Commentaire de décision, Conseil constitutionnel, 23 janvier 1987, loi n° 86-793 du 2 juillet 1986, Conseil de la concurrence
« Tous les moyens sont bons quand ils sont efficaces », énonçait Jean Paul Sartre. Si nous voulons suivre la logique de Sartre, nous sommes dans l'obligation de constater, concernant la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986, qu'aucun des moyens invoqués par les auteurs de la saisine n'est bon, tout simplement parce que tous sont écartés par le juge Constitutionnel qui a préféré se baser sur un moyen soulevé d'office. En espèce une loi du 2 juillet 1986, permettait au gouvernement prendre des mesures de nature économique et sociale en application de l'article 38 de la Constitution. Une des ordonnances ainsi prises prévoit la création d'un Conseil de la concurrence donné des divers pouvoirs disciplinaires, exorbitants du droit commun et susceptibles d'être contrôlés par le juge administratif. Le Parlement, appelé à ratifier les ordonnances prises par le gouvernement, a voté une loi le 20 décembre 1986 portant modification au texte initial de l'ordonnance susvisée à ce que le parlement confie la compétence du contentieux du Conseil de la concurrence à la Cour d'appel de Paris et non au Conseil d'État comme il était prévu dans le texte initial de l'ordonnance en cause.
[...] Le rappel implicite de la valeur constitutionnelle du principe des droits de la défense Le Conseil constitutionnel pour fonder sa décision de censurer la loi de 20 décembre 1986 invoque le non-respect d'une garantie essentielle des droits de la défense. Le juge constitutionnel a eu l'occasion de qualifier comme PFRLR le principe des droits de la défense aussi bien en matière pénale par une décision de 1976 qu'en matière administrative en 1977. Ce principe étant qualifié de principe général de droit par le Conseil d'État dans une décision de 1944 Dame veuve Trompier-Gravier prévoit qu'en matière administrative, à l'exception des mesures de police, aucune autre mesure individuelle d'une certaine gravité, reposant sur l'appréciation d'une situation personnelle, ne peut être prise sans entendre préalablement la personne qui est susceptible d'être lésée dans ses intérêts moraux ou matériels par la mesure en cause. [...]
[...] Il est alors nécessaire de savoir la valeur que le Conseil constitutionnel reconnaît à la fois à ce principe et aux droits de la défense. Comment le Conseil constitutionnel se positionne- t-il par rapport à la fois la séparation des autorités administratives et judiciaires et les droits de défense ? Pour arriver à une conclusion cohérente, nous allons étudier successivement la manœuvre astucieuse de constitutionnalisation du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires pour arriver à la sanction automatique pour méconnaissance d'une garantie essentielle de la défense (II). [...]
[...] Par ailleurs, il constate que la Cour d'appel de Paris, juridiction prévue par la loi soumise au contrôle du Conseil constitutionnel pour contrôler les actes du Conseil de la concurrence, n'a pas une telle faculté. Ce constat amène le juge constitutionnel à finaliser son moyen soulevé d'office en déclarant que le sursis à exécution est une garantie essentielle des droits de la défense, notamment dans la mesure où les sanctions, notamment pécuniaires, prévues à la compétence du Conseil de la concurrence pourraient être d'une particulière gravité et avec des conséquences difficilement réparables. [...]
[...] Ainsi, plus de soixante députés saisissent le Conseil constitutionnel pour vérifier la conformité à la Constitution de cette loi, a priori prise afin de ratifier l'ordonnance du 1er décembre 1986 et confiant la mission de statuer sur les décisions du Conseil de la concurrence à l'ordre judiciaire. Par ailleurs, il a été question de savoir si la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel a implicitement ratifié tout ou partie de dispositions de l'ordonnance en cause et par conséquent si ce texte est conforme à la Constitution. [...]
[...] Il paraît intéressant de noter que le Conseil constitutionnel dans une décision postérieure du 30 mars 2006 rattache ce principe directement à l'article 16 de la Déclaration de droits de l'Homme et du citoyen parmi les dispositions relatives aux garanties des droits. Ayant rappelé le cadre limitant la juridiction administrative en lui imposant le respect de certains droits des administrés, le juge constitutionnel va dégager une garantie essentielle de ces droits et va constater sa violation par la loi qui lui est soumise. [...]
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