Conseil constitutionnel 3 juillet 2020, loi d habilitation, QPC Question Prioritaire de Constitutionnalité, Covid 19, article 61-1 de la Constitution, détention provisoire, article 66 de la Constitution, article 38 de la Constitution, protection des libertés, conseil constitutionnel, ordonnances, conformité de la loi, conformité du droit, loi du 23 mars 2020, déresponsabilisation
La décision dont nous nous apprêtons à faire le commentaire est une décision du Conseil Constitutionnel rendue le 3 juillet 2020 soulevant la question de la constitutionnalité des dispositions d'une loi d'habilitation adoptée le 23 mars 2020 dans le contexte de l'épidémie de COVID-19.
Plusieurs requérants, dont M. Sofiane A, soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité prévue à l'article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958. Cette question concerne la conformité à la Constitution des dispositions du deuxièmement du paragraphe 1 de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de COVID-19, précisément le d) de la partie du paragraphe susvisé qui - entre autres - autorise à se dispenser de l'intervention directe du juge d'instruction dans la prolongation de la durée de la détention provisoire. Ces dispositions habilitent le Gouvernement à prendre des ordonnances en vertu de l'article 38 de la Constitution portant sur les règles régissant la détention provisoire. Comme l'exige la procédure de l'article 61-1, la question a été posée devant une juridiction judiciaire ou administrative qui n'est pas mentionnée dans l'extrait de la décision présenté.
[...] L'incompétence négative est très vite écartée par les juges au motif que l'article 38 « n'impose pas au Gouvernement de faire connaître au Parlement la teneur des ordonnances qu'il prendra en vertu de cette habilitation ». Le Conseil considère que cet article vient poser les seules exigences de la part du Gouvernement d'énoncer dans sa demande d'habilitation le but recherché par la prise des ordonnances ainsi que le domaine d'intervention. Le législateur doit quant à lui déterminer le délai pendant lequel le Gouvernement sera habilité. Sur cette incompétence, les juges indiquent donc que le législateur ainsi que le Gouvernement ont rempli les exigences de l'article 38 de la Constitution. [...]
[...] Alors que le Conseil Constitutionnel avait, dans sa décision CC du 10 février 2012 n° 2011-219 QPC, indiqué que « l'ordonnance du 28 octobre 2010 n'a pas été ratifiée ; que, par suite, les dispositions ( . ) ne revêtent pas le caractère de dispositions législatives au sens de l'article 61-1 de la Constitution ; qu'il n'y a donc pas lieu, pour le Conseil constitutionnel, d'en connaître », il vient d'effectuer un revirement de jurisprudence dans une décision CC mai 2020, décision n° 2020-843 QPC dans laquelle il nous indique que « les dispositions de cette ordonnance (non ratifiée) ne pouvaient plus être modifiées que par la loi dans les matières qui sont du domaine législatif. [...]
[...] Ce dernier raisonnement parait assez logique et intéressant, mais on comprend moins bien pourquoi les juges disculpent également le fond du texte, surtout avant de déclarer qu'il est disculpé presque naturellement par son critère formel. Sur ce point, le Conseil semble être en accord avec le Conseil d'État et son arrêt CE janv n° 380339. [...]
[...] Le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 3 juillet 2020 répond positivement à la question de constitutionnalité en déclarant la loi du 23 mars 2020 conforme à la Constitution et aux droits de la défense, notamment « les mots "des détentions provisoires" figurant au d du 2° du paragraphe I de l'article 11 de la loi ». Le Conseil motive sa décision en indiquant, sur la précision du texte, que l'article 38 de la Constitution n'exige qu'une détermination de la finalité des mesures et de l'étendue du domaine dans lequel elles vont intervenir, excluant toute exigence de précision des éléments de l'habilitation et donc toute incompétence négative du législateur. [...]
[...] La déresponsabilisation ambiguë des lois d'habilitation Le raisonnement du Conseil Constitutionnel semble un peu particulier. En effet, il semble dans un premier disculper la loi sur le fond puis, comme par précaution, disculper la loi sur la forme. Les jugent considèrent dans un premier temps que la loi ne prévoit pas d'écarter complètement l'intervention des juges dans la prolongation d'un titre de détention provisoire, elle permet simplement au Gouvernement de prendre des mesures temporaires, dans le but de lutter contre l'épidémie, de se contenter d'une intervention à distance du juge, sur les observations écrites du prévenu et de son avocat. [...]
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