Le Professeur Jean-Claude Ricci a dit : « Peut-on considérer qu'une justice très lente est encore une justice ? » L'arrêt rendu SARL Potchou rendu par le Conseil d'Etat le 25 janvier 2006 apporte un élément de réponse en engageant la responsabilité de l'Etat pour violation du délai raisonnable de jugement, alors même que la procédure est toujours pendante devant les juges du fond.
En l'espèce, une SARL constituée de deux gérants fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les bilans des trois derniers exercices non prescrits. A l'issue de celle-ci, l'administration procède à un redressement fiscal.
Les intéressés contestent le redressement et saisissent l'administration d'une réclamation. Puis, ils forment une demande tendant à l'annulation du rejet de cette réclamation devant un tribunal administratif. Quatre ans après, le tribunal ordonne qu'il soit procédé à une expertise avant de statuer sur le bien-fondé des cotisations et droits supplémentaires mis à la charge des contribuables. L'expert désigné met trois ans avant de remettre son rapport. Le tribunal administratif compétent met l'affaire en délibéré et il rend son jugement près de huit ans après. Les requérants interjettent appel devant la cour administrative d'appel territorialement compétente, devant laquelle l'affaire est aujourd'hui pendante.
Parallèlement à cette procédure dont la durée est « d'ores et déjà supérieure à dix-huit ans, dont près de neuf années de délibéré », les deux gérants saisissent le ministre de la Justice d'une demande d'indemnisation. Ils font valoir que la durée de la procédure devant la juridiction administrative est excessive. La demande étant rejetée, les requérants saisissent le Conseil d'Etat afin que la responsabilité de l'État soit engagée du seul fait du délai excessif de ce jugement, toujours pendant devant les juges du fond.
[...] Depuis plusieurs années, le juge européen était confronté à une multiplication des affaires relatives à la violation du délai raisonnable. C'est dans l'arrêt Kudla Pologne, pour la première fois, que la Cour européenne à sanctionner la méconnaissance du délai raisonnable par la combinaison de l'article qui prévoit le droit au justiciable de faire entendre sa cause dans un délai raisonnable, et de l'article 13 qui impose à chaque Etat de garantir un recours effectif permettant au justiciable de se plaindre de la méconnaissance de l'obligation imposée par l'article 6 L'arrêt Magiera est le premier arrêt rendu par le juge administratif français qui se fonde sur cesdits articles pour affirmer le droit du justiciable à un délai raisonnable de jugement Désormais, les recours en responsabilité fondés sur une violation du délai raisonnable seront jugés devant les juges administratifs français. [...]
[...] Il semble que le transfert du contentieux de la réparation du dépassement du délai raisonnable se soit effectivement opéré, notamment grâce au décret du 28 juillet 2005, qui a complété l'article R.311-1 du Code de la justice administrative. Le Conseil d'Etat est compétent pour statuer, en premier et dernier ressort, sur les actions en responsabilité dirigées contre l'Etat pour durée excessive de la procédure devant la juridiction administrative Mais la question qui se pose est celle de savoir quelle est l'étendue du préjudice à réparer par le juge. B. [...]
[...] L'arrêt rendu SARL Potchou rendu par le Conseil d'Etat le 25 janvier 2006 apporte un élément de réponse en engageant la responsabilité de l'Etat pour violation du délai raisonnable de jugement, alors même que la procédure est toujours pendante devant les juges du fond. En l'espèce, une SARL constituée de deux gérants fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les bilans des trois derniers exercices non prescrits. A l'issue de celle-ci, l'administration procède à un redressement fiscal. Les intéressés contestent le redressement et saisissent l'administration d'une réclamation. [...]
[...] La réaffirmation du droit automatique à réparation du préjudice La violation du droit du justiciable à un délai raisonnable de jugement est sanctionnée par la mise en jeu de la responsabilité de la puissance publique. En l'espèce, les juges appliquent la solution retenue par le Conseil d'Etat dans l'arrêt Magiera. Ils admettent que la violation de ce principe général du droit a été méconnue et, pour ce motif, les requérants peuvent obtenir la réparation du dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice Le 28 juin 2002, l'Assemblée du contentieux a jugé que pouvait être réparé le préjudice causé par la perte d'un avantage ou d'une chance ou encore par la reconnaissance tardive d'un droit ( les désagréments provoqués par la durée abusivement longue d'une procédure lorsque ceux-ci ont un caractère réel et vont au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès, compte tenu notamment de la situation personnelle de l'intéressé C'est sur le fondement de la jurisprudence Magiera que le Conseil d'Etat va indemniser le préjudice moral des requérants. [...]
[...] Dans cette affaire, le Conseil d'Etat a très clairement engagé la responsabilité de l'Etat pour dysfonctionnement du service public et a admis l'action en réparation pour non-respect des délais raisonnables de jugement. A la suite de cette affaire, l'Etat a été condamné à payer 57.000 euros en dommages-intérêts à cause de la faute d'un de ses agents. Mais le Conseil d'Etat a décidé de réclamer un quart de la somme au juge responsable par le biais de l'action récursoire. En effet, la juridiction suprême de l'ordre administration a reconnu sa responsabilité mais a considéré que le juge en question a défailli à son obligation de surveillance des tribunaux La jurisprudence semble donc admettre la responsabilité personnelle du juge qui a laissé une affaire pendante plus de dix-huit ans. [...]
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