eu pour conséquence de déchaîner les critiques à l'endroit de ce dernier. [...]
[...] Pour le général de Gaulle, les institutions ne peuvent revendiquer une authentique légitimité démocratique que si et seulement si,elles reposent sur la volonté populaire (le peuple est véritablement l'organe de l'Etat dont la volonté est la source des principales décisions politiques;). Par conséquent il était donc inconcevable qu'un organe qui ne bénéficiait pas de la légitimité populaire puisse contrôler la constitutionnalité d'une loi[28]. Lors des différentes étapes de l'examen du projet constitutionnel[29], le principe de l'institution d'un conseil constitutionnel n'a jamais été véritablement discuté. [...]
[...] En 2002, pour des raisons politiques et juridiques le Conseil constitutionnel est sur la sellette. Politiquement d'abord, en raison de la proximité de l'élection présidentielle qui, de par son importance, place souvent le Conseil dans une situation délicate ce qui conduit à l'exposer aux critiques des gouvernants et des gouvernés pour des raisons qui tiennent souvent plus du fantasme que de la réalité. Juridiquement ensuite, parce qu'en 2002 le conseil a eu à exercer son contrôle sur deux lois d'une importance capitale: la loi de modernisation sociale et la loi relative à la Corse 12 janvier, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur la loi de modernisation sociale. [...]
[...] A partir de 1971, il s'engage principalement dans la voie d'un contrôle interne, c'est à dire d'un contrôle portant sur le fond, sur le contenu même de la loi. Le 16 juillet 1971, il s'est enfin trouvé un juge pour affirmer que la loi elle-même pouvait être liberticide et pour la déclarer non conforme à la Constitution. Ainsi que l'a si poétiquement affirmé le professeur Turpin: Comme le Prince charmant du conte, le Conseil constitutionnel a donc en quelque sorte réveillé cette belle la déclaration qui sommeillait depuis deux siècles et lui a redonné vie et vigueur Le deuxième temps fort de cette décision constitue en la résurrection des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République. [...]
[...] Ce syllogisme traditionnel du parlementarisme français faisait percevoir toute idée de contrôle de la constitutionnalité des lois (et donc par conséquent toute idée de création d'un organe chargé d'une telle mission) effectué par un organe hors que le Parlement lui-même, comme un exotisme propre à des pays au développement démocratique incertain au point que l'on a pendant longtemps parlé du légicentrisme parlementaire français. Comme son nom l'indique, le Conseil constitutionnel n'a pas été conçu pour être une cour. Le général de Gaulle, mais aussi René Cassin l'un des inspirateurs de la Constitution de 1958, étaient opposés à la création d'une cour constitutionnelle en France. De Gaulle estimait qu'en France, La cour suprême, c'est le peuple. [...]
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