Le présent arrêt est rendu le 27 avril 1994 par le Conseil d'État en matière de décret délibéré en conseil des ministres. En l'espèce, un décret est pris en conseil des ministres le 13 août 1959 fixant le régime de l'indemnité pour les charges militaires. Alors qu'aucun texte ne l'impose, il est délibéré en conseil des ministres et signé ensuite de la main du Président de la République.
Un autre de décret de 1993 va venir modifier le texte suscité ; il est pour sa part signé de la main du premier ministre. Monsieur et Madame Allamigeon forment une requête devant le tribunal administratif de Versailles en annulation de ce décret. Le président du tribunal administratif renvoie l'ordonnance au Conseil d'État afin qu'il se prononce sur cette demande d'annulation en recours pour excès de pouvoir.
La question qui est alors posée au juge est de savoir si : un décret pris en Conseil des ministres, alors qu'aucun texte n'imposait cette délibération, et signé par le Président de la République, peut-il être modifié par un acte émanant du premier ministre ? Autrement dit, ce décret « modificateur » est-il légal ?
[...] Notre arrêt d'espèce touche à la seule modification éventuelle d'un décret pris en conseil des ministres. Il n'est donc plus question de la signature de l'acte délibéré mais de l'entité compétente pour modifier un acte de ce type uniquement. En l'espèce, le premier ministre avait pris l'initiative de modifier le décret litigieux précédemment délibéré en conseil des ministres. Or le Conseil d'Etat relève que c'est de la compétence du Président de la République puisque c'est lui qui avait signé le décret original. [...]
[...] En période de cohabitation donc, le pouvoir du Président de la République visé dans ce devoir est primordial. En effet, prenons un décret délibéré en conseil des ministres - donc sous la tutelle du premier ministre qui dicte sa façon de voir la politique et son action. Etant dans l'hypothèse d'une période de cohabitation, le premier ministre et le Président de la République ne sont pas de la même couleur politique et donc s'opposent ou tout du moins se contredisent dans leur action. [...]
[...] Un tel décret doit être contresigné par les ministres chargés de son exécution. Cette solution restreint les pouvoirs du Président de la République. Nous le précisons toute de suite, le présent arrêt va à l'encontre de l'apport de cette jurisprudence puisqu'il pose que seul le Président de la République peut modifier un décret délibéré en conseil des ministres. Pour autant il semble judicieux d'évoquer cette décision afin de bien comprendre l'évolution de la jurisprudence et les mécanismes constitutionnels. Notre arrêt Allamigeon donc pose au troisième considérant que le décret attaqué, qui a pour seul objet de modifier les dispositions du décret du 13 octobre 1959, a été signé du premier ministre et est ainsi entaché d'incompétence Il apparaît ici clairement que le Conseil d'Etat réserve au Président de la République la faculté de modifier un décret pris en conseil des ministres, faculté dont il est le seul détenteur. [...]
[...] Surtout, les décrets délibérés en conseil des ministres pourront, à l'avenir, être modifiés ou abrogés sans nouveau passage devant le conseil des ministres. En effet, lorsqu'une autorité souhaite modifier ou abroger un acte, elle n'a pas à respecter la procédure suivie pour son élaboration, sauf si un texte l'impose, ce qui n'est pas le cas pour les décrets pris en conseil des ministres. Cette règle permet, ainsi, au Président de la République de modifier seul les décrets pris en conseil des ministres. [...]
[...] En fait, les décrets réglementaires sont délibérés en conseil des ministres soit en vertu d'un texte qui peut être la Constitution ou la Loi, soit de par la seule volonté du Président de la République. Dans le premier cas, la délibération en Conseil des ministres est juridiquement obligatoire ; dans le second cas, elle ne l'est pas. L'arrêt du Conseil d'Etat du 10 octobre 1987, Syndicat autonome des enseignants de médecine vient poser que le Président de la République est l'auteur des seuls décrets devant être délibérés en Conseil des ministres en vertu d'un texte. [...]
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