Comme le déclarait, non sans une once de provocation, le célèbre économiste Milton Friedman « s'il faut privatiser ou élaguer une activité publique, faites-le complètement. Ne recherchez pas un compromis grâce à une privatisation ou à une réduction partielle du contrôle étatique ». Or en France, le désengagement de l'État opéré dans le cadre de la décentralisation amorcée depuis 1982, s'est traduit par la transformation de nombreux établissements publics en sociétés anonymes détenues majoritairement pas l'État.
Dans le domaine des télécommunications, la réforme avait été engagée avec la loi du 2 juillet 1990, relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications, réforme devenue nécessaire au regard de l'exigence communautaire de libéralisation totale du secteur des télécommunications au 1er janvier 1998 (directive 90/387/CEE du 28 juin 1990). Or la loi nº96-660 du 26 juillet 1996 relative à l'entreprise nationale France Télécom, dont l'objet est le changement de statut de l'établissement public France Télécom en société anonyme, modifie de façon importante la loi du 2 juillet 1990 ainsi que le code des postes et télécommunications. Le Conseil constitutionnel a donc été saisi le 3 juillet 1996 par soixante-trois députés et a rendu à ce sujet la décision numéro 96-380 DC du 23 juillet 1996.
Les députés auteurs de la saisine ont donc déféré les articles 1 et 7 de cette loi, fondant leurs moyens tout d'abord sur le non-respect de l'exigence constitutionnelle d'appartenance d'un service public national au secteur public, posée par l'alinéa 9 du préambule de 1946. D'autre part ils estimaient insuffisante la protection du domaine public offerte par le législateur, car contraire au principe selon eux à valeur constitutionnelle d'inaliénabilité du domaine public. Enfin ils estimaient que le législateur ne respectait pas les principes constitutionnels relatifs au fonctionnement des services publics, notamment de continuité et d'égalité du service public. Dès lors, l'outil de privatisation partielle est-il conforme aux exigences constitutionnelles en matière de service public et que préconise-t-il à long terme ?
[...] Dès lors il est compréhensible que les députés aient aussi interrogé le juge constitutionnel sur la conformité de la loi par rapport au principe d'égalité afin de savoir si une autre exigence du service public est également remise en cause. Il convient tout d'abord de rappeler que l'égalité devant le service public s'applique aux usagers, aux agents et aux co-contractants du service public. De plus, il ne s'agit pas d'une égalité arithmétique mais d'une égalité proportionnelle c'est-à-dire qu'à situations identiques le traitement doit être identique, mais qu'à situations différentes le traitement peut être différent. [...]
[...] Pour le principe de continuité il s'agit de la décision 79-105 DC du 25 juillet 1979 Droit de grève à la radio et à la télévision tandis que pour le principe d'égalité il s'agit de la décision n°73-51 DC du 27 décembre 1973 Taxation d'office Au sujet du la violation du principe constitutionnel de continuité du service public, le Conseil constitutionnel ne peut considérer une loi conforme à ce principe que si elle apporte des garanties suffisantes, appréciées souverainement par le juge, afin de ne pas porter atteinte à ce principe. Or en l'espèce, le juge constitutionnel considère dans sa décision n°96-380 DC du 23 juillet 1996, qu'en cas de défaillance de l'État quant à la protection des biens essentiels aux missions de service public de la société anonyme France Télécom, le contrôle du juge prévu par la loi garantit la protection effective de ces biens. [...]
[...] Dès lors et comme l'indique le Conseil constitutionnel dans sa décision n°96-380 DC du 23 juillet 1996, ce principe n'a pas valeur constitutionnelle, ce qui a pour effet de l'ériger en principe fondamental reconnu par les lois de la république. Ainsi, le juge constitutionnel va contrôler si ce déclassement ne porte pas atteinte à des principes constitutionnels, mais ne peut en tout cas déclarer cette disposition non conforme du simple fait que le domaine public est inaliénable. Ainsi dans la décision n°2005-513 DC 14 avril 2005, le CC rappel que le déclassement d'un bien appartenant au domaine public ne saurait avoir pour effet de priver de garantie légale les exigences qui résultent de la continuité des services publics auxquels ils restent affectés. [...]
[...] Or en l'état actuel du droit il n'existe pas de définition constitutionnelle de ce qu'est une entreprise publique. Certes le critère central français est celui de la détention de la majorité du capital par une personne publique (CE 24 novembre 1978 Schwartz et CE 22 décembre 1982, Comité central d'entreprise de la SFENA Cependant il reste que ce critère est d'origine jurisprudentielle et susceptible d'évoluer. Cette évolution est d'ailleurs tout à fait envisageable au regard de la définition de l'entreprise publique au niveau communautaire (directive transparence n°2006-54 CE). [...]
[...] En ce sens le Conseil constitutionnel dans une décision n°79-101 DC du 12 juillet 1979 admet les dérogations au principe d'égalité si elles sont motivées par des motifs d'intérêt général en rapport avec l'objet de la loi. En l'espèce, les députés estiment que le nouveau régime instauré par le législateur à travers l'article 7 de la loi n°96-660 du 26 juillet 1996 porte atteinte au principe d'égalité puisqu'il insère un article 30-1 dans la loi du 2 juillet 1990, en vertu duquel est instauré un régime de fin de carrière qui ne bénéficie qu'à certains agents de l'ancien établissement public France Télécom. [...]
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