Conseil constitutionnel 31 janvier 2020, Union des industries de la protection des plantes, droit de l'environnement, circulaire du 23 juillet 2019, QPC Question Prioritaire de Constitutionnalité, article L253-8 du Code rural et de la pêche maritime, loi du 30 juin 2010, commentaire d'arrêt
C'est dans le cadre d'un recours en annulation pour excès de pouvoir à l'encontre de la circulaire du 23 juillet 2019 du ministre de la Transition écologique et solidaire, du ministre de l'Économie et des Finances et du ministre de l'Agriculture et de l'alimentation relative à l'entrée en vigueur de l'interdiction de certains produits phytopharmaceutiques pour des raisons de protection de la santé et de l'environnement que le Conseil d'État a renvoyé au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) formée par la requérante, l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP, ci-après), relative à la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe IV de l'article L253-8 du Code rural et de la pêche maritime, disposant de ladite interdiction.
[...] Trois éléments contenus dans la décision du 31 janvier 2020 tendent à soutenir ce postulat que l'environnement qu'il s'agit de protéger n'est plus désormais limité au territoire national. Tout d'abord, l'objet même de la QPC présentée par l'UIPP, à savoir l'interdiction d'exportation des substances non approuvées instaurée par les dispositions du paragraphe IV de l'article L235-8 du code rural et de la pêche maritime, limite de fait l'examen effectué par le Conseil constitutionnel à la seule question de l'effet de la loi en dehors des frontières françaises. [...]
[...] D'autres décisions ne s'opposent pas spécifiquement aux libertés économiques, mais mettent clairement en avant l'impératif environnemental, telles le référé adressé au Premier ministre le 27 novembre 2019 par la Cour des comptes, qui reproche au gouvernement des objectifs non atteints en matière de réduction de pesticides (Cour des comptes, référé n° S20192659 du 27 novembre 2019), ou encore tout dernièrement, la condamnation de l'État par le tribunal administratif de Paris pour sa carence partielle dans la réduction des gaz à effet de serre (TA Paris février 2021). Et incontestablement, cette reconnaissance au rang d'objectif de valeur constitutionnelle constitue un pas supplémentaire dans la régulation de l'activité économique par la puissance publique au nom de la protection de l'environnement. Il conviendra de décrypter cette avancée tant en ce qu'elle pourrait esquisser une tentation universaliste française dans la lutte pour l'environnement que dans ces implications plus directes sur le droit positif interne (II). [...]
[...] Elle est tout autant une décision qui entre en résonance avec le référé adressé au Premier ministre par la Cour des comptes le 27 novembre 2019 (Cour des comptes, référé n° S2019-2659 du 27 novembre 2019), ou la récente condamnation de l'État par le tribunal administratif de Paris (TA Paris février 2021), deux décisions qui pointent explicitement la responsabilité de l'exécutif dans les carences de l'État en matière de protection de l'environnement. De ce fait, à l'heure où l'exécutif est de plus en plus souvent à l'initiative législative, cette décision concourra peut-être à préserver (si ce n'est déjà rétablir) l'équilibre dans la répartition des pouvoirs, et ce d'autant plus que c'est bien le Parlement qui bénéficie de l'assise électorale et donc de la légitimité démocratique d'une part et de la prérogative de contrôle de l'exécutif d'autre part, car le Conseil constitutionnel soutient également indirectement, par sa décision, une aspiration citoyenne de plus en plus prégnante. [...]
[...] La possibilité n'est donc, malgré l'évolution notoire que connaît la protection de l'environnement, pas encore ouverte pour le justiciable de l'invoquer à l'appui d'une QPC. Mais si cette porte reste pour l'heure fermée, ce sont en revanche de nouvelles perspectives qui s'offrent au législateur et de nouveaux enjeux auxquels il se trouve confronté en matière de politique environnementale. Avant d'indiquer qu'« il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances, les dispositions ainsi prises par le législateur », la décision avait également énoncé qu'« il appartient au législateur d'assurer la conciliation des objectifs précités [protection de la santé et protection de l'environnement] avec l'exercice de la liberté d'entreprendre ». [...]
[...] Et de se voir élever au rang d'objectif de valeur constitutionnelle n'est pas dépourvu de répercussions sur la nature du contrôle exercé par les Sages. Ceux-ci le soulignent eux-mêmes dans le commentaire qu'ils apportent à leur décision, indiquant que le Conseil constitutionnel juge « que toute limitation de la liberté d'entreprendre doit être justifiée par exigence constitutionnelle ou un motif d'intérêt général pour être déclarée conforme à la Constitution », avant de préciser qu'une fois caractérisées l'atteinte à la liberté d'entreprendre et l'existence d'une exigence constitutionnelle ou d'un motif d'intérêt général de nature à la justifier, il lui convient alors d'examiner la proportionnalité de l'atteinte à l'objectif poursuivi. [...]
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