La propriété est un droit garanti à la fois par la loi et par la constitution et un mécanisme de la société civile. Néanmoins, les inégalités par rapport à l'accès à la propriété ont pu conduire à des interventions publiques pour préserver l'harmonie sociale. Dans une décision du 29 juillet 1998, le conseil constitutionnel s'attèle à résoudre le conflit existant entre droit de propriété et droit au logement en contrôlant la constitutionnalité de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions.
En son article 52, cette loi ajoute des dispositions L. 642-1 à L. 642-28 au code de la construction et de l'habitation. Les nouveaux articles disposent qu'un bien immobilier dont une personne morale est propriétaire et qui est vacant depuis au moins 18 mois peut être réquisitionné par la puissance publique ou une organisation déléguée dans une commune où l'état de l'offre et de la demande ne permet pas de subvenir au logement équitable de chacun. Cette réquisition se fait au profit d'une personne défavorisée durant un an à six ans, et la puissance publique, attributaire, indemnise le propriétaire. L'article 107 de la loi dispose que le remboursement à un créancier de sa dette peut se faire par la vente d'un immeuble du débiteur aux enchères ou à défaut par attribution de cet immeuble au créancier.
Suite au vote favorable du parlement sur cette loi, le conseil constitutionnel est saisi par les députés. Ceux-ci estiment que les articles 52 et 107 induisent une violation du droit de propriété et du principe d'égalité des personnes devant les charges publiques.
[...] Le conseil constitutionnel, en examinant dans cet extrait les articles 52 et 107, répond au problème suivant : Quelle atteinte à la propriété la puissance publique peut-elle commettre pour assurer la lutte contre l'exclusion? Le conseil constitutionnel estime que l'article 52 de la loi est conforme à la constitution parce qu'il ne comporte pas de disposition d'une gravité telle que le droit de propriété défini aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) soit violé et que la puissance publique a la compétence en la matière. [...]
[...] Ce n'est pas le droit de propriété qui est affecté en l'espèce mais le bien sur lequel il porte. La réquisition modifie les modalités de réalisation de la propriété. On peut le voir dans l'indemnisation : la propriété de la personne morale sur son bien est respectée parce qu'il lui est payé un loyer équivalent à ce qu'elle aurait reçu dans le cas du bail. Toutefois, une objection pourrait être tirée dans cet arrêt qui tient au fait que le bien réquisitionné est celui du propriétaire ou du titulaire d'un droit d'usage. [...]
[...] Or, l'article 2285 du Code civil dispose que les biens du débiteur sont le gage commun des créanciers Dès lors que la créance est conclue, on peut avancer que le créancier s'engage sur les biens du débiteur ; le conseil constitutionnel limite ainsi les modalités d'application de cet article en ce qu'il en fait une prérogative que le créancier peut exercer et non une modalité équitable des relations entre le créancier et le débiteur. Le créancier se voit pourtant imposer des modalités de remboursement de sa créance par le juge dans la procédure de liquidation judiciaire. Le conseil constitutionnel consacre donc dans cet arrêt une fonction civile suprême à la propriété. [...]
[...] Le conflit de droits La propriété est définie à l'article 544 du Code civil comme le droit de disposer des choses de la manière la plus absolue pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements. La propriété est ainsi l'exclusion d'autrui de la chose qui m'appartient, selon Marie Laure Mathieu Yzorche dans Les Biens : p nº16 : La notion d'appropriation contient l'idée d'exclusion d'autrui Dès lors, la réalisation du droit au logement et la lutte contre l'exclusion pour respecter la dignité de la personne peut aller à l'encontre du droit de propriété. [...]
[...] Cet arrêt consacre le droit d'une personne à un logement décent et la volonté de lutter contre l'exclusion : ce droit permet une certaine intervention en matière de biens avec la réquisition. Mais les modalités de réquisition ne doivent pas être contraires au droit de propriété d'une personne sur son bien : il doit exister une juste indemnisation et la libre disposition des biens doit être respectée. La réquisition est comparable selon les juges constitutionnels au bail, ce qui atteste d'une suprématie sociale de la propriété. [...]
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