En l'espèce, un homme originaire d'un pays étranger a servi dans une formation régulière de l'armée française en temps de guerre dans ce pays. Il a donc acquis la nationalité française durant cette période. A ce titre, il demande que cette nationalité lui soit conservée.
Dans cette perspective, il décide donc d'engager une procédure en justice. Après que les premiers juges l'aient débouté de sa demande, la Cour d'Appel fait de même par un arrêt confirmatif datant du 28 novembre 1996. Il décide dès lors de former un pourvoi en cassation.
Pour effectuer ce pourvoi, le demandeur réunit deux moyens principaux comportant diverses branches. Dans un premier temps, il fait grief à l'arrêt de la Cour d'Appel d'avoir fait une fausse application de l'article 78 du Code de la nationalité française. Mais surtout, dans un second temps, il reproche à l'arrêt d'avoir appliqué l'article 43 de la loi du 22 juillet 1993 alors que cette loi intervenait en cours de procédure. Par là même, il invoque l'article 2 du Code Civil qui énonce que la loi n'a point d'effet rétroactif, la notion de procès équitable exposée à l'article 6§1 de la Convention européenne des Droits de l'Homme mais aussi la répartition des pouvoirs législatifs et judiciaires prévus par la Constitution. Enfin, le demandeur met en avant le fait que la Cour d'Appel aurait méconnu le principe de non-discrimination établi par le Pacte de New York du 19 décembre 1966 ce qui constituerait une violation de l'article 64 de la Constitution.
Ainsi, la Cour de cassation a dû répondre à la question suivante : en cours de procédure, l'intervention du législateur concernant un article issu d'une loi (codifiée antérieurement) et invoqué par un des partis, doit-elle faire l'objet d'une application immédiate ?
Les juges répondent à cette question de manière affirmative puisqu'ils considèrent que le législateur « n'est pas lié par l'article 2 du Code Civil » et n'a pas dépassé le cadre de sa « fonction normative » en modifiant une jurisprudence uniquement.
Il est donc clair que pour les Hauts juges, intervention du législateur et dénouement judiciaire restent indépendants dans ce type de situation (I). Néanmoins nous verrons que le dénouement judiciaire est pourtant affecté de façon évidente (II).
[...] C'est donc de cette façon que les juges de la Cour de cassation ont estimé que la Cour d'appel a exactement fait application de l'article 43 de la loi du 22 juillet 1993 et qu'elle l'a donc fait à bon droit. B. L'espace de liberté des juges souverains assuré par une modification de jurisprudence En exprimant le fait qu'il faut faire une nette distinction entre d'une part le législateur qui au moyen d'une loi modifie la disposition d'un article codifié et d'autre part, la justice et ses administrateurs qui restent libres dans l'exercice de leur fonction, la Cour de cassation induit alors le fait que le but du législateur est un critère suffisant pour juger de l'influence de cette nouvelle disposition sur un procès. [...]
[...] Par là même, le principe de sécurité juridique assuré par la non-rétroactivité des lois se voit remis en question. De plus, cela peut paraître étonnant puisque ce principe est largement illustré par la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, reconnu en droit européen par la notion de droit à un procès équitable consacré par l'article de la Convention européenne des Droits de l'Homme. B. Une situation reflétant le problème de la rétroactivité des revirements de jurisprudence Tout d'abord, rappelons que si les juges relèvent que l'intervention du législateur n'a pas eu pour but d'influer sur le dénouement judiciaire du litige c'est pourtant l'effet que cela a produit puisqu'ils fondent leur décision sur l'application de l'article 43 de la loi du 22 juillet 1993. [...]
[...] Cependant, reste que l'on ne peut exclure l'importance des lois, d'autant plus du point de vue des juges de la Cour de cassation, juges du respect des règles de droit. A fortiori s'il s'agit d'une loi comportant un article dit interprétatif II. Un dénouement judiciaire pourtant affecté En s'appuyant sur une définition pour le moins approximative de la notion de loi interprétative, la sécurité juridique promise dans les textes aux citoyens semble être ici remise en question Par ailleurs, la prise en compte d'une modification de jurisprudence nous conduite à nous poser ici la question d'un parallélisme avec les problèmes liés à la rétroactivité des revirements de jurisprudence A. [...]
[...] Cour de cassation, chambre civile - 22 février 2000 Cet arrêt de rejet rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 22 février 2000 est relatif au rôle du législateur dans l'administration de la justice. En l'espèce, un homme originaire d'un pays étranger a servi dans une formation régulière de l'armée française en temps de guerre dans ce pays. Il a donc acquis la nationalité française durant cette période. A ce titre, il demande que cette nationalité lui soit conservée. [...]
[...] Or, si la loi ou du moins une des dispositions est prise en compte comme simple modification de jurisprudence les juges peuvent alors souverainement décider de suivre la logique induite par le législateur comme il choisirait de ne pas contredire une décision des juges de la Cour de cassation antérieure. Ainsi, on peut se demander si cette prise en compte du rôle du législateur au motif d'un caractère interprétatif d'un article pourtant peu certain ne reviendrait pas à conférer au législateur une place au sein de la fonction judiciaire de l'Etat pourtant non prévue par la Constitution, et ce de façon très implicite. [...]
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