Conseil d'État, 11 décembre 2015, assignation à résidence, juge du référé, juge de l'urgence, quasi-juge constitutionnel, QPC, Conseil constitutionnel, état d'urgence, légalité des assignations à résidence, juge des référés libertés, libertés individuelles
«Chacun peut s'accorder à constater que sont nés de la crise algérienne des outils légaux qui sont susceptibles d'être utilisés aujourd'hui pour faire face à des incidents dont l'ampleur, l'intensité, la soudaineté sont tels que les outils de la légalité ordinaire ne permettent pas de les traiter», tel est ce que le député Philippe Houillon arguait dans son rapport du 15 novembre 2005 en faveur de la prorogation de l'état d'urgence, suite aux incidents apparus dans les banlieues françaises. En effet, l'hémicycle parlementaire du 3 avril 1955 a majoritairement adopté une panoplie d'outils juridiques permettant, pour une période transitoire, d'écarter l'application des règles de la légalité ordinaire dans le but de tarir les sources de la crise ou du moins dans celui de rétablir la situation antérieure.
[...] Sa contestation a donc pris la forme d'un appel. Pour ce faire, le requérant s'appuie sur l'article 521-2 du CJA et estime qu'il y a urgence à ce que le juge des référés ordonne une mesure nécessaire à la sauvegarde de sa liberté d'aller et de venir, consacrée comme liberté fondamentale par le Conseil dans sa décision du 9 juin 2011à laquelle l'administration aurait porté, dans l'exercice de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale lorsque le ministre de l'Intérieur l'a assigné à résidence en application des dispositions de l'article 6 de la loi du 3 avril 1955. [...]
[...] En effet, le requérant reprochait à l'article 6 de permettre de prononcer des assignations à résidence pour d'autres motifs que ceux ayant conduit à déclarer l'état d'urgence. En l'espèce, le ministre de l'Intérieur aurait prononcé des assignations à résidence contre des militants écologistes afin que la mobilisation des forces de l'ordre pour un tel événement qu'est la COP 21 ne soit pas détournée, cette période, pour répondre aux risques d'ordre public » liés aux actions de revendications de ces militants. Ainsi, le traitement de la QPC entraînait le Conseil d'État à réaliser une première interprétation de la loi, ou du moins à préciser la portée de cet article. [...]
[...] De même que cette interprétation a été confirmée par le Conseil d'État dans une décision du 19 mars 2012. La transmission d'une QPC au Conseil d'État ou au Conseil constitutionnel ne borne donc pas l'appréciation du juge des référés sur l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. De même que le fait qu'une QPC ne soit pas dépourvue de caractère sérieux ou qu'elle soit regardée comme sérieux ne peut à lui seul caractériser une illégalité manifeste. [...]
[...] La section du contentieux s'est d'abord prononcée sur l'étendue de son contrôle sur les mesures d'assignation à résidence. Tout d'abord, la section porte la décision d'assemblée plénière Rolin du 24 mars 2006, autrement dit, que dans le cas d'un référé, le juge de l'excès de pouvoir exerce désormais un contrôle entier sur les mesures prises en application de la loi du 3 avril 1955 (considérant 27). Le Conseil d'État ne se limite donc plus à un contrôle restreint des mesures de police prises dans le cadre de l'état d'urgence (CE 16 décembre 1955, Dame Bourokba) qui ne l'empêchait pas pour autant d'annuler des mesures prises pour des motifs étrangers à ceux pouvant légalement les justifier (CE février 1956, Keddar). [...]
[...] En outre, il convient de préciser que pour caractériser l'existence d'un comportement constitutif d'une mesure pour l'ordre et la sécurité publique, l'Administration peut produire des blanches ». Si son usage a été proscrit par une circulaire de 2004, le Conseil d'État admet qu'il puisse constituer un moyen de preuve devant le juge administratif (CE mars 2003, ministre de l'Intérieur c/Rakhimov). En définitive et en l'espèce, puisque le requérant ne conteste ni les notes blanches ni sa propre participation aux actions prévues dans le cadre de la COP 21 et que les modalités mêmes des assignations à résidence ne sont pas véritablement remises en cause dans leur proportionnalité, il n'apparaît pas que ministre de l'Intérieur aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d'aller et venir ». [...]
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