La pratique des validations législatives consiste pour le législateur à rendre valide un acte, de nature administrative en général, précédemment annulé par le juge. Fortement controversé en raison de l'intervention du pouvoir législatif dans la sphère du pouvoir judiciaire qu'il suppose, portant ainsi atteinte au principe de séparation des pouvoirs consacré par les sociétés démocratiques, ce procédé est pourtant encore utilisé, notamment dans des lois “fourre-tout” comme la loi du 9 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, dont le Conseil constitutionnel est saisi.
Il s'agissait en l'espèce de la validation de l'ensemble des offres de prêts immobiliers émises avant le 31 décembre 1994, irrégulières en principe car elles ne comportaient pas un échéancier complet. En effet, en matière de crédit immobilier, la loi Scrivener du 13 juillet 1979, intégrée au Code de la consommation, indiquait les éléments que devait contenir l'offre de prêt. Ces dispositions portaient à controverse car les interprétations ministérielles avaient précisé que les établissements de crédit pouvaient fournir à leurs clients des informations simplifiées concernant l'échéancier des amortissements.
Mais dans ses deux arrêts du 16 mars 1994 et du 20 juillet 1994, la Cour de cassation vient démentir cette interprétation en considérant que l'échéancier des amortissements devait être joint à l'offre préalable et préciser “pour chaque échéance, la part de l'amortissement du capital par rapport à celle couvrant les intérêts”. La méconnaissance de ces dispositions devait alors, selon la Cour, être sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts pour le prêteur, d'une part, mais également par la nullité du contrat de prêt.
Au cœur du débat entourant la question de la régularité des offres de prêt ne comprenant pas un échéancier complet, le juge constitutionnel va donc être amené à trancher sur la conformité à la Constitution d'une telle validation législative. Au-delà, il semble également légitime de se demander dans quelle mesure un contrôle de constitutionnalité de la loi assure-t-il l'application à bon droit d'une validation législative ?
[...] Au-delà, il semble également légitime de se demander dans quelle mesure un contrôle de constitutionnalité de la loi assure l'application à bon droit d'une validation législative . S'il apparaît que le contrôle, au demeurant classique, de constitutionnalité de la loi opérée par le juge constitutionnel va en l'espèce légitimer l'action du législateur il ne faut pas cependant négliger que cette confirmation de la validation législative reste contestable dans son raisonnement (II). I. Un contrôle de constitutionnalité classique légitimant l'action du législateur Le Conseil constitutionnel va opérer un contrôle de constitutionnalité classique en refusant formellement, suivant sa jurisprudence traditionnelle, de réaliser un contrôle de conventionalité de la loi au regard de la Convention européenne des droits de l'Homme Ce faisant il légitime l'action du législateur en reconnaissant conforme à la Constitution la validation législative dont il a été saisi, après avoir exercé un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation A. [...]
[...] Ce considérant de principe, repris par l'arrêt du 9 avril 1996 dans son considérant vise en effet le cas précis des validations législatives, largement controversées en raison du risque d'atteinte au principe de séparation des pouvoirs qu'elles impliquent. En l'espèce, le juge constitutionnel va reprendre la formulation du 22 juillet 1980, reconnaissant ainsi le principe de séparations des pouvoirs, mais il ne va pas véritablement contrôler que le principe ait été respecté. En effet, il met en avant son refus du contrôle de conventionalité pour évincer le contrôle du respect de ce principe qu'il n'y a pas lieu, dès lors, d'examiner la conformité du I de l'article 87 aux stipulations de la Convention européenne des droits de l'homme ; que le grief tiré d'une méconnaissance du principe de la séparation des pouvoirs ne saurait dans ces conditions être accueilli” en réponse à l'invocation par les auteurs de la saisine des articles 6-1 et 13 de la Convention européenne des droits de l'Homme. [...]
[...] Comme le souligne les parlementaires, le seul intérêt général qui aurait pu être invoqué était celui des emprunteurs, que les lois qui faisaient l'objet de cette controverse avaient pour but de protéger, notamment avec la mise en place du principe de la prohibition de l'avantage excessif obtenu par un professionnel sur un non-professionnel par un usage abusif de sa position économique dominante. Il semble en effet que cet intérêt général, loin d'avoir été protégé par le législateur, est au contraire retourné contre les emprunteurs. Ainsi, si le contrôle de conformité à la loi opéré par le Conseil semble contestable sur plusieurs points, il fait cependant apparaître une volonté nouvelle du Conseil. [...]
[...] Cette influence, bien qu'elle ne soit pas encore reconnue par le juge constitutionnel, imprègne donc la jurisprudence du Conseil constitutionnel, notamment en matière de validations législatives, car elle conduira le juge français à revoir sa position pour la coller à celle du juge européen. B. La légitimation par le juge constitutionnel de la validation législative au terme d'un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation Le Conseil constitutionnel va opérer un contrôle de constitutionnalité de la loi limité à l'erreur manifeste d'appréciation, un contrôle restreint en d'autres termes. [...]
[...] De plus, le Conseil va utiliser la même notion de séparation des pouvoirs dont il refuse, quelques considérants plus haut, de contrôler le respect, pour justifier dans son considérant 11 la différence de traitement impliquée par la validation législative, entre les usagers résulte du I de l'article 87 que des emprunteurs se trouvent traités différemment selon que les litiges qui les opposent aux établissements prêteurs ont ou n'ont pas déjà été tranchés par les juridictions avant l'intervention du législateur, cette différence procède de l'interdiction faite au législateur de censurer les décisions des juridictions et d'enfreindre par là même le principe de séparation des pouvoirs”. Ce paradoxe paraît largement contestable, d'autant que l'appréciation même de la notion d'intérêt général menée dans la décision reste discutée. A. [...]
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