La cinquième République, pour la première fois, institue un organe dont la fonction est d'effectuer un contrôle de constitutionnalité. Mais le Conseil Constitutionnel ne détient pas de monopole dans ce domaine et partage sa compétence notamment avec le Conseil d'Etat.
L'arrêt du Conseil d'Etat en date du 12 février 1960, dit arrêt « Eky », met en scène une société commerciale qui, jugeant son activité menacée par de nouvelles dispositions du Code pénal, intente un recours pour excès de pouvoir auprès du Conseil d'Etat, compétent en premier et dernier ressort.
Elle demande l'annulation de plusieurs articles du Code pénal édictés par décret, et de l'article 136 du Code pénal institué par une ordonnance, en s'appuyant sur la violation des articles 8 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, de 1789, et 34 de la Constitution de 1958.
Le Conseil d'Etat statue en section et rejette la demande.
Cet arrêt pose la question de l'étendue de la compétence du Conseil d'Etat pour contrôler la constitutionnalité d'un acte du gouvernement.
[...] Cette jurisprudence a été constante par le site et partagée par le Conseil Constitutionnel dès sa décision Liberté d'association de 1971. Celui-ci dégage un bloc de constitutionnalité, comprenant la Constitution au sens strict, son préambule, et les principes reconnus par les lois de la République. Aujourd'hui les deux autorités effectuent des contrôles de constitutionnalité et proclament des normes à valeur constitutionnelle sur la base de l'ensemble de la disposition de ce bloc de constitutionnalité. Le Conseil d'Etat se reconnaît donc compétent pour juger de la conformité d'un acte à l'ensemble de la Constitution, y compris son préambule dont les dispositions peuvent être directement invocables, sous certaines conditions. [...]
[...] Donc le décret pris en application de cette loi ne devrait pas pouvoir être annulé, la loi faisant écran entre le décret conforme à elle, et la Constitution. Cependant en l'espèce le Conseil d'Etat contourne la barrière de l'écran législatif en interprétant la Constitution et la loi de façon à faire disparaître l'inconstitutionnalité de celle-ci. En effet, le Conseil d'Etat interprète l'article 34 de la Constitution de façon restrictive, en considérant qu'il limite la compétence législative aux crimes et délits. De la sorte la délégalisation des contraventions n'est pas inconstitutionnelle. [...]
[...] Cet arrêt pose la question de l'étendue de la compétence du Conseil d'Etat pour contrôler la constitutionnalité d'un acte du gouvernement. Pour y répondre, il convient de se demander tout d'abord ce que le Conseil d'Etat entend par Constitution et si sa définition englobe le préambule puis de déterminer l'étendue du contrôle effectué (II). L'étendue des normes à valeur constitutionnelle D'après le visa Vu la Constitution du 4 octobre 1958 la Constitution s'impose au juge administratif, et représente pour lui une source de droit applicable dans le cadre de sa mission. [...]
[...] Par contre, le Conseil d'Etat se déclare incompétent pour juger de la constitutionnalité d'une ordonnance organique. Ainsi, en l'espèce, le Conseil d'Etat refuse de contrôler l'ordonnance du 23 décembre 1958, prise en application de l'article 92 de la Constitution. En effet, cette ordonnance a été prise dans l'exercice du pouvoir législatif reconnu par cet article, à titre transitoire, au gouvernement en 1958 du fait des nécessités de la mise en place de la Cinquième République. Le Conseil d'Etat adopte donc une conception matérielle de l'acte. [...]
[...] Selon une vision classique du droit constitutionnel, la Constitution a seulement pour but d'organiser les pouvoirs publics, et non de garantir les droits. Le préambule n'aurait donc pas valeur constitutionnelle. Cependant, le Conseil d'Etat dès que l'occasion s'est présentée, affirmé cette valeur du préambule. En effet, dans l'arrêt Eky il accepte d'examiner un moyen tiré de la violation par un décret de l'article 8 de la Déclaration de 1789 et reconnaît ainsi implicitement la valeur constitutionnelle du préambule. De plus, il dispose qu'il résulte de l'ensemble de la Constitution que ses auteurs ont exclu la détermination des contraventions du domaine législatif. [...]
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