La notion d'EMA apparaît dans deux contextes. Elle a fait son apparition pour la première fois dans des hypothèses où les textes de valeur constitutionnelle subordonnaient l'exercice du pouvoir législatif à deux conditions : la nécessité des peines (puisque la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires), la nécessité des nationalisations (car nul ne peut être privé de sa propriété privée, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment).
En mars 1986, est engagée une large réforme du droit pénal français alors que s'esquisse une période délicate de cohabitation au sein du gouvernement français : le Parlement adopte, à cette occasion quatre lois présentées par le Garde des Sceaux portant sur les contrôles et vérifications d'identité, la lutte contre le terrorisme et les atteintes à la sûreté de l'Etat mais également à l'application des peines et à la lutte contre la criminalité et la délinquance.
Ce sont des extraits de cette dernière loi soumise au contrôle du Conseil Constitutionnel en date du 3 septembre 1986 que nous allons étudier (considérants 5, 6,7). Les sénateurs socialistes ont choisi de saisir le Conseil Constitutionnel qui a donc pu se prononcer tant sur l'ensemble « des dispositions législatives qui aménageaient le régime existant que [sur] celles qui comportaient des innovations ».
Quelle marge de manœuvre se réserve alors le Conseil Constitutionnel dans le contrôle de l'EMA qu'il exerce afin à la fois de préserver la mission du législateur et de conserver ses propres prérogatives ? Dans l'extrait dont nous disposons, le Conseil souligne ainsi que la Constitution ne lui confère pas un pouvoir général d'appréciation identique à celui du Parlement.
[...] En l'occurrence, la disproportion entre l'infraction et la peine encourue doit être manifeste pour être sanctionnée. Il faut souligner ce terme est ambigu et suppose une certaine part de subjectivité de la part du juge constitutionnel. La protection des libertés fondamentales dont le Conseil Constitutionnel est le garant doit en effet bénéficier logiquement des garanties que leur offrent les principes de constitutionnalité et de légalité. À cet égard, l'équilibre est en effet précaire et la tentation toujours grande de prendre des décisions qui dépassent la nécessité de ce que la situation exige. [...]
[...] Le Conseil opère un contrôle de l'erreur manifeste ménageant l'appréciation du législateur, rappelant ainsi qu'il est juge de la constitutionnalité des réformes législatives et non de leur opportunité Au-delà d'un contrôle du caractère nécessaire de la peine, le juge constitutionnel opère un contrôle de proportionnalité, contrôle en réalité restreint entendu qu'il s'agit d'un contrôle de disproportion manifeste (II). I. Un contrôle de l'erreur manifeste d'appréciation ménageant le pouvoir discrétionnaire du législateur L'acte constituant l'infraction, l'élément constitutif du comportement punissable, est défini par le législateur comme le rappelle Jacques Le Calvez dans sa note Les principes constitutionnels en droit pénal à la Semaine juridique Dès lors, le juge constitutionnel tend à préserver la marge d'appréciation qui revient au législateur dans le prononcé de la peine et à observer un respect légitime d'un des éléments du bloc de constitutionnalité qu'est la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et plus spécifiquement son article 8 de façon à repréciser qu'il ne dispose pas d'un pouvoir d'appréciation identique à celui du Parlement L'appréciation du législateur respectée par le juge constitutionnel La mission de détermination de l'acte constituant l'infraction d'une part et de la nécessité d'établir une sanction qui lui correspond d'autre part fait partie des exigences incombant au législateur, caractérisant le mieux une société pleinement démocratique. [...]
[...] Elle se retrouve dans un autre domaine : celui de la fonction publique (contentieux des équivalences d'emplois : Ce S avril 1961 Lagrange). (Débat porte sur l'intensité de ce contrôle) L'enseignement est relatif à l'intensité du contrôle de proportionnalité. (Le seuil au-delà duquel le juge considère que la liberté est méconnue varie suivant la place qu'elle occupe dans la hiérarchie et que lui reconnaît le juge. Elles ne bénéficient donc pas toutes du même degré de protection. [...]
[...] Il est évident, à cet égard, que le droit pénal qui vise la sanction se caractérise par une atteinte particulièrement grave à ces droits et libertés, mais la contrepartie se situe au niveau de la préservation de la sécurité et de la moralité publique, au niveau des garanties à apporter au bon fonctionnement d'une société démocratique. En cette matière ,il revient traditionnellement au législateur de déterminer les actes constituant les infractions et d'évaluer l'élément constitutif du comportement punissable pour y appliquer une peine appropriée, ceci est inscrit à l'article 34 de la Constitution de 1958 et découle de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. [...]
[...] De façon également marquante, et dans l'extrait qui nous est soumis, il opère un contrôle de disproportion manifeste de l'appréciation du législateur quant à la nécessité de la peine encourue. Quelle marge de manœuvre se réserve alors le Conseil Constitutionnel dans le contrôle de l'EMA qu'il exerce afin à la fois de préserver la mission du législateur et de conserver ses propres prérogatives ? Dans l'extrait dont nous disposons, le Conseil souligne ainsi que la Constitution ne lui confère pas un pouvoir général d'appréciation identique à celui du Parlement. [...]
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