Pierre angulaire du droit processuel, l'autorité de la chose jugée est régulièrement au cœur des luttes procédurales. L'arrêt rendu en formation plénière le 13 mars 2009 nous en offre une nouvelle illustration. En l'espèce, sur assignation délivrée par un bailleur à une société locataire, un tribunal d'instance avait par jugement du 19 décembre 1995 dit la société locataire mal fondée en toutes ses exceptions, constaté l'acquisition de la clause résolutoire au profit du bailleur, condamné la défenderesse au paiement d'une certaine somme au titre des loyers impayés et ordonné l'expulsion de la société. Quelques années plus tard, le représentant de la société locataire, venant au droit de cette dernière, assigna à son tour le bailleur en résiliation du bail pour inexécution des engagements de ce dernier, et en paiement de divers sommes destinées à venir en compensation avec les sommes mises à sa charge par le jugement de 1995.
Toute la question était de savoir si les prétentions que le demandeur cherchait à faire juger étaient ou non identiques à celles qu'il avait présentées à titre reconventionnel en 1995. Plus précisément l'Assemblée plénière était saisie d'une double question : d'une part l'autorité de la chose jugée est-elle attachée au seul dispositif du jugement ? Dans l'affirmative le juge peut-il interpréter le dispositif à l'aune des motifs ?
[...] 2ème 10 juillet 2003). Mais, il a pu être considéré que si l'autorité de la chose jugée s'attache seulement au dispositif et non aux motifs, elle s'étendait à ce qui est implicitement compris dans le dispositif (Cass. Civ. 2ème 22 mai 1995, Cass. Civ. 3ème 22 janvier 2003). En tout état de cause, la formulation du chapeau de l'arrêt soumis à commentaire ne semble pas vouloir ouvrir la moindre brèche permettant d'interpréter le dispositif. [...]
[...] Dans cette hypothèse, les motifs n'ont pas alors en eux-mêmes autorité, mais contribuent à la détermination de la chose jugée du litige. Pourtant, l'Assemblée Plénière ne semble laisser aucune place à une interprétation du dispositif, rompant ainsi avec cette méthode d'interprétation. De même, la prise en compte de l'implicitement jugée aurait permis à la Cour de cassation d'interpréter la formule toutes ses exceptions En effet, il s'agit dans cette hypothèse non d'accorder autorité aux motifs de la décision, mais de rechercher dans le dispositif ce qui est virtuellement compris, afin d'étendre l'autorité de la chose jugée à toutes les questions nécessairement engagées dans le litige. [...]
[...] L'interprétation n'a pas sa place s'agissant de l'autorité de la chose jugée. La solution présentement consacrée est extrêmement rigoureuse Une solution rigoureuse de l'assemblée plénière La solution retenue par l'arrêt du 13 mars 2009 est d'une sévérité exemplaire à l'égard du juge mais aussi à l'égard des parties. D'une part, il appartiendra désormais au juge de faire preuve d'une extrême vigilance dans la rédaction du jugement. En effet, s'il a pu être considéré un temps que l'erreur est humaine et que partant une certaine souplesse s'imposait dans la lecture et l'analyse du dispositif, la position prise par Cour de Cassation dans l'arrêt soumis à commentaire ne laisse plus de place à ‘l'humanisation du jugement'. [...]
[...] En effet le justiciable doit être en mesure à la seule lecture du dispositif du jugement de savoir ce qui a été jugé. Une lecture extensive de l'article 480 conduirait à faire entrer l'aléa dans le champ du jugement, alors même qu'il est censé avoir établi la vérité et tranché le litige. Une telle lecture conduirait par ailleurs nécessairement à une subjectivisation du jugement. L'objectivisation du domaine de la chose jugée permet donc d'assurer cette sécurité juridique nécessaire à une bonne administration de la justice. De ce point de vue, la confirmation du critère formel de la chose jugée est donc satisfaisante. [...]
[...] D'autre part, la solution est également rigoureuse à l'endroit de la partie pour laquelle le jugement est favorable. Et pour cause, dans l'espèce rapportée il est certain que le périple procédural qui a suivi le jugement de 1995 n'aurait eu aucune raison d'être si le bailleur avait fait une requête en rectification d'erreur matérielle (article 462). Chacune des parties doit donc procéder à une lecture attentive du jugement et surtout de son dispositif. La rigueur imposée par l'Assemblée Plénière s'explique par la nécessité d'assurer la sécurité juridique. [...]
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